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11/06/2024 | FRANCE | N°23LY00400

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 11 juin 2024, 23LY00400


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2102709 du 9 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée

le 3 février 2023, M. B... C..., représenté par Me Puy-Pomagalski, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2102709 du 9 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 février 2023, M. B... C..., représenté par Me Puy-Pomagalski, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification n'est pas motivée en ce qui concerne la majoration de 25 % appliquée aux revenus des capitaux mobiliers ;

- le coefficient multiplicateur de 1,25 pour l'établissement des contributions sociales n'est pas applicable selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-610 du 19 février 2017 ;

- l'administration fiscale a rejeté à tort la comptabilité de la SARL Lucaloris ;

- les paragraphes 60, 70, 80 et 90 de la documentation de base référencée BOI-CF-IOR-10-20, 640 de la documentation de base référencée BOI-CF-IOR-10-50 et 410 de la documentation de base référencée BOI-CF-IOR-60-40-30, se rapportant au rejet de comptabilité, sont opposables à l'administration ;

- la reconstitution de chiffres d'affaires de la SARL Lucaloris par l'administration fiscale présente de nombreuses irrégularités et incohérences ;

- concernant la reconstitution des recettes du bar de nuit Le Kube, les prix de vente des boissons retenus ne pouvaient pas être ceux en vigueur au 31 mars 2015 mais devaient être ceux applicables au cours des exercices vérifiés ; l'administration n'a pas tenu compte de sa clientèle principalement composée de saisonniers qui ne paient pas les mêmes tarifs que les touristes, ni des " happy hours " organisés durant lesquels les tarifs sont réduits ; la détermination de la marge pondérée par la vérificatrice est entachée de plusieurs erreurs ;

- concernant la reconstitution de recettes du restaurant Le Capricorne fondée sur la méthode du chiffre d'affaires liquides, la vérificatrice aurait dû prendre en considération les bières spéciales dont la marge est plus faible ; le café est offert à hauteur de 90 % ; s'il a été admis par l'administration que le génépi était systématiquement offert aux clients, il n'a pas à être remplacé par du whisky qui n'est pas un digestif et le restaurant ne réalise aucune marge sur les digestifs ; le prix de revient du Coca-Cola est de 0,55 euro et son prix de vente est de 2,90 euros ;

- concernant la reconstitution de recettes du restaurant Le Capricorne fondée sur les marges pratiquées sur les liquides et les solides, la marge pondérée sur les liquides est erronée pour les mêmes raisons que précédemment soulevées dans le cadre de la reconstitution de recettes fondée sur la méthode du chiffre d'affaires liquides ; l'administration n'a pas pris en considération les prix de vente en vigueur lors de la saison 2012/2013 pour l'entrecôte, les pizzas calzone et 4 fromages ;

- la pénalité de 40 % pour manquement délibéré n'est pas fondée.

Par un mémoire, enregistré le 9 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions relatives à la majoration de 25 % de la base des contributions sociales sont irrecevables ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 26 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Lucaloris, qui exploitait un restaurant et un bar de nuit sous les enseignes de, respectivement, Le Capricorne et Le Kube, dans la station des Ménuires (Savoie) et dont M. C... était l'associé unique et le gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 septembre 2012, 2013 et 2014 au terme de laquelle la vérificatrice, après avoir estimé que la comptabilité était irrégulière et non probante, a procédé à une reconstitution extracomptable de ses recettes. En conséquence de ce contrôle, M. C... a été assujetti, au titre de l'année 2012, à un complément d'impôt sur le revenu résultant de la réintégration dans son revenu imposable de distributions correspondant aux recettes omises révélées par le contrôle que l'administration a imposées entre ses mains, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le double fondement du 1° et du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts. Cette imposition et les contributions sociales mises à la charge de M. C... au titre de la même année ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. M. C... relève appel du jugement du 9 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des impositions et pénalités maintenues à sa charge après la décision du directeur départemental des finances publiques de la Savoie du 15 octobre 2019 admettant partiellement sa réclamation.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Si l'application du coefficient de 1,25 prévue par le 7 de l'article 158 du code général des impôts, qui ne constitue pas une sanction mais résulte nécessairement de ces dispositions d'assiette, n'implique pas, dans la proposition de rectification notifiée à un contribuable, l'obligation particulière de motivation qu'appelle la perspective du prononcé d'une sanction, elle doit toutefois apparaître dans la motivation de cette proposition conformément aux prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

3. L'administration peut rectifier les omissions et les erreurs commises dans les propositions de rectification déjà notifiées tant que le délai de reprise n'est pas expiré.

4. Il résulte de l'instruction que, si l'administration a adressé à M. C... une proposition de rectification datée du 23 novembre 2015 dont il manquait des pages, le requérant s'est vu notifier, le 12 décembre 2015, une nouvelle proposition de rectification datée du 10 décembre 2015 indiquant qu'aux termes de l'article 158-7 du code général des impôts, le montant du revenu retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues par l'article 197 de ce code était multiplié par 1,25, que ces dispositions s'appliquent aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 du même code résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice, qu'en l'espèce, ce coefficient était appliqué aux rectifications consécutives à la reconstitution de chiffre d'affaires de la SARL Lucaloris et que le montant retenu pour le calcul de l'impôt en vertu de ces dispositions était de 91 175 euros X 1,25 = 113 969 euros pour l'année 2012. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification en ce qui concerne la majoration de 25 % appliquée aux revenus distribués doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ".

En ce qui concerne la charge de la preuve :

6. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve de leur existence et de leur montant. M. C... a régulièrement contesté les rectifications notifiées selon la procédure contradictoire. L'administration supporte donc la charge de la preuve tant de l'existence et du montant des sommes distribuées par la SARL Lucaloris.

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité de la SARL Lucaloris :

7. Aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. / (...) / II. - En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / (...) / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. / (...) ". Aux termes de l'article L. 102 B du même livre : " I. - Les livres, registres, documents ou pièces sur lesquels peuvent s'exercer les droits de communication, d'enquête et de contrôle de l'administration doivent être conservés pendant un délai de six ans à compter de la date de la dernière opération mentionnée sur les livres ou registres ou de la date à laquelle les documents ou pièces ont été établis. Sans préjudice des dispositions du premier alinéa, lorsque les livres, registres, documents ou pièces mentionnés au premier alinéa sont établis ou reçus sur support informatique, ils doivent être conservés sous cette forme pendant une durée au moins égale au délai prévu au premier alinéa de l'article L. 169. / (...) ". Aux termes de l'article L. 169 de ce livre : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ".

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la SARL Lucaloris a disposé d'une caisse informatisée gérée par le logiciel de caisse de marque Orchestra PDV sur l'ensemble de la période vérifiée. Toutefois, cette société n'a pas produit, lors de la vérification de comptabilité, les fichiers relatifs aux données de caisse concernant l'établissement Le Kube au titre de la période du 1er octobre 2011 au 14 février 2012 et de l'exercice clos en 2014 et concernant l'établissement Le Capricorne au titre des exercices clos en 2012 et 2013. S'il résulte d'une attestation d'un prestataire de service qu'un dysfonctionnement important de la caisse a empêché d'émettre les bandes de caisse, la société n'a produit que des tickets Z faisant état de relevés mensuels et non détaillés par jour. De plus, il résulte de l'instruction qu'il existe des ruptures de séquences dans la numérotation des tickets de caisse démontrant que des tickets ont été supprimés, en l'occurrence trente-huit tickets pour l'établissement Le Kube au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et vingt-quatre tickets pour l'établissement Le Capricorne au titre de l'exercice clos en 2014, ainsi que des ruptures dans les numéros d'ordre de lignes de tickets démontrant la suppression d'écritures. Si M. C... soutient que ces ruptures sont peu nombreuses sur l'ensemble de la période vérifiée, il résulte de ce qui vient d'être retenu que l'administration n'a pas eu accès aux fichiers informatisés issus de la caisse enregistreuse au titre de la période du 1er octobre 2011 au 14 février 2012 et de l'exercice clos en 2014 pour l'établissement Le Kube et au titre des exercices clos en 2012 et 2013 pour l'établissement Le Capricorne. S'il soutient également que les ruptures sont liées au fait que le personnel est débordé lors des services, il ne le démontre en tout état de cause pas. Enfin, il résulte de l'instruction que la SARL Lucaloris a procédé à des écritures de régularisation, notamment sur l'enregistrement de recettes au titre de l'exercice 2012, afin d'équilibrer le total des recettes ressortant du compte de caisse avec le montant des recettes portées sur son compte bancaire, démontrant ainsi que l'enregistrement des recettes en caisse n'est pas probant. Eu égard à l'ensemble de ces irrégularités, c'est à bon droit que l'administration a rejeté la comptabilité de la SARL Lucaloris quand bien même celle-ci a produit, depuis la vérification de comptabilité, ses inventaires de stocks.

9. En second lieu, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 60, 70, 80 et 90 de la documentation de base référencée BOI-CF-IOR-10-20, 640 de la documentation de base référencée BOI-CF-IOR-10-50 et 410 de la documentation de base référencée BOI-CF-IOR-60-40-30, qui ne font pas d'interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

En ce qui concerne les reconstitutions de recettes :

S'agissant du bar de nuit Le Kube :

10. Il résulte de l'instruction que, si l'administration a procédé à la reconstitution des recettes du bar en se fondant sur la méthode des achats quantitatifs de boissons revendues et sur celle de la marge globale pratiquée, elle n'a toutefois retenu que les résultats issus de la première méthode. Il résulte de l'instruction que demeure en litige le chiffre d'affaires reconstitué à concurrence de 121 636 euros au titre de l'exercice clos en 2012.

11. En premier lieu, l'administration a retenu les tarifs relevés le 31 mars 2015, qui sont identiques aux justificatifs présentés pour la période portant sur l'exercice clos en 2013. Si M. C... se prévaut d'une carte de tarifs pour la saison 2012/2013 faisant état de tarifs différents, ce document est dépourvu de valeur probante dès lors que la mention de cette saison est apposée de façon manuscrite et qu'il n'indique pas qu'il concerne le bar de nuit Le Kube à la différence des autres cartes produites. En outre, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir du tarif de 2,50 euros du demi de bière Kronenbourg qui a été admis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires pour l'établissement Le Capricorne sur la base de la carte de la saison 2012/2013 produite devant elle concernant ce restaurant.

12. En deuxième lieu, M. C... soutient que 70 % de la clientèle du bar Le Kube est composée de saisonniers pour lesquels la société pratique des remises de 30 % sur les tarifs publics. Toutefois, en tenant compte de remises pour les saisonniers et des tarifs spéciaux tels qu'ils ressortent des données de caisse présentées, il en résulterait des rectifications supérieures à celles notifiées. Au demeurant, le requérant ne démontre ni la réalité des remises alléguées en 2012, ni les données qu'elle invoque en se limitant à produire un document de données de gestion se rapportant à l'exercice clos en 2017 mentionnant seulement un nombre de bouteilles pour les saisonniers et un prix global.

13. En troisième lieu, M. C... soutient que le bar pratique une période de " happy hour " de 17 heures 30 à 21 heures, ce qui représente 50 % de ses horaires d'ouverture, qu'il vend alors des bières, des apéritifs et des softs moins chers qu'aux tarifs de nuit et que ces ventes représentent à minima 50 % de l'ensemble des ventes de ces boissons. Toutefois, en tenant compte des remises pour les saisonniers et des tarifs spéciaux tels qu'ils ressortent des données de caisse présentées, il en résulterait des rectifications supérieures à celles notifiées. Au demeurant, le flyer produit par M. C... se borne à faire mention de " happy hour " et le requérant ne produit aucun élément de nature à justifier la quantité et les tarifs des boissons servies pendant cette période, la part qu'elle représente dans son chiffre total, ni d'ailleurs la durée de la période de " happy hour ".

14. En quatrième lieu, il résulte de la proposition de rectification et de la décision d'acceptation partielle de la réclamation de la SARL Lucaloris que l'administration a déduit des offerts à concurrence de vingt-deux bouteilles de vodka au titre de l'exercice clos en 2012.

15. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 10 ci-dessus, si l'administration a eu recours à deux méthodes de reconstitution des recettes du bar, celle des achats quantitatifs de boissons revendues et celle de la marge globale pratiquée, elle n'a retenu que les chiffres d'affaires reconstitués sur la base de la première de ces méthodes, dont les montants sont inférieurs à ceux déterminés sur la base de cette seconde méthode. Par suite, les moyens de M. C... tirés des erreurs entachant la méthode de la marge globale pratiquée doivent être écartés comme inopérants.

16. En sixième et dernier lieu, il ressort du dossier de première instance que la SARL Lucaloris, par son mémoire en réplique auquel M. C... renvoie, a abandonné en première instance ses moyens sur la prise en compte des inventaires de stocks, les prix de vente de la bière Desperados, du whisky, du rhum Bacardi et du champagne, et sur le taux de perte de la bière Maredsous en fut de 20 litres.

S'agissant du restaurant Le Capricorne :

17. Il résulte de l'instruction que la vérificatrice a eu recours à deux méthodes de reconstitution de recettes, l'une à partir du chiffre d'affaires liquides du restaurant, en multipliant les achats liquides revendus par un coefficient de marge pondérée puis en appliquant la constante chiffre d'affaires liquides / chiffre d'affaires total, l'autre de reconstitution du chiffre d'affaires liquides et du chiffre d'affaires solides avec application des marges pratiquées sur les liquides et les solides, et qu'elle a appliqué la seconde de ces méthodes à l'exercice clos en 2012. Le chiffre d'affaires reconstitué du restaurant a été fixé, en dernier lieu, à 474 190 euros au titre de l'exercice clos en 2012.

18. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la vérificatrice a retenu une marge de 6 pour le demi de bière Kronenbourg de 25 cl. Si M. C... soutient qu'il fallait également prendre en considération de nombreuses bières spéciales dont la marge est inférieure à 4,46, il n'est pas contesté que les ventes de bières au restaurant représentent 7 % de son chiffre d'affaires total, que la bière pression représente 93,47 % de ces 7 % et que la bière pression Kronenbourg représente plus de 62 % de la bière vendue au restaurant. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration s'est limitée à prendre en considération cette bière pression et non les bières spéciales en bouteille.

19. En deuxième lieu, si M. C... soutient que le café est offert en proportion de 90 %, elle ne le justifie pas alors que ce montant est manifestement excessif au regard des pratiques de la profession et qu'il résulte de la proposition de rectification adressée à la SARL Lucaloris que la société a vendu l'équivalent de 56 kilogrammes de café selon la comptabilisation des recettes pour un total de 80 kilogrammes achetés au titre de l'exercice clos en 2012.

20. En troisième lieu, l'administration a estimé que le digestif génépi était systématiquement offert à la clientèle du restaurant. L'administration a toutefois déterminé la marge des digestifs à partir non plus du génépi mais du whisky. Il résulte de l'annexe 5 de la proposition de rectification adressée à la SARL Lucaloris que le whisky fait partie des digestifs, et M. C... ne démontre pas le contraire. En outre, il résulte de cette même annexe que les digestifs représentent 1,28 % du résultat total du restaurant au titre de l'exercice clos en 2014, d'après l'étude effectuée sur les bandes de caisse présentées au titre de cet exercice. Le requérant ne démontre pas que le restaurant ne dégage pas de marge sur les digestifs.

21. En quatrième lieu, si M. C... soutient que le prix de vente du Coca-Cola est de 2,90 euros, il résulte de la proposition de rectification notifiée à la SARL Lucaloris que le prix retenu est de 2,50 euros pour le soft Coca-Cola, et de la décision d'acceptation partielle de la réclamation de cette société que le prix du soft est de 2,50 euros, et cette mention d'un tarif de 2,50 euros n'est pas préjudiciable au requérant. En outre, si M. C... soutient que le prix de revient du Coca-Cola est de 0,55 euro, il résulte de la facture de la SAS Tresallet-Arragone que la bouteille de Coca-Cola de 150 cl a été vendue 1,756 euro au restaurant de sorte que le prix de revient du verre de 25 cl est de 0,30 euro et non de 0,55 euro.

22. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à contester la méthode de reconstitution de recettes basée sur la marge pondérée sur les liquides.

23. En cinquième lieu, il résulte de l'annexe 5 de la proposition de rectification de la SARL Lucaloris établie sur la base des fichiers de caisse produits par cette société que le tarif de l'entrecôte était de 17 euros et les prix des pizzas calzone et 4 fromages étaient de 12,50 euros au titre de l'exercice clos en 2014. Si M. C... se prévaut d'une carte de tarifs pour la saison 2012/2013 faisant état de tarifs différents, ce document est dépourvu de valeur probante dès lors que la mention de la saison y est apposée de façon manuscrite et qu'il n'indique pas qu'il concerne le restaurant Le Capricorne à la différence des autres cartes produites, ce quand bien même la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a estimé que la reconstitution du chiffre d'affaires devait tenir compte des tarifs figurant sur la carte de la saison 2012/2013 produite le 14 novembre 2016.

24. En sixième et dernier lieu, il ressort du dossier de première instance que la SARL Lucaloris, par son mémoire en réplique auquel M. C... renvoie, a abandonné en première instance ses moyens sur la prise en compte des inventaires de stocks, sur les prix de vente du kir, de la bière Kronenbourg en demi et de la fondue savoyarde, sur les prix de revient du Ricard et de la bière Kronenbourg en demi, et sur la marge du mojito.

Sur la majoration de 25 % de la base des contributions sociales :

25. Il résulte de la décision d'acceptation partielle de la première réclamation de M. C... du 15 octobre 2019 que l'administration a procédé à un dégrèvement incluant la majoration de 25 % de l'assiette des contributions sociales au titre de l'année 2012. Par suite, les conclusions du requérant sur ce point sont irrecevables. La fin de non-recevoir du ministre en ce qui concerne ses conclusions doit être accueillie.

Sur la pénalité :

26. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

27. En relevant que M. C... est le gérant et l'associé unique de la SARL Lucaloris, qu'il ne pouvait ignorer les nombreuses irrégularités entachant la comptabilité et la déclaration de recettes de cette société, ni le caractère répété des minorations de recettes sur les trois exercices 2012, 2013 et 2014, qu'il a déclaré un revenu imposable de 7 661 euros au titre de l'année 2012 alors que les revenus distribués imposés au titre de cette année s'élèvent à 67 219 euros, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'existence d'une intention délibérée de M. C... d'éluder l'impôt justifiant l'application de la majoration pour manquement délibéré aux impositions en litige.

28. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juin 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00400
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SELARL FISCALP

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23ly00400 ?
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