La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2024 | FRANCE | N°23LY03503

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 11 juin 2024, 23LY03503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, lui a imparti un délai de trente jours pour ce départ et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.



Par un jugement n° 2301247 du 31 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande. <

br>


Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 11 novembre 2023, Mme D..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, lui a imparti un délai de trente jours pour ce départ et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2301247 du 31 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 novembre 2023, Mme D..., représentée par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, lui a imparti un délai de trente jours pour ce départ et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône, en cas d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut, de réexaminer sa situation, en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et, en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et/ou la décision fixant le pays de destination, de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour jusqu'au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

La décision portant refus de titre de séjour :

- est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 de ce code ;

- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

- est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La décision fixant le pays de destination :

- est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et/ou de l'obligation de quitter le territoire français ;

- méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.

Par ordonnance du 14 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 avril 2024.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née le 12 octobre 1973 à Kinshasa (République démocratique du Congo) et de nationalité congolaise, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 11 janvier 2018. A la suite du rejet de sa demande d'asile par une décision du 31 août 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 14 juin 2019, le préfet de la Loire, par un arrêté du 4 juillet 2019, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, lequel a été annulé, pour un défaut d'examen, par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 décembre 2019. Les décisions du 13 janvier 2020 du préfet de la Loire lui faisant à nouveau obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ont également été annulées le 29 juin 2020 par ce tribunal, pour une erreur manifeste d'appréciation, et ce dernier en outre a prononcé une injonction de réexamen. Enfin, le préfet du Rhône, par un arrêté du 27 janvier 2023, a opposé à Mme D... un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement du 31 juillet 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 27 janvier 2023 du préfet du Rhône.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 janvier 2023 :

2. En premier lieu, Mme D... soutient, tout d'abord, que la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle et méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle soutient ensuite que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle soutient enfin que la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre et/ou de l'obligation de quitter le territoire français et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces moyens, qui ne sont assortis d'aucun élément nouveau en appel, doivent être écartés par adoption des motifs retenus par le premier juge, qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Mme D..., entrée en France en 2018, n'est pas dépourvue d'attaches en République démocratique du Congo, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans, et où résident notamment, d'après les éléments portés à la connaissance du préfet, trois de ses enfants dont deux sont mineurs, dont rien ne permet au demeurant d'établir, en l'état des pièces du dossier et de ses allégations insuffisamment justifiées, qu'ils auraient disparus. Si elle se prévaut des liens forts qu'elle entretiendrait avec sa fille résidant en France, née en 1996, et qui est de nationalité française après avoir été titulaire d'une carte de résident valable du 26 juin 2013 au 25 juin 2023, il n'est pas contesté qu'elle en a été séparée entre 2012, date à laquelle cette dernière, alors mineure, est entrée en France avec son père, et 2018. De plus, si l'intéressée et sa fille ont habité ensemble jusqu'en 2020, cette dernière, majeure et en deuxième année de MBA à la date de l'arrêté en litige, a, dans le cadre de la poursuite de ses études en alternance, été contrainte de déménager à plusieurs reprises sans que Mme D... ne puisse la suivre. Ensuite, l'intéressée soutient ne pas pouvoir mener une vie privée et familiale dans son pays d'origine, qu'elle aurait quitté le 11 janvier 2018 en raison des mauvais traitements qu'elle y aurait subis et de l'assassinat de l'une de ses sœurs par des policiers qui l'auraient confondue avec elle, les autorités congolaises lui reprochant, alors qu'elle était infirmière à l'hôpital général de Kinshasa, d'avoir facilité l'évasion de deux étudiants qui militaient comme elle au sein du mouvement de Lutte pour le changement (Lucha) et qui ont été blessés lors de la manifestation antigouvernementale du 30 novembre 2017. Elle ajoute que deux de ses enfants, B... et C..., ont été enlevés par des soldats au domicile familial en juin 2018 et précise souffrir d'un état de stress post-traumatique ayant nécessité un accompagnement médical et infirmier. Mme D... n'apporte toutefois pas d'éléments probants à l'appui de ses allégations sur son parcours de vie dans son pays, étant au demeurant relevé, ainsi qu'il a été dit au point 1, qu'elles n'ont pas été tenues pour établies lors de l'examen de sa demande d'asile par l'OFPRA le 31 août 2018 puis par la CNDA le 14 juin 2019. Dans ces conditions, le refus de séjour opposé à Mme D... par le préfet du Rhône, qui ne méconnaît d'ailleurs pas l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 juin 2020 la concernant et se prononçant sur une obligation de quitter le territoire français précédente, ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Cette décision portant refus de titre séjour n'est pas, pour les mêmes motifs, davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Christine Djebiri, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

La présidente-rapporteure,

M. Mehl-SchouderL'assesseure la plus ancienne,

C. Djebiri

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY03503 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03503
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Monique MEHL-SCHOUDER
Rapporteur public ?: Mme MAUCLAIR
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23ly03503 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award