Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 29 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2300277 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023, M. B... A..., représenté par Me Marcel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300277 du 13 avril 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 29 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour et de travail dans le délai d'un mois et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré du vice de procédure en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ;
- le refus de séjour est illégal en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ; il méconnait le 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas justifiée ; elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet a entendu infliger une sanction ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
- la fixation du pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de sa situation personnelle.
Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause n'a pas produit.
Par courrier du 12 mars 2024, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que la décision portant interdiction de retour ne peut se fonder, eu égard à ses motifs, sur l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais que l'article L. 612-8 du même code doit y être substitué.
Par décision du 14 juin 2023, M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 14 février 1980, a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 29 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par le jugement attaqué du 13 avril 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce qu'allègue le requérant, le tribunal a répondu au point 7 du jugement au moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour serait entachée de vice de procédure en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour. Le moyen tiré de l'omission à statuer qui entacherait le jugement doit en conséquence être écarté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
4. Si M. A... soutient résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision préfectorale contestée, ni en première instance ni en appel il n'a produit le moindre élément de nature à établir une telle présence pour les années 2013 et 2015. Pour l'année 2012 les quelques billets de train produits ne suffisent pas davantage à établir une telle présence. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 6, 1° de l'accord franco-algérien doit, en conséquence, être écarté.
5. En deuxième lieu, les stipulations précitées de l'article 6, 1° de l'accord franco-algérien n'ont, à la date des décisions préfectorales contestées, aucun équivalent dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... ne peut dès lors utilement soutenir que la commission du titre de séjour devait être consultée, alors que cette obligation n'existe, pour les ressortissants algériens, que si un cas de saisine est prévu par le code et qu'il connait un équivalent dans l'accord franco-algérien. Au surplus, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, M. A..., comme il vient d'être indiqué, ne remplit pas les conditions prévues par l'article 6, 1° de l'accord franco-algérien dont il s'est prévalu, de telle sorte qu'aucune obligation de saisir la commission ne pouvait exister.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est né en Algérie en 1980 et qu'il est de nationalité algérienne. Il est entré sur le territoire français en novembre 2011, âgé de 31 ans, sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée. Ainsi qu'il a été exposé, la continuité de sa présence n'est pas établie pour les années 2012, 2013 et 2015. Il produit par ailleurs essentiellement des pièces médicales et des éléments sur des achats, notamment sur internet, qui ne font pas apparaitre d'insertion sociale ou professionnelle inscrite dans la durée. Il est célibataire et sans enfant et il ne conteste pas que les membres de sa famille demeurent en Algérie, où lui-même a vécu la plus grande partie de son existence. S'il fait valoir une activité d'auto-entrepreneur, datant au plus tôt d'octobre 2021 donc extrêmement récente, elle demeure encore très limitée avec un chiffre d'affaires de 500 euros pour le dernier trimestre 2021 et un chiffre d'affaires nul pour les deux trimestres 2022 précédant la décision préfectorale contestée, un chiffre d'affaires de 500 euros ayant été constaté pour le 3ème trimestre 2022. Eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. A..., le préfet de l'Isère n'a pas, en lui refusant le séjour, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté. Compte tenu de ces éléments, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A... doit également être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision portant refus de séjour que M. A... n'est pas fondé à exciper de son illégalité.
8. En second lieu, pour les motifs qui ont été exposés sur la situation personnelle de M. A... et en l'absence d'autre arguments, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français que M. A... n'est pas fondé à exciper de son illégalité.
10. En second lieu, M. A... se borne, pour contester le choix de l'Algérie comme pays de destination, à faire valoir sa situation personnelle en France. C'est sans erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A... que le préfet de l'Isère a retenu comme pays de destination l'Algérie, dont M. A... a la nationalité, où il est né, a longuement vécu et dispose de l'essentiel de sa famille.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-8 du même code : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) ".
12. A la date de l'arrêté préfectoral en litige, le délai de départ volontaire que cet arrêté octroie n'était pas encore expiré de telle sorte que le préfet ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions de l'article L. 612-7. En revanche, eu égard à ses motifs, l'interdiction de retour sur le territoire français peut trouver en l'espèce sa base légale dans les dispositions de l'article L. 612-8, d'ailleurs évoquées par le préfet dans son mémoire en défense de première instance, qui doivent y être substituées.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
14. Pour décider d'une interdiction de retour sur le territoire français d'un an à l'encontre de M. A..., le préfet de l'Isère, qui a rappelé ses conditions d'entrée et de séjour, a relevé que M. A... a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français en 2012 et qu'il ne justifie pas de liens importants en France alors que sa famille demeure dans son pays d'origine. Ce faisant, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans l'application des critères posés la loi ni n'a commis d'erreur manifeste d'appréciation. La décision est ainsi légalement justifiée.
15. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère aurait entendu infliger une sanction à M. A.... Le moyen tiré de ce que la décision serait motivé par une intention répressive et ainsi entachée d'erreur de droit doit, en conséquence, être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
B. Berger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02373