Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2206265 du 6 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Kummer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale ou au titre de l'admission exceptionnelle au séjour dans le délai de quinze jours, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande en lui délivrant une autorisation de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen et de motivation ;
- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au titre l'admission exceptionnelle au séjour, eu égard à sa présence de plus de dix ans en France ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 121 du code des relations entre le public et l'administration et l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne au regard de son droit d'être entendue ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Laval, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante vietnamienne, née le 8 avril 1984, a bénéficié de titre de séjour en sa qualité de conjointe de français jusqu'au 22 avril 2015. Le 9 août 2021, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 juillet 2022, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 6 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le refus d'admission au séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".
3. Si Mme A..., soutient qu'elle réside habituellement en France depuis 2009, soit depuis plus de douze ans, hormis de courtes interruptions en 2012 et en 2016, il est constant qu'elle a quitté le territoire le 28 octobre 2016, date à laquelle elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qu'elle est revenue en France, le 23 novembre 2016, en situation irrégulière. Mme A... n'apporte pas de pièces suffisantes pour justifier sa résidence habituelle sur le territoire au cours des années 2018 et 2019. Par suite, le préfet de l'Isère n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour avant de prendre l'arrêté attaqué. Le moyen tiré du défaut de saisine de cette commission doit dès lors être écarté.
4. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
5. Mme A..., qui a demandé la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale, se borne à communiquer une lettre de motivation dont elle ne démontre ni qu'elle l'a produite lors de sa présentation personnelle en préfecture, le 9 août 2021, ni, en tout état de cause, qu'elle l'a adressée au préfet de l'Isère. Elle n'établit donc pas avoir saisi le préfet de l'Isère d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de l'Isère n'était pas tenu d'examiner ce fondement du droit au séjour. Les moyens tirés d'un défaut d'examen de sa situation particulière et d'un défaut de motivation doivent être écartés.
6. Il résulte de ce qui précède, en troisième lieu, que les moyens d'erreur de droit d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation s'agissant des conditions de son admission exceptionnelle au séjour ne peuvent qu'être écartés.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...)2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme A... se prévaut de sa maitrise de la langue française, de ce qu'elle est insérée en France, de ses liens avec sa tante et ses deux sœurs, titulaires d'une carte de résident, de ses relations amicales et de son insertion professionnelle. Toutefois, la requérante, dont le divorce a été prononcé le 2 mai 2016, est célibataire et sans enfant. Si elle a exécuté l'obligation de quitter le territoire français prise en 2016, elle n'a demandé son admission au séjour qu'en 2021. Il ne résulte pas des seules circonstances qu'elle maitrise de la langue française, qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche et qu'elle a créé des liens amicaux en France que Mme A..., qui ne fait état d'aucun autre élément justifiant une insertion professionnelle particulière et n'invoque aucune attache familiale en France en-dehors de ses tantes et ses sœurs, aurait créé des liens particulièrement intenses et pérennes sur le territoire français. Enfin, Mme A... qui, comme il a été dit au point 3 ci-dessus, n'établit pas la durée de sa résidence habituelle sur le territoire français n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et ses deux autres sœurs. Eu égard aux conditions de son séjour en France, elle n'est pas fondée à soutenir que le refus d'admission au séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Il ressort des dispositions des articles L. 614-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables en l'espèce, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. En se bornant à faire valoir qu'elle n'a pas été entendue préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français faute de réunion de la commission du titre de séjour, Mme A..., qui a été à même de faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour et tout au long de l'instruction de sa demande et ne fait état d'aucun élément pertinent qu'elle aurait été empêchée de porter à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé ou les modalités de la mesure d'éloignement prise à son encontre, n'est pas fondée à soutenir que son droit à être entendu, préalablement à une décision administrative défavorable, résultant du principe général du droit de l'Union européenne, a été méconnu.
11. Les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation invoqués contre l'obligation de quitter le territoire français, doivent être écartés pour les motifs exposés au point 8 du présent arrêt.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juin 2024.
Le rapporteur,
J-S. Laval
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00820