Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 14 juin 2023 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant un an.
Par un jugement n° 2301650 du 23 août 2023, la présidente du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Roilette, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 août 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 juin 2023 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant un an ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour sans délai à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à défaut, de réexaminer sa situation, en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
L'obligation de quitter le territoire français :
- est entachée d'incompétence ;
- est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La décision fixant le pays de destination :
- est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- est entachée d'incompétence ;
- est insuffisamment motivée ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme, qui n'a pas présenté d'observations.
Par ordonnance du 14 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 avril 2024.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 19 mars 1961 à Dniprodzejynsk (Ukraine) et de nationalité ukrainienne, est entrée sur le territoire français le 13 juin 2021. A la suite du rejet de sa demande d'asile par une décision du 30 novembre 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis par une décision du 31 mai 2023 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le préfet du Puy-de-Dôme, par un arrêté du 14 juin 2023, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et a assorti sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. Mme A... relève appel du jugement du 23 août 2023 par lequel la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la requérante reprend en appel les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige, de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par la première juge.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ".
4. Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire est intervenue sur le seul fondement du 4° de ces mêmes dispositions. En tout état de cause, il ne résulte ni des termes de la décision attaquée, ni des pièces du dossier que le préfet du Puy-de-Dôme se serait cru en situation de compétence liée en obligeant Mme A... à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, si Mme A... se prévaut des risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine, ce moyen est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas pour objet de fixer un pays de destination. En tout état de cause, la requérante, dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée par l'OFPRA et la CNDA, ne produit aucun élément permettant de considérer qu'elle serait effectivement exposée, de façon personnelle et directe, à des traitements inhumains ou dégradants. Au surplus, si la requérante, laquelle ne peut au demeurant pas bénéficier de la protection temporaire prévue par les dispositions de l'article L. 581-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est entrée en France avant le 24 février 2022, fait état du conflit armé en Ukraine pour justifier d'un risque encouru en cas de retour dans son pays d'origine, la seule circonstance suivant laquelle elle est originaire d'une zone de conflit n'est pas de nature à établir l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. Cette circonstance serait toutefois, le cas échéant, de nature à faire obstacle à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français à destination de l'Ukraine.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
7. En l'espèce, Mme A... est entrée en France le 13 juin 2021. Si elle soutient que sa fille a obtenu le statut de réfugiée en France et que son mari est décédé, ces circonstances ne permettent pas d'établir qu'elle aurait, notamment du fait de son entrée récente sur le territoire national et de ce qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante ans en Ukraine, où réside encore sa sœur, fixé le centre de ses liens familiaux et personnels en France. En outre, la requérante ne se prévaut d'aucune insertion particulière. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect à sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. La requérante, en premier lieu, reprend en appel les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par la première juge.
9. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 7.
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
10. La requérante reprend en appel les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige, de l'insuffisance de motivation, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par la première juge.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Christine Djebiri, première conseillère,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.
La présidente-rapporteure,
M. Mehl-SchouderL'assesseure la plus ancienne,
C. Djebiri
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY03550 2