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11/06/2024 | FRANCE | N°23LY02320

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 11 juin 2024, 23LY02320


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



1°) Sous le n° 2206843, M A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 26 septembre 2022 par lesquelles la préfète de la Drôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

2°) Sous le n° 2206849, Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif

de Grenoble l'annulation des décisions du 26 septembre 2022 par lesquelles la préfète de la Drôme lui a r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) Sous le n° 2206843, M A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 26 septembre 2022 par lesquelles la préfète de la Drôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

2°) Sous le n° 2206849, Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 26 septembre 2022 par lesquelles la préfète de la Drôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2206843-2206849 du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2023, M. A... B... et Mme D... C... épouse B..., représentés par Me Albertin, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206843-2206849 du 10 mars 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 26 septembre 2022 par lesquelles la préfète de la Drôme leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Drôme de leur délivrer un titre de séjour ou de réexaminer leur situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de leur délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. et Mme B... soutiennent que :

- les refus de séjour sont illégaux en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ; ils méconnaissent l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien ; ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leurs situations personnelles ; ils ont été édictés sans examen de leurs situations ;

- les obligations de quitter le territoire français sont illégales en conséquence de l'illégalité des refus de séjour ; elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leurs situations personnelles ; elles méconnaissent l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions fixant le pays de renvoi sont illégales en conséquence de l'illégalité des refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2023, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête ;

Le préfet de la Drôme soutient que :

- l'état de santé de l'enfant des requérants n'implique pas qu'ils soient autorisés à rester sur le territoire français et ils ne justifient pas d'attaches importantes en France ;

- pour le surplus, il renvoie à ses écritures de première instance.

Par décision du 14 juin 2023, M. et Mme B... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants algériens nés respectivement les 13 décembre 1976 et 6 octobre 1979, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 26 septembre 2022 par lesquelles la préfète de la Drôme leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 10 mars 2023, le tribunal a rejeté leurs demandes.

Sur la légalité des refus de titre de séjour :

2. Les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour aux parents étrangers d'un enfant dont l'état de santé est grave et qui ne peut être soigné dans son pays d'origine, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont le droit au séjour est en principe régi par le seul accord franco-algérien susvisé. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence ou une autorisation provisoire de séjour à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions fixées par cet accord auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

3. M. et Mme B... ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant l'état de santé de l'un de leurs enfants, né en 2017. Par un avis du 4 mars 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), consulté par l'autorité préfectorale, a indiqué que l'état de santé de l'enfant nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'un traitement approprié n'était pas disponible en Algérie. Cet avis précisait que les soins en cause devaient être poursuivis pendant une durée de douze mois. Au vu de cet avis médical, la préfète de la Drôme a délivré à M. B... et à Mme B... une autorisation provisoire de séjour de six mois, qu'il a renouvelée pour la même durée, couvrant ainsi la durée de traitement indiquée par l'avis médical précité. M. et Mme B... ont sollicité le renouvellement de ces autorisations provisoires de séjour ou la délivrance d'un certificat de résidence. Par un nouvel avis du 22 mars 2022, le collège de médecins de l'OFII a indiqué, après que le médecin rapporteur ait spécialement convoqué l'enfant pour examen, que si l'état de l'enfant nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au vu de ce nouvel avis, par les décisions contestées du 26 septembre 2022, la préfète de la Drôme a refusé le séjour à M. et Mme B....

4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme B... se seraient prévalus des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, ni que la préfète de la Drôme aurait examiné d'office son application. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est dès lors inopérant. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la préfète de la Drôme aurait dû consulter la commission du titre de séjour avant de leur refuser le séjour sur le fondement de l'article 6, 5° est également inopérant.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des motifs de la décision elle-même, que la préfète de la Drôme a statué après l'examen effectif de la situation des pétitionnaires.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces médicales produites par les requérants que leur enfant est atteint de troubles du spectre autistique. Il a fait l'objet en 2020 d'examens médicaux approfondis pour évaluer son état et une prise en charge pluridisciplinaire, notamment orthophonique, a été mise en place. Il est scolarisé avec l'assistance d'un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH). Il résulte de l'ensemble des attestations produites que sa prise en charge a permis une évolution positive et que la situation est en l'état stabilisée, sans qu'une indication circonstanciée ne soit fournie qui identifierait un risque grave liée à une interruption éventuelle du suivi. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le suivi actuellement mis en place ne pourrait être poursuivi en Algérie. Compte tenu des indications fournies à la préfète de la Drôme par le collège de médecins de l'OFII et alors, par ailleurs, que la famille n'est entrée en France qu'en 2019, soit une date encore très récente, la préfète de la Drôme n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. et Mme B... et de leur enfant en leur refusant la délivrance d'un certificat de résidence et d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit sur la légalité des décisions de refus de séjour que M. et Mme B... ne sont pas fondés à exciper de leur illégalité.

8. En second lieu, M. B... et Mme B... sont nés en Algérie respectivement en 1976 et 1979. Ils s'y sont mariés et leurs quatre premiers enfants y sont nés en 2008, 2012, 2015 et 2017. Ils sont entrés en France en août 2019 sous couvert de visas de très court séjour et s'y sont maintenus. Ils ont eu un cinquième enfant, né en France en mars 2021. Leurs demandes d'asile ont été rejetées. S'ils ont bénéficié d'autorisations provisoires de séjour, ainsi qu'il a été dit elles étaient justifiées par l'état de santé temporaire de leur fils né en 2017. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été exposé, que cet état de santé, qui a évolué et s'est stabilisé, justifierait la délivrance de nouvelles autorisations provisoires de séjour. Si les requérants font valoir des efforts d'insertion sociale et professionnelle, ainsi que la scolarisation de leurs enfants en âge de l'être, leur présence demeure très récente et rien ne s'oppose à ce que la famille se reconstitue en Algérie. Eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. et Mme B..., la préfète de la Drôme, en leur faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté une atteinte excessive à leur droit au respect de leur vie privée et familiale au regard des buts que ces décisions poursuivent. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté. Pour les mêmes motifs, la préfète de la Drôme n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de leurs enfants et notamment de leur fils né en 2017. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant doit dès lors être écarté. Enfin, pour les mêmes motifs, la préfète de la Drôme n'a pas entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. et Mme B....

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

9. Il résulte de ce qui vient a été dit sur la légalité des décisions de refus de séjour que M. et Mme B... ne sont pas fondés à exciper de leur illégalité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme D... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02320


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02320
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23ly02320 ?
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