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11/06/2024 | FRANCE | N°23LY01558

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 11 juin 2024, 23LY01558


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation, d'une part, de la décision du 3 juin 2020 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, responsable de l'unité départementale de l'Isère, a refusé de lui délivrer une autorisation de travail, d'autre part des décisions du 8 septembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de s

jour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation, d'une part, de la décision du 3 juin 2020 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, responsable de l'unité départementale de l'Isère, a refusé de lui délivrer une autorisation de travail, d'autre part des décisions du 8 septembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi.

Par un jugement n° 2003732-2206605 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Coutaz, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003732-2206605 du 7 avril 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions préfectorales du 8 septembre 2022 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant un pays de renvoi ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à venir, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans le même délai, et, dans l'attente, sous deux jours, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- le préfet a entaché la décision portant refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien et les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision désignant son pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des décisions qui précèdent.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2024, le rapport de M. Gros, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 13 mai 1991, a été titulaire trois années durant, à compter du 16 mars 2017, d'un certificat de résidence en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour en qualité de salarié, sur le fondement de l'article 7, b) de l'accord franco-algérien, ainsi que la délivrance du certificat de résidence de dix ans prévu par l'article 7 bis du même accord. Le préfet de l'Isère, le 8 septembre 2022, lui a opposé un refus, l'a obligé à quitter le territoire français, lui a imparti pour ce faire un délai de trente jours, et a désigné son pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 avril 2023 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Devant le tribunal, M. A... a soulevé un moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère aurait commis " une violation de l'article 7 b de l'accord franco-algérien en refusant un titre de séjour salarié du fait de l'illégalité de la décision sur laquelle il se fonde, et dont [il] excipe de l'illégalité ", ce que les premiers juges ont exactement analysé comme un moyen tiré de l'illégalité du refus d'autorisation de travail du 3 juin 2020, articulé à l'appui de la contestation du refus de séjour, lequel est motivé par le refus d'autorisation de travail. Ils ont répondu à ce moyen au point 13 du jugement attaqué. Par suite, le jugement n'est pas irrégulier pour omission à statuer sur un tel moyen.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi , un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) ".

4. A la suite de la demande de changement de statut formulée le 26 décembre 2019 par M. A... auprès du préfet de l'Isère, l'unité départementale de l'Isère de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Auvergne-Rhône-Alpes a invité la société Atalian propreté Rhône-Alpes, qui employait le requérant depuis le 17 janvier 2019 en qualité d'agent de service, via un contrat à durée indéterminée, à produire un certain nombre d'éléments réglementairement requis pour l'instruction de la demande d'autorisation de travail, dont une lettre motivant le recrutement du salarié et détaillant les fonctions qu'il exercerait et les justificatifs des recherches effectuées auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail. Il ressort des pièces du dossier que la société Atalian n'a produit qu'une partie de ces éléments, après le rejet, le 3 juin 2020, de la demande d'autorisation de travail, sans que cela permette de reprendre, pour la mener à bien, l'instruction de cette demande. Ainsi dépourvu d'autorisation de travail, M. A... ne pouvait pas se voir délivrer un certificat de résidence " salarié " sur le fondement des stipulations visées ci-dessus du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien.

5. Par ailleurs, le requérant n'apporte pas d'éléments susceptibles d'établir qu'il devait, nonobstant l'absence d'autorisation de travail, se voir délivrer le certificat de résidence qu'il sollicitait. En particulier, il ne démontre pas, bien que bénéficiant de bonnes appréciations de son employeur, lequel souligne son professionnalisme et un travail réalisé de manière très satisfaisante, que sa candidature dût être privilégiée par rapport à d'autres candidatures éventuellement reçues par la société Atalian. Le préfet de l'Isère, qui ne s'est pas estimé lié par le rejet de la demande d'autorisation de travail, n'a donc pas entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a exercé, en 2017 et 2018, les fonctions, intérimaires, d'ouvrier spécialisé pour la société alsacienne Sterling, qu'il a été recruté par la société Atalian propreté Rhône-Alpes le 17 janvier 2019 en qualité d'agent de service et que la réduction de sa quotité de travail à 65 heures mensuelles, en novembre 2020, a été compensée par son embauche par la société GSF. M. A... a en outre, fin décembre 2020, créé une entreprise individuelle de livraison, cycliste, de repas à domicile, et effectué, en janvier 2022, des missions d'intérim pour la société Carrefour. Toutefois, cette activité professionnelle, dispersée entre plusieurs employeurs, ne présente de caractère stable qu'à compter de janvier 2019, sans encore manifester une particulière insertion professionnelle en France de M. A.... Le requérant ne produit pas non plus d'éléments témoignant d'une intense vie privée et sociale en France, lui qui a été condamné par la cour d'appel de Colmar, le 14 octobre 2020, à une peine d'emprisonnement de trois mois assortie du sursis pour des faits de violence conjugale commis envers une ressortissante française qu'il avait épousée, en Algérie, le 1er décembre 2015. Enfin, M. A... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans et où il a exercé divers métiers. Dans ces conditions, le préfet de l'Isère, en refusant de renouveler le certificat de résidence détenu par le requérant, avant de décider de l'éloigner, n'a pas porté d'atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations visées ci-dessus doit en conséquence être écarté.

8. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen articulé à l'encontre de la décision désignant le pays de renvoi du requérant, et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

Le rapporteur,

B. GrosLe président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01558
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23ly01558 ?
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