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11/06/2024 | FRANCE | N°23LY02627

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 11 juin 2024, 23LY02627


Vu la procédure suivante :





Procédures contentieuses antérieures :



1) Par une demande enregistrée sous le n° 2305363, M. D... J... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions du 4 avril 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain a refusé de lui accorder un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, d'e

njoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à c...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

1) Par une demande enregistrée sous le n° 2305363, M. D... J... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions du 4 avril 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain a refusé de lui accorder un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail, ainsi que de procéder à l'effacement de son signalement du système d'information Schengen dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

2) Par une demande enregistrée sous le n° 2305862, M. D... J... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel la préfète de l'Ain l'a assigné à résidence en vue de son éloignement et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ainsi que de procéder à l'effacement de son signalement du système d'information Schengen dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

3) Par une demande enregistrée sous le n° 2305361, Mme B... F..., épouse J..., a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions du 4 avril 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain a refusé de lui accorder un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail, ainsi que de procéder à l'effacement de son signalement du système d'information Schengen dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

4) Par une demande enregistrée sous le n° 2305863, Mme B... F..., épouse J..., a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel la préfète de l'Ain l'a assignée à résidence en vue de son éloignement et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ainsi que de procéder à l'effacement de son signalement du système d'information Schengen dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2305363 - 2305862 du 20 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de la préfète de l'Ain du 4 avril 2023 accordant à M. J... un délai de départ volontaire de trente jours et l'arrêté du 6 juillet 2023 portant assignation à résidence, renvoyé à une formation collégiale les conclusions de M. J... dirigées contre la décision de la préfète de l'Ain du 4 avril 2023 portant refus de titre de séjour, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des demandes de M. J....

Par un jugement n° 2305361 - 2305863 du 20 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de la préfète de l'Ain en date du 4 avril 2023 accordant à Mme J... un délai de départ volontaire de trente jours et l'arrêté du 6 juillet 2023 portant assignation à résidence, renvoyé à une formation collégiale les conclusions de Mme J... dirigées contre la décision de la préfète de l'Ain du 4 avril 2023 portant refus de titre de séjour, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des demandes de Mme J....

Par un jugement n° 2305361 - 23053863 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions des demandes de M. et Mme J... tendant à l'annulation des refus de titre de séjour que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon avait renvoyées à une formation collégiale.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 23LY02627 le 9 août 2023, la préfète de l'Ain demande à la cour d'annuler le jugement n° 2305363 - 2305862 du 20 juillet 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé sa décision du 4 avril 2023 accordant à M. J... un délai de départ volontaire de trente jours et l'arrêté du 6 juillet 2023 portant assignation à résidence de l'intéressé.

Elle soutient que :

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

- il ne résulte d'aucun élément du dossier que M. J... l'aurait, préalablement à l'édiction de la décision, saisie d'une demande de prolongation du délai de départ volontaire ; par suite la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours ne saurait être regardée comme une décision défavorable ; le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation soulevé à l'encontre de cette décision est par suite irrecevable ;

- en tout état de cause, il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'il existerait une nécessité médicale à prévoir un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et la nécessité de la prolongation du délai de départ volontaire n'est donc pas justifiée ;

Sur la décision portant assignation à résidence :

- les " modalités de contrôle " de la mesure d'assignation sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même et, en conséquence, la circonstance que les modalités de mise en œuvre de la mesure d'assignation à résidence prise à l'encontre de M. J... seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation est sans incidence sur la légalité de la mesure d'assignation elle-même, dont le fondement n'a pas été contesté par l'intéressé ;

- en tout état de cause, il ne résulte d'aucun élément du dossier que l'enfant autiste de M. J... ne serait pas en mesure de supporter un trajet en transport en commun ; en outre, le cas échéant, la mesure d'assignation à résidence peut, en elle-même, être respectée moyennant des adaptations.

Par des courriers du 6 mai 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à la décision du 4 avril 2023 fixant le délai de départ volontaire accordé à M. J... à trente jours compte-tenu de l'intervention d'une décision de la préfète de l'Ain du 17 août 2023 accordant à l'intéressé un délai de départ de 130 jours pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français du 4 avril 2023.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2024, M. J..., représenté par Me Paquet, conclut :

1°) au non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à la décision fixant le délai de départ volontaire et au rejet de la requête n° 23LY02627 de la préfète de l'Ain ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement n° 2305363-2305862 du 20 juillet 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

3°) à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ainsi que de procéder à l'effacement de son signalement du système d'information Schengen dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros hors taxe à verser à Me Paquet sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- par une décision du 17 août 2023, la préfète de l'Ain lui a accordé un délai de départ volontaire de 130 jours, par suite il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 avril 2023 fixant à trente jours le délai de départ volontaire ;

- en tout état de cause la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire qui lui ont été opposées sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elles sont entachées d'un vice de procédure dès lors que l'avis du collège de médecins de l'office français de l'intégration et de l'immigration n'a pas été rendu à l'issue d'une délibération collégiale ;

- elles sont contraires aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant au regard de l'état de santé de son fils ;

- elles sont contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article de 6 de l'accord franco-algérien ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation du préfet ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est contraire aux dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par une décision du 20septembre 2023, M. J... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 23LY02630 le 9 août 2023, la préfète de l'Ain demande à la cour d'annuler le jugement n° 2305361-2305863 du 20 juillet 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé sa décision du 4 avril 2023 accordant à Mme J... un délai de départ volontaire de trente jours et l'arrêté du 6 juillet 2023 portant assignation à résidence de l'intéressée.

Elle soutient que :

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

- il ne résulte d'aucun élément du dossier que Mme J... l'aurait, préalablement à l'édiction de la décision, saisie d'une demande de prolongation du délai de départ volontaire ; par suite la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours ne saurait être regardée comme une décision défavorable ; le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation soulevé à l'encontre de cette décision est par suite irrecevable ;

- en tout état de cause, il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'il existerait une nécessité médicale à prévoir un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et la nécessité de la prolongation du délai de départ volontaire n'est donc pas justifiée ;

Sur la décision portant assignation à résidence :

- les " modalités de contrôle " de la mesure d'assignation sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même et en conséquence, la circonstance que les modalités de mise en œuvre de la mesure d'assignation à résidence prise à l'encontre de Mme J... seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation est sans incidence sur la légalité de la mesure d'assignation elle-même dont le fondement n'a pas été contesté par l'intéressée ;

- en tout état de cause, il ne résulte d'aucun élément du dossier que l'enfant autiste de Mme J... ne serait pas en mesure de supporter un trajet en transport en commun ; en outre, le cas échéant, la mesure d'assignation à résidence peut, en elle-même, être respectée moyennant des adaptations.

Par des courriers du 6 mai 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à la décision du 4 avril 2023 fixant le délai de départ volontaire accordé à Mme J... à trente jours compte-tenu de l'intervention d'une décision de la préfète de l'Ain du 17 août 2023 accordant à l'intéressée un délai de départ de 130 jours pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français du 4 avril 2023.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 mai 2024, Mme B... F... épouse J..., représentée par Me Paquet, conclut :

1°) au non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à la décision fixant le délai de départ volontaire et au rejet de la requête n° 23LY02630 de la préfète de l'Ain ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement n° 2305361-2305863 du 20 juillet 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail, ainsi que de procéder à l'effacement de son signalement du système d'information Schengen dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros hors taxe à verser à Me Paquet sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- par une décision du 17 août 2023, la préfète de l'Ain lui a accordé un délai de départ volontaire de 130 jours, par suite il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 avril 2023 fixant à trente jours le délai de départ volontaire ;

- en tout état de cause la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français qui lui ont été opposées sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elles sont entachées d'un vice de procédure dès lors que l'avis du collège de médecins de l'office français de l'intégration et de l'immigration n'a pas été rendu à l'issu d'une délibération collégiale ;

- elles sont contraires aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant au regard de l'état de santé de son fils ;

- elles sont contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article de 6 de l'accord franco-algérien ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation du préfet ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est contraire aux dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une décision du 20 septembre 2023, Mme J... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

III. Par une requête, enregistrée sous le n° 23LY03787 le 8 décembre 2023, M. D... J... et Mme B... F... épouse J..., représentés par Me Paquet, demandent à la cour :

1°) de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2305361-2305363 du 7 novembre 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de leur délivrer respectivement un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer leur situation, et, dans l'attente, de leur délivrer, dans un délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxe sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions leur refusant le droit au séjour sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de leurs situations personnelles ;

- elles sont entachées d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que l'avis du collège de médecins de l'office français de l'intégration et de l'immigration a été rendu à l'issue d'une délibération collégiale ;

- elles sont contraires aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant au regard de l'état de santé de leur fils ;

- elles sont contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article de 6 de l'accord franco-algérien ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation du préfet ;

- l'annulation des décisions de refus de titre de séjour emportera l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français.

La préfète de l'Ain, régulièrement mise en cause, n'a pas produit.

Par une décision du 14 février 2024, M et Mme J... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme J..., ressortissants algériens nés respectivement le 7 mai 1954 et le 7 mai 1972, sont entrés en France le 11 janvier 2020 accompagnés de leur fils mineur. Par des arrêtés du 29 avril 2021, la préfète de l'Ain a refusé de leur délivrer un titre de séjour, assortissant ces refus d'obligations de quitter le territoire français. Ces arrêtés ont été confirmés par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 décembre 2021, puis par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 31 octobre 2022. Le 29 août 2022, M. et Mme J... ont de nouveau sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien en faisant valoir l'état de santé de leur fils. Par des décisions du 4 avril 2023, la préfète de l'Ain a refusé de leur accorder un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, leur a fixé un pays de destination et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Puis, par des arrêtés du 6 juillet 2023, la même autorité a décidé leur assignation à résidence en vue de leur éloignement. Par les jugements attaqués du 4 juillet 2023 la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions de la préfète de l'Ain en date du 4 avril 2023 accordant à M et Mme J... un délai de départ volontaire de trente jours et les décisions du 6 juillet 2023 décidant leur assignation à résidence, a renvoyé les conclusions de M. et Mme J... dirigées contre les décisions de la préfète de l'Ain du 4 avril 2023 portant refus de titre de séjour à une formation collégiale et rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Par un jugement du 7 novembre 2023 le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de M. et Mme J... tendant à l'annulation des décisions du 4 avril 2023 leur refusant la délivrance de titres de séjour.

2. Par les requêtes enregistrées sous les numéros 23LY02627 et 23LY02630, la préfète de l'Ain interjette appel des jugements du 4 juillet 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon en tant qu'ils annulent ses décisions du 4 avril 2023 accordant à M. et Mme J... un délai de départ volontaire de trente jours et les arrêtés du 6 juillet 2023 portant assignation à résidence des intéressés, alors que, par la requête enregistrée sous le n° 23LY03787, M. et Mme J... interjettent appel du jugement du 7 novembre 2023 rejetant leurs conclusions dirigées contre les décisions du 4 avril 2023 leur refusant un titre de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français, décisions qu'ils contestent également, par la voie de l'appel incident, dans les requêtes enregistrées sous les numéros 23LY02627 et 23LY02630.

Sur la jonction :

3. Les requêtes présentées par la préfète de l'Ain et celle présentée pour M. et Mme J... concernent la situation du même couple de ressortissants étrangers et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

4. S'agissant de la requête enregistrée sous le n° 23LY03787, M. et Mme J... ayant été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 février 2024, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à leur admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions relatives aux décisions fixant le délai de départ volontaire :

5. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...). "

6. Par des décisions du 17 août 2023, postérieures à l'enregistrement de ses requêtes, la préfète de l'Ain a fixé à 130 jours à compter du 21 avril 2023 le délai accordé respectivement à M. et Mme J... pour exécuter les décisions portant obligation de quitter le territoire français du 4 avril 2023. Ces décisions ont été annulées par un jugement n° 2307724 - 2307725 du tribunal administratif de Lyon du 15 février 2024 en tant seulement qu'elles font courir le délai de départ volontaire antérieurement à leur notification. Dans ces circonstances, ce jugement étant devenu définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la préfète dirigées contre les jugements annulant les décisions du 4 avril 2023 qui fixaient le délai de départ volontaire à 30 jours.

Sur les conclusions relatives aux décisions portant refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, les décisions de refus de titre de séjour du 4 avril 2023 comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et il ne ressort ni des termes de ces décisions ni d'aucune autre pièce du dossier que la préfète de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation des requérants.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9 (...) se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après un avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ".

9. Si les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par l'article L. 425-9 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade. Si la procédure consultative médicale prévue par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est, dès lors, pas applicable dans le cas du ressortissant algérien sollicitant le séjour en qualité de parent d'un enfant mineur dont l'état de santé justifierait le maintien sur le territoire français, il est toutefois loisible à l'administration, alors même qu'une consultation n'est pas requise par les textes applicables, d'y procéder, afin d'éclairer utilement sa décision, et une irrégularité éventuellement commise dans le déroulement d'une procédure suivie à titre facultatif par l'administration n'est normalement de nature à vicier la légalité de la décision intervenue que dans la mesure où cette irrégularité a été de nature à priver les intéressés d'une garantie ou de nature à exercer une influence sur cette décision.

10. Aux termes de l'article L. 425-9 de ce code : " (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical (...) ". Enfin, l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 précise les modalités d'application de ces dispositions. Son article 6 dresse la liste des questions auxquelles doit répondre l'avis. Il précise que : " (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

11. Il résulte de ces dispositions que l'avis commun, rendu par trois médecins, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet d'échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Le moyen tiré de ce que l'avis serait irrégulier en l'absence de preuve d'une délibération entre les médecins du collège est, dès lors, inopérant.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

13. Pour refuser de délivrer aux requérants l'autorisation provisoire de séjour sollicitée en raison de l'état de santé de leur fils, la préfète s'est approprié l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 8 février 2023 selon lequel si l'état de santé de l'enfant nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cet avis M. et Mme J... font valoir que leur fils présente un trouble du spectre autistique n'ayant pas été diagnostiqué en Algérie où il n'a bénéficié d'aucune prise en charge ou scolarisation, qu'il bénéficie depuis son arrivée en France d'une prise en charge pluridisciplinaire à visée éducative ainsi que d'un accompagnement scolaire spécifique adapté à son handicap lui ayant permis de progresser. S'ils font valoir qu'une telle prise en charge est impossible en Algérie, ni les divers certificats médicaux produits, ni les différents articles de presse et témoignages versés au dossier faisant état d'une prise en charge déficiente de l'autisme par les structures sanitaires algériennes, ni les autres pièces produites ne permettent de remettre en cause l'appréciation selon laquelle le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, les décisions de refus de titre de séjour ne peuvent être regardées comme entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'état de santé de leur enfant ou comme ayant porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

15. Mme et M. J... sont entrés en France en janvier 2020, alors qu'ils étaient respectivement âgés de 49 et 66 ans. Ils ne justifient d'aucun lien particulier ni d'aucune insertion sociale ou professionnelle sur le territoire français. Il est en outre constant qu'ils ont fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement le 29 avril 2021, devenues définitives, qu'ils n'ont pas exécutées. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'absence de prise en charge de l'état de santé de leur enfant ne devrait pas entraîner pour lui de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces circonstances, rien ne fait obstacle à ce qu'ils poursuivent, avec leur enfant, leur vie privée et familiale en Algérie. Par suite, les décisions de refus de titre de séjour ne peuvent être regardées comme entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ou comme ayant porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

16. En cinquième lieu, eu égard aux éléments exposés précédemment, la préfète de l'Ain ne saurait être regardée comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

Sur les conclusions relatives aux décisions portant obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire français du 4 avril 2023 comportent les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement et il ne ressort ni des termes de ces décisions ni d'aucune autre pièce du dossier que la préfète de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation des requérants.

18. En deuxième lieu et en l'absence d'éléments complémentaires, les moyens tirés du vice de procédure, de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation soulevés à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 à 16 du présent arrêt.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / ; 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié./ Par dérogation au présent article, l'étranger mentionné aux 2° à 8° peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 611-1 s'il vit en France en état de polygamie. "

20. Ainsi qu'il a été dit au point 14 du présent arrêt, M. et Mme J... n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration du 8 février 2023 selon lequel si l'état de santé de leur enfant nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code précité ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions relatives aux décisions fixant le pays de destination :

21. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

22. Si M. et Mme J... font valoir que leur fils ne pourra bénéficier d'aucun soin ni suivi adapté à son état de santé en Algérie, il résulte cependant de ce qui a été exposé au point 14 du présent arrêt qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que leur fils serait exposé dans ce pays à une privation de soins constituant un traitement inhumain ou dégradant, quand bien même les conditions de sa prise en charge seraient différentes de celles dont il bénéficie en France. Par suite le moyen tiré de la violation des dispositions précitées doit être écarté.

Sur les conclusions relatives aux décisions portant assignation à résidence et aux modalités de contrôle de ces mesures :

23. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article R. 733-1 du même code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".

24. Pour annuler les arrêtés portant assignation à résidence pris à l'encontre de M. et Mme J..., la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a retenu que, compte tenu notamment de l'éloignement entre leur résidence et C... et des contraintes liées à l'état de santé de leur enfant, la préfète avait commis une erreur manifeste d'appréciation en obligeant M. et Mme J... à se rendre quatre fois par semaine à la gendarmerie de C..., cette erreur entachant les arrêtés portant assignation à résidence dans leur totalité, y compris en ce qu'ils prononçaient l'assignation à résidence. Toutefois, si une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même. Par suite, c'est à tort que par les jugements attaqués, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé intégralement les arrêtés portant assignation à résidence pour ce motif.

25. Dès lors, il convient d'abord d'examiner, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les autres moyens soulevés par M. et Mme J... à l'encontre des mesures d'assignation prises à leur encontre avant d'examiner le bien fondé du jugement attaqué en tant qu'il a annulé les modalités de contrôle de ces mesures d'assignation.

En ce qui concerne les mesures d'assignation à résidence :

S'agissant des moyens de légalité externe :

26. En premier lieu, les arrêtés portant assignation à résidence ont été signés par Mme H... E..., directrice de la citoyenneté et de l'intégration de la préfecture de l'Ain qui disposait d'une délégation de signature à cette fin en vertu d'un arrêté du 11 avril 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.

27. En second lieu, la circonstance que les décisions litigieuses ne mentionnent pas la présence en France du fils de M. et Mme J..., âgé de 7 ans et autiste, n'est pas de nature à démontrer, à elle seule, que ces décisions seraient entachées d'un défaut d'examen de la situation des intéressés.

S'agissant des moyens de légalité interne :

28. En premier lieu, au regard de ce qui a été exposé aux points 7 à 22 du présent arrêt, les moyens présentés à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions d'assignation à résidence du 6 juillet 2023 et tirés de l'illégalité, par la voie de l'exception, des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français du 4 avril 2023 doivent être écartés.

29. En second lieu, il est constant qu'à la date des décisions contestées M. et Mme J... faisaient respectivement l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant pour laquelle le délai de départ volontaire était expiré. Eu égard à ce qui a été indiqué précédemment s'agissant de leur situation familiale et de l'état de santé de leur fils et compte tenu de la circonstance qu'ils ont fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qu'ils n'ont pas exécutés, ils ne sont pas fondé à soutenir la préfète de l'Ain aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ou pris une décision disproportionnée en édictant à leur encontre des mesures d'assignation à résidence, pas plus qu'ils ne sont fondés à soutenir, eu égard notamment à ce qui a été exposé au points 13 à 15 du présent arrêt, qu'elle aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne les modalités de contrôle :

30. Les arrêtés contestés portant assignation à résidence prévoient, en leurs articles 2, que M. et Mme G... devront se présenter les lundis, mercredis, vendredis et dimanches et jours fériés, à 10 heures, à la brigade de gendarmerie de C.... M. et Mme G... ont fait valoir à l'audience du 17 juillet 2023 que les modalités de contrôle de leur assignation à résidence n'étaient pas adaptées à leur situation, au regard de l'éloignement de la gendarmerie de C..., distante de quarante kilomètres de leur domicile, et de la difficulté de se déplacer à cette fréquence avec leur enfant, compte tenu de son état de santé. Dans ces circonstances et compte tenu notamment de l'éloignement entre la résidence de M. et Mme J... et C... et des contraintes liées à l'état de santé de leur enfant, en les obligeant à se rendre quatre fois par semaine à la gendarmerie de C..., la préfète de l'Ain a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.

31. Il résulte de tout ce qui précède que si, d'une part, la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 6 juillet 2023 prononçant l'assignation à résidence de M. et Mme J..., elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que cette magistrate désignée a annulé l'article 2 de ces arrêtés en tant qu'ils faisaient obligation à M. et Mme G... de se présenter les lundis, mercredis, vendredis et dimanches et jours fériés, à 10 heures, à la brigade de gendarmerie de C... et que, d'autre part, M. et Mme J... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le surplus de leurs conclusions a été rejeté par les jugements qu'ils contestent. Par suite, le surplus de leurs conclusions à fin d'annulation et d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme J... tendant à leur admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions relatives aux décisions du 4 avril 2023 fixant le délai de départ volontaire assigné à M. et Mme J... pour l'exécution des décisions les obligeant à quitter le territoire français.

Article 3 : Les jugements n° 2305363-2305862 et n° 2305361-2305863 du 20 juillet 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon sont annulés en tant qu'ils ont annulés les décisions de la préfète de l'Ain du 6 juillet 2023 prononçant l'assignation à résidence de M. et Mme J....

Article 4 : Les conclusions de M. et Mme J... tendant à l'annulation des décisions portant assignation à résidence prises à leur encontre le 6 juillet 2023 et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... J..., à Mme B... F... épouse J... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02627-23LY02630-23LY03787


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02627
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23ly02627 ?
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