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11/06/2024 | FRANCE | N°22LY03181

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 11 juin 2024, 22LY03181


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1904944 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 28 octob

re 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1904944 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de Mme B... ces droits et pénalités.

Le ministre soutient que, eu égard aux stipulations contractuelles des contrats de cure conclus avec les clients, la SARL Comboire Minceur ne pouvait se considérer comme redevable de prestations à exécuter en 2015 de sorte que la réintégration des produits extournés via le compte des produits constatés d'avance correspondant aux séances non effectuées, à la fin de la troisième année qui suit l'achèvement théorique de la cure est fondée.

Par un mémoire, enregistré le 22 février 2023, Mme B... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... soutient que :

- selon une pratique jusque-là non remise en cause, la SARL Comboire minceur comptabilisait ses produits au fur et à mesure de l'exécution des prestations, ne s'estimait pas tenue d'opposer à ses clients la perte des séances non effectuées pendant plus de trois mois et ne contrôlait pas les justifications qu'ils pouvaient invoquer de sorte que les produits constatés d'avance réintégrés ne peuvent être regardés comme relevant de séries de séances achevées ;

- il n'est pas démontré que les contrats étaient échus à la fin du dernier exercice vérifié et, à supposer que les sommes payées d'avance pour des cures interrompues lui soient acquises trois mois après la dernière séance, seules les cures pour lesquelles la dernière séance réalisée par le client l'a été entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015 doivent être rattachées à l'exercice clos le 31 décembre 2015, le rehaussement devant être réduit en conséquence.

Par ordonnance du 25 avril 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 14 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Comboire minceur, dont Mme A... B... détenait 30 % des parts et qui proposait des cures d'amincissement dans le cadre des prestations d'entretien corporel qu'elle fournissait à sa clientèle, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 à la suite de laquelle l'administration fiscale a réintégré dans son résultat imposable de l'exercice clos en 2015 une somme de 261 637 euros comptabilisée en tant que produits constatés d'avance. Cette société ayant opté pour le régime d'imposition des sociétés de personnes prévu à l'article 239 bis AA du code général des impôts, ce rehaussement de son résultat a donné lieu à un complément d'impôt sur le revenu au nom de Mme B... à proportion des droits de l'intéressée dans la société dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Le ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge de cette imposition, des prélèvements sociaux auxquels Mme B... a été également assujettie au titre de l'année 2015 et des pénalités appliquées à ces impositions.

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient (...) l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : a. Pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution ; (...) ".

3. Parmi les prestations fournies à sa clientèle, la SARL Comboire minceur proposait différentes formules de cures d'amincissement en plusieurs séances s'étalant sur une durée de quinze à vingt mois dont le prix, payable d'avance par le client, était acquitté en totalité à la signature du contrat. Le vérificateur, ayant constaté que la société avait enregistré comptablement le produit de ces prestations lors de l'encaissement et déduit, à la clôture de l'exercice 2015, une écriture de produits constatés d'avance de 261 637 euros représentant, selon les explications données au cours du contrôle, le total des versements perçus correspondant à des séances non réalisées, a réintégré ces produits non pris en compte pour la détermination du bénéfice dans le résultat de la SARL Comboire minceur de l'exercice clos en 2015.

4. Il résulte de l'instruction que les contrats de cure d'amincissement conclus par la SARL Comboire minceur stipulent que " le suivi des soins étant indispensable à l'atteinte des objectifs, une interruption des soins supérieure à trois mois par le client impliquerait la perte des soins à effectuer dans le cadre de sa cure souscrite initialement, sauf en cas de force majeure " et que " le client ne pourra interrompre sa cure qu'en cas de force majeure ou de motif légitime dument justifié ". Si la SARL Comboire minceur pouvait, pour prendre en compte les produits afférents à ces contrats au fur et à mesure de l'exécution des prestations, déduire de l'exercice d'enregistrement des produits payés d'avance les montants correspondant aux séances non encore réalisées, elle ne pouvait le faire que pour les prestations pouvant être regardées comme étant encore en cours d'exécution à la clôture de l'exercice. Or, selon les stipulations contractuelles, l'interruption de la cure pendant plus de trois mois entraîne, sauf exception, la perte des séances non effectuées et, partant, la cessation de l'obligation d'assurer les prestations restantes, du fait de la renonciation du client. Dans ces conditions, ainsi que le relève, à juste titre, le ministre, les prestations s'étalant sur plusieurs exercices pour lesquels il a été constaté une interruption de plus de trois mois ne peuvent être considérées comme étant en cours d'exécution au sens du a. du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts à la clôture de l'exercice 2015. Si Mme B... soutient que la SARL Comboire minceur avait pour pratique de reprendre dans les produits de l'exercice les montants correspondant aux séances non effectuées à l'expiration de la troisième année suivant la date d'achèvement théorique de la cure, il n'est pas allégué que l'écriture remise en cause au titre de l'exercice clos en 2015 se rapporterait, en totalité, à des séances interrompues par les clients pour un motif légitime ou pour un cas de force majeure. Il n'est, en tout état de cause, pas non plus établi que cette écriture correspondrait à des séances non effectuées que la société aurait néanmoins assurées, à titre de geste commercial, quand bien même elle n'était plus redevable d'aucune prestation en vertu des clauses contractuelles. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le fait que l'achèvement des prestations n'était pas caractérisé par la renonciation des clients aux prestations pendant une durée de plus de trois mois pour prononcer la décharge des impositions en litige.

5. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel.

6. Mme B... demande que seuls les produits correspondant aux cures interrompues à compter de la dernière séance fournie entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015 soient réintégrés aux résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2015. Toutefois, il est constant que le montant que la SARL Comboire minceur a comptabilisé à titre de produits constatés d'avance correspond à un ensemble de prestations s'étalant sur plusieurs exercices qui ne pouvaient plus être considérées comme étant en cours d'exécution au sens du a) de l'article 2 bis de l'article 38 du code général des impôts le 31 décembre 2015, date de la réintégration de l'ensemble des séances non effectuées, trois ans après la date théorique d'achèvement de la cure. Et elle ne donne aucune indication sur le nombre de séances concernées par une interruption de moins de trois mois à cette date.

7. Mme B... ne peut utilement invoquer les conditions de résolution des litiges prévues par le code de la consommation pour faire échec à l'application de la loi fiscale.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de Mme B....

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque au titre des frais liés à l'instance soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1904944 du tribunal administratif de Grenoble du 28 juin 2022 sont annulés.

Article 2 : Le complément d'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux auxquels Mme B... a été assujettie au titre de l'année 2015 sont remis à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de Mme B... relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juin 2024.

Le rapporteur,

J-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03181
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : CABINET DURAFFOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;22ly03181 ?
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