Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1904941 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2022, et un mémoire enregistré le 16 mai 2024, non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de M. A... ces droits et pénalités.
Le ministre soutient que, eu égard aux stipulations contractuelles des contrats de cure conclus avec les clients, la SARL Comboire Minceur ne pouvait se considérer comme redevable de prestations à exécuter en 2015 de sorte que la réintégration des produits extournés via le compte des produits constatés d'avance correspondant aux séances non effectuées, à la fin de la troisième année qui suit l'achèvement théorique de la cure est fondée.
Par un mémoire, enregistré le 22 février 2023 et un mémoire enregistré le 25 avril 2024 M. A... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- selon une pratique jusque-là non remise en cause, la SARL Comboire minceur comptabilisait ses produits au fur et à mesure de l'exécution des prestations, ne s'estimait pas tenue d'opposer à ses clients la perte des séances non effectuées pendant plus de trois mois et ne contrôlait pas les justifications qu'ils pouvaient invoquer de sorte que les produits constatés d'avance réintégrés ne peuvent être regardés comme relevant de séries de séances achevées ;
- il n'est pas démontré que les contrats étaient échus à la fin du dernier exercice vérifié et, à supposer que les sommes payées d'avance pour des cures interrompues lui soient acquises trois mois après la dernière séance, seules les cures pour lesquelles la dernière séance réalisée par le client l'a été entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015 doivent être rattachées à l'exercice clos le 31 décembre 2015, le rehaussement devant être réduit en conséquence ;
- sa quote-part des bénéfices industriels et commerciaux réalisée par la SARL Comboire Minceur ne peut être imposée aux contributions sociales sur les revenus du patrimoine.
Par ordonnance du 25 avril 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 14 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laval, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Comboire minceur, dont M. C... A... détenait 30 % des parts et qui proposait des cures d'amincissement dans le cadre des prestations d'entretien corporel qu'elle fournissait à sa clientèle, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 à la suite de laquelle l'administration fiscale a réintégré dans son résultat imposable de l'exercice clos en 2015 une somme de 261 637 euros comptabilisée en tant que produits constatés d'avance. Cette société ayant opté pour le régime d'imposition des sociétés de personnes prévu à l'article 239 bis AA du code général des impôts, ce rehaussement de son résultat a donné lieu à un complément d'impôt sur le revenu au nom de M. A... à proportion des droits de l'intéressée dans la société dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Le ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge de cette imposition, des prélèvements sociaux auxquels M. A... a été également assujetti au titre de l'année 2015 et des pénalités appliquées à ces impositions.
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient (...) l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : a. Pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution ; (...) ".
3. Parmi les prestations fournies à sa clientèle, la SARL Comboire minceur proposait différentes formules de cures d'amincissement en plusieurs séances s'étalant sur une durée de quinze à vingt mois dont le prix, payable d'avance par le client, était acquitté en totalité à la signature du contrat. Le vérificateur, ayant constaté que la société avait enregistré comptablement le produit de ces prestations lors de l'encaissement et déduit, à la clôture de l'exercice 2015, une écriture de produits constatés d'avance de 261 637 euros représentant, selon les explications données au cours du contrôle, le total des versements perçus correspondant à des séances non réalisées, a réintégré ces produits non pris en compte pour la détermination du bénéfice dans le résultat de la SARL Comboire minceur de l'exercice clos en 2015.
4. Il résulte de l'instruction que les contrats de cure d'amincissement conclus par la SARL Comboire minceur stipulent que " le suivi des soins étant indispensable à l'atteinte des objectifs, une interruption des soins supérieure à trois mois par le client impliquerait la perte des soins à effectuer dans le cadre de sa cure souscrite initialement, sauf en cas de force majeure " et que " le client ne pourra interrompre sa cure qu'en cas de force majeure ou de motif légitime dument justifié ". Si la SARL Comboire minceur pouvait, pour prendre en compte les produits afférents à ces contrats au fur et à mesure de l'exécution des prestations, déduire de l'exercice d'enregistrement des produits payés d'avance les montants correspondant aux séances non encore réalisées, elle ne pouvait le faire que pour les prestations pouvant être regardées comme étant encore en cours d'exécution à la clôture de l'exercice. Or, selon les stipulations contractuelles, l'interruption de la cure pendant plus de trois mois entraîne, sauf exception, la perte des séances non effectuées et, partant, la cessation de l'obligation d'assurer les prestations restantes du fait de la renonciation du client. Dans ces conditions, ainsi que le relève à juste titre le ministre, les prestations s'étalant sur plusieurs exercices pour lesquels il a été constaté une interruption de plus de trois mois ne peuvent être considérées comme étant en cours d'exécution au sens du a. du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts à la clôture de l'exercice 2015. Si M. A... soutient que la SARL Comboire minceur avait pour pratique de reprendre dans les produits de l'exercice les montants correspondant aux séances non effectuées à l'expiration de la troisième année suivant la date d'achèvement théorique de la cure, il n'est pas allégué que l'écriture remise en cause au titre de l'exercice clos en 2015 se rapporterait, en totalité, à des séances interrompues par les clients pour un motif légitime ou pour un cas de force majeure. Il n'est, en tout état de cause, pas non plus établi que cette écriture correspondrait à des séances non effectuées que la société aurait néanmoins assurées, à titre de geste commercial, quand bien même elle n'était plus redevable d'aucune prestation en vertu des clauses contractuelles. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le fait que l'achèvement des prestations n'était pas caractérisé par la renonciation des clients aux prestations pendant une durée de plus de trois mois pour prononcer la décharge des impositions en litige.
5. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel.
6. M. A... demande que seuls les produits correspondant aux cures interrompues à compter de la dernière séance fournie entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015 soient réintégrés aux résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2015. Toutefois, il est constant que le montant que la SARL Comboire minceur a comptabilisé à titre de produits constatés d'avance correspond à un ensemble de prestations s'étalant sur plusieurs exercices qui ne pouvaient plus être considérées comme étant en cours d'exécution au sens du a) de l'article 2 bis de l'article 38 du code général des impôts le 31 décembre 2015, date de la réintégration de l'ensemble des séances non effectuées trois ans après la date théorique d'achèvement de la cure. Et il ne donne aucune indication sur le nombre de séances concernées par une interruption de moins de trois mois à cette date.
7. M. A... ne peut utilement invoquer les conditions de résolution des litiges prévues par le code de la consommation pour faire échec à l'application de la loi fiscale.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de M. A....
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre de l'année 2013 :
9. Aux termes de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'article 11 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de sécurité sociale, applicable aux revenus distribués ou payés à compter du 1er janvier 2013 : " Les cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles ne relevant pas du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du présent code sont assises sur leur revenu d'activité non salarié (...) Est également prise en compte, dans les conditions prévues au deuxième alinéa, la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts perçus par le travailleur non salarié non agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés et des revenus visés au 4° de l'article 124 du même code qui est supérieure à 10 % du capital social et des primes d'émission et des sommes versées en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit par ces mêmes personnes. Un décret en Conseil d'Etat précise la nature des apports retenus pour la détermination du capital social au sens du présent alinéa ainsi que les modalités de prise en compte des sommes versées en compte courant (...) ". Aux termes de l'article L. 136-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sont soumis à la contribution due par les travailleurs indépendants non agricoles ne relevant pas du régime prévu à l'article L. 133-6-8 les revenus professionnels des travailleurs indépendants non agricoles. La contribution due par les travailleurs indépendants non agricoles ne relevant pas du régime prévu à l'article L. 133-6-8 est assise sur les revenus déterminés par application des dispositions de l'article L. 131-6. (...) ". Aux termes de l'article L. 136-6 du code de la Sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable, relatif à la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, aux dispositions duquel renvoient directement ou indirectement les articles 1600-0 C, 1600-0 F bis et 1600-0 G du code général des impôts relatifs à la contribution sociale généralisée, aux prélèvements sociaux et à la contribution au remboursement de la dette sociale : " I.- Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 : (...) f) les revenus qui entrent dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (...) à l'exception de ceux qui sont assujettis à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement définie aux articles L. 136-1 à L. 136-5 (...)" ; III.- La contribution portant sur les revenus mentionnés aux I à II ci-dessus est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 613-1 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont obligatoirement affiliés au régime d'assurance maladie et d'assurance maternité des travailleurs indépendants des professions non agricoles : 1°) les travailleurs indépendants relevant des groupes de professions mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 621-3 et ceux qui relèvent de la caisse nationale des barreaux français, mentionnée à l'article L. 723-1, soit : a. le groupe des professions artisanales ;b. le groupe des professions industrielles et commerciales, y compris les débitants de tabacs ;c. le groupe des professions libérales, y compris les avocats (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que, si les revenus distribués ont, en principe, le caractère de revenus des capitaux mobiliers, passibles de la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, la part de ces revenus perçue par le gérant majoritaire d'une société à responsabilité limitée, relevant en cette qualité du régime des travailleurs non-salariés non agricoles, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés, doit être regardée, pour son assujettissement aux prélèvements sociaux, comme des revenus d'activité pour leur fraction excédant 10 % du capital social et des primes d'émission ainsi que des sommes versées en compte courant. Cette fraction entrant ainsi dans le champ des contributions portant sur les revenus d'activité, elle ne saurait être soumise à celles assises sur les revenus du patrimoine.
11. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. A..., qui est gérant non majoritaire de la SARL Comboire, ne peut se prévaloir du statut de travailleur indépendant au sens de l'article L. 613-1 du code de la Sécurité sociale.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque au titre des frais liés à l'instance soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1904941 du tribunal administratif de Grenoble du 28 juin 2022 sont annulés.
Article 2 : Le complément d'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux auxquels M. A... a été assujetti au titre de l'année 2015 sont remis à sa charge.
Article 3 : Les conclusions de M. A... relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juin 2024
Le rapporteur,
J.-S. Laval
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03177