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11/06/2024 | FRANCE | N°22LY03408

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 11 juin 2024, 22LY03408


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société par actions simplifiée Produits bitumes routiers a demandé au tribunal administratif de Dijon de la décharger du versement d'une somme 91 232,50 euros, correspondant au reversement pour partie d'une subvention perçue au titre du fonds européen de développement régional (FEDER), mis à sa charge par la région Bourgogne-Franche-Comté.



Par un jugement n° 2002760 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à sa demande.
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Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 22 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée Produits bitumes routiers a demandé au tribunal administratif de Dijon de la décharger du versement d'une somme 91 232,50 euros, correspondant au reversement pour partie d'une subvention perçue au titre du fonds européen de développement régional (FEDER), mis à sa charge par la région Bourgogne-Franche-Comté.

Par un jugement n° 2002760 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 22 novembre 2022 et le 28 février 2023, la région Bourgogne-Franche-Comté, représentée par ADAES Avocats, agissant par Me Corneloup, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 septembre 2020 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de mettre à la charge de la société Produits bitumes routiers une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La région soutient que :

- la décision d'octroi de la subvention du 21 juin 2016 ne conférait pas de droits acquis au versement de cette subvention car certaines des dépenses de la société Produits bitumes routiers se rapportant à l'objet de la convention ont été réalisées en méconnaissance du calendrier initialement fixé par cet acte et la demande de prorogation de cette convention a été présentée par la société également en méconnaissance de ce calendrier ;

- la convention du 21 juin 2016 ayant expiré au 31 août suivant, l'avenant du 22 mai 2017 est privé de base légale et cet avenant est illégal, car il fixe des conditions d'octroi de la subvention postérieures à la décision d'octroi du 21 juin 2016 ;

- cet avenant du 22 mai 2017 ne peut pas être regardé comme un acte attributif d'une subvention de 91 232,50 euros, faute d'une demande en ce sens, acte qui serait en tout état de cause illégal car le projet était totalement achevé au 31 décembre 2016 ;

- elle était tenue, en application de l'article 143 du règlement UE n° 1303/2013 du 17 décembre 2013, de récupérer l'aide indûment versée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2023, régularisé le 3 avril 2024, la société par actions simplifiée Produits bitumes routiers, représentée par la société d'avocats Fidal, agissant par Me Grimpret, conclut au rejet de la requête, au prononcé de la décharge de la somme de 91 232,50 euros et à la mise la charge de la région Bourgogne-Franche-Comté d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Produits bitumes routiers fait valoir que :

- elle a réalisé le projet subventionné conformément aux stipulations de la convention du 21 juin 2016 modifiée par son avenant du 22 mai 2017, ce dernier rendu nécessaire par la brièveté des délais d'exécution initialement fixés ;

- elle a déposé sa demande de subvention le 6 février 2015, avant l'achèvement du projet, conformément à l'article 65-6 du règlement UE n° 1303/2013, et l'avenant de prorogation conclu le 22 mai 2017 ne contrevient à aucune disposition du droit européen.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 1303/2013 du Parlement et du Conseil du 17 décembre 2013 portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement (CE) n ° 1083/2006 du Conseil ;

- le décret n° 2016-279 du 8 mars 2016 fixant les règles nationales d'éligibilité des dépenses dans le cadre des programmes soutenus par les fonds structurels et d'investissement européens pour la période 2014-2020 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 21 mai 2024 :

- le rapport de M. Gros, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

- et les observations de Me Santana, représentant la région Bourgogne-Franche-Comté.

Considérant ce qui suit :

1. La société Produits routiers bitumes a sollicité, auprès de la région Bourgogne-Franche-Comté, et dans le cadre des actions du fonds européen de développement régional (FEDER), une subvention afin de développer un processus industriel visant à accroître, pour le porter à dix heures, le délai de mise en œuvre du bitume liquide chaud. Elle a, à cette fin, conclu une convention avec la région, signée le 21 juin 2016, modifiée par un avenant du 22 mai 2017, et perçu une subvention FEDER d'un montant de 307 428,41 euros. A la suite de contrôles effectués par le cabinet KPMG, diligentés par la commission interministérielle de coordination des contrôles qui était l'autorité d'audit pour les fonds structurels européens en France, la présidente du conseil régional, le 11 septembre 2020, a émis à l'encontre de la société Produits routiers bitumes un titre de recettes d'un montant de 106 484,38 euros, en remboursement d'une partie de la subvention perçue. Par un jugement n° 2002760 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'avis des sommes à payer correspondant en tant qu'il porte sur la somme de 91 232,50 euros et déchargé la société requérante du paiement de cette somme. La région Bourgogne-Franche-Comté relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 65 intitulé " éligibilité " du règlement UE n° 1303/2013 du 17 décembre 2013 : " 1. L'éligibilité d'une dépense est déterminée sur la base des règles nationales, sauf si des dispositions spécifiques sont arrêtées dans le présent règlement ou dans les règles spécifiques de chaque Fonds ou sur la base de ceux-ci. / 2. Une dépense est éligible à une contribution des Fonds ESI [fonds structurels et d'investissement européens] si elle a été engagée par un bénéficiaire et payée entre la date à laquelle le programme a été soumis à la Commission ou le 1er janvier 2014, si cette date est antérieure à la première, et le 31 décembre 2023. (...) / 6 Une opération n'est pas retenue pour bénéficier du soutien des Fonds ESI si elle a été matériellement achevée ou totalement mise en œuvre avant que la demande de financement au titre du programme ne soit soumise par le bénéficiaire à l'autorité de gestion, que tous les paiements s'y rapportant aient ou non été effectués par le bénéficiaire. (...) ". Aux termes de l'article 143 du même règlement, intitulé " Corrections financières effectuées par les États membres " : " 1. Il incombe en premier lieu aux États membres de rechercher les irrégularités, de procéder aux corrections financières nécessaires et d'entamer des procédures de recouvrement. En cas d'irrégularité systémique, l'État membre étend ses investigations à toutes les opérations susceptibles d'être affectées / 2 Les États membres procèdent aux corrections financières requises en rapport avec les irrégularités individuelles ou systémiques détectées dans les opérations ou les programmes opérationnels. Les corrections financières consistent à annuler tout ou partie de la participation publique pour une opération ou un programme opérationnel. L'État membre tient compte de la nature et de la gravité des irrégularités et de la perte financière qui en résulte pour le Fonds ou pour le FEAMP et applique une correction proportionnée (...) ". Le règlement définit une irrégularité comme une " violation du droit de l'Union ou du droit national relatif à son application résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique participant à la mise en œuvre des Fonds ESI, qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget de l'Union européenne par l'imputation au budget de l'Union d'une dépense indue ".

3. Il résulte du second rapport d'audit en date du 21 janvier 2020, diligenté par la commission interministérielle de coordination des contrôles, que le montant maximum des financements publics affectés au projet de la société Produits routiers bitumes, laquelle entre dans la catégorie des moyennes entreprises, ne pouvait pas excéder 10 % des dépenses éligibles. Ecartant un montant de dépenses inéligibles, car irrégulières pour avoir été engagées, ou acquittées, après le 30 juin 2016, de 91 232,50 euros, les contrôleurs ont retenu un montant de dépenses éligibles de 3 009 440,32 euros, générant un plafond de subventionnement public de 300 944,03 euros, ce qui, compte tenu d'une subvention d'un montant de 100 000 euros accordée par la région Bourgogne-Franche-Comté, conduisait à une subvention FEDER d'un montant maximal de 200 944,03 euros. Or, la société Produits routiers bitumes a perçu une subvention de 307 428,41 euros, soit un indû de 106 484,38 euros correspondant à la différence entre ces deux derniers montants.

4. Il résulte du courrier du 27 juillet 2020 adressé par la région à la société Produits routiers bitumes que la demande de reversement de la somme de 106 484,38 euros, objet du titre exécutoire du 11 septembre 2020, est motivée, d'une part, comme indiqué ci-dessus, par une rectification du taux maximal d'aide publique, qui est de 10 %, applicable à l'entreprise de taille moyenne qu'est la société requérante, d'autre part, par l'irrégularité de la demande d'avenant à la convention du 21 juin 2016, formulée alors que cette convention était parvenue à échéance, ce qui conduisait à exclure une somme de 91 232,50 euros du montant des dépenses éligibles.

5. L'article 2 de la convention signée le 21 juin 2016 par la présidente du conseil régional Bourgogne-Franche-Comté et le président de la société Produits routiers bitumes impose à cette société de réaliser le projet subventionné dans la période s'étendant du 2 mars 2015 au 30 juin 2016, conformément à l'échéancier figurant dans l'annexe technique et financière de la demande de subvention. Est toutefois prévue une possibilité de prorogation, de quatre mois au plus, " en cas de nécessité liée à la complexité du projet ou à des circonstances particulières ne résultant pas de son fait, et à condition que le projet ne soit pas dénaturé ". Il est précisé que la demande de prorogation doit être présentée " avant expiration du délai initial " et que la convention " expire normalement, sauf cas particulier, 2 mois après la date prévue pour la fin de réalisation de l'opération, soit le 31 / 08 / 2016 ".

6. D'abord, s'il est vrai que l'avenant du 22 mai 2017, qui prolonge la durée de la convention jusqu'au 31 décembre 2016, quatre mois après sa date d'expiration, n'a pas été sollicité par la société Produits routiers bitumes avant cette date, cet acte unilatéral, que la région n'a jamais retiré, ce qu'elle n'aurait pu légalement faire que dans le délai de quatre mois prescrit par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, a créé des droits au profit de la société Produits routiers bitumes. Il s'ensuit que le titre exécutoire en litige ne pouvait pas reposer sur un motif tenant à une demande d'avenant à cette convention tardivement et irrégulièrement présentée par la société Produits routiers bitumes.

7. Ensuite, il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas soutenu par la région que la société Produits routiers bitumes n'aurait pas respecté le calendrier de réalisation des dépenses relatives au projet subventionné, issu de la modification, par l'avenant signé le 22 mai 2017, de la convention signée le 21 juin 2016. Par ailleurs, la demande de subvention a été faite le 6 février 2015, soit avant l'achèvement du projet. Il s'ensuit que la somme de 91 232,50 euros exclue à tort du montant des dépenses éligibles, au motif que les dépenses correspondantes ne respectaient pas le calendrier initial de réalisation des dépenses relatives au projet subventionné, doit être réintégrée dans le montant des dépenses éligibles, lequel s'élève ainsi à 3 100 672,82 euros (3 009 440,32 euros + 91 232,50 euros), générant un plafond de subventionnement public de 310 067,28 euros et une subvention FEDER d'un montant maximal de 210 067,28 euros. L'indû de subvention devant être reversé par la société Produits routiers bitumes, qui ne discute pas la proportion de cette correction financière, est égal à la différence entre la somme de 307 428,41 euros, montant de subvention FEDER perçu par la requérante, et cette somme de 210 067,28 euros, soit 97 361,13 euros, au lieu de la somme de 106 484,38 euros dont le reversement est exigé par la région. Par conséquent, le titre exécutoire doit être annulé, en tant qu'il ne prend pas en compte la somme de 91 232,50 euros pour le calcul de l'indû, et la société Produits routiers bitumes doit, dans la mesure de ce nouveau calcul, être déchargée d'un montant de 9 123,25 euros.

8. Il résulte de ce qui précède que la région Bourgogne-Franche-Comté est seulement fondée à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Dijon qu'elle conteste en tant qu'il a déchargé la société Produits routiers bitumes du reversement d'une somme de 91 232,50 euros, le montant de cette décharge devant être limité à un montant de 9 123,25 euros.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses frais d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : L'avis des sommes à payer du 11 septembre 2020 est annulé en tant qu'il ne prend pas en compte pour le calcul de l'indû, une somme de 91 232,50 euros au titre des dépenses éligibles.

Article 2 : La société Produits routiers bitumes est, dans la mesure de ce calcul, déchargée du reversement d'une somme de 9 123,25 euros.

Article 3 r : Le jugement du tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Produits routiers bitumes et à la région Bourgogne-Franche-Comté.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président-assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne au préfet de la Côte-d'Or, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03408
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

15-08 Communautés européennes et Union européenne. - Litiges relatifs au versement d`aides de l’Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;22ly03408 ?
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