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11/06/2024 | FRANCE | N°22LY03050

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 11 juin 2024, 22LY03050


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Isère a implicitement rejeté sa déclaration de libre établissement pour l'exercice de l'activité de moniteur de ski alpin et refusé de lui délivrer une carte professionnelle, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer cette carte et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 105 000 euros en réparatio

n de son préjudice financier.



Par un jugement n° 1906821 du 20 juin 2022, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Isère a implicitement rejeté sa déclaration de libre établissement pour l'exercice de l'activité de moniteur de ski alpin et refusé de lui délivrer une carte professionnelle, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer cette carte et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 105 000 euros en réparation de son préjudice financier.

Par un jugement n° 1906821 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Planes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 juin 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer sans délai la carte professionnelle d'éducateur sportif, au besoin sous astreinte ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... soutient que :

- elle avait transmis au préfet les photographies réglementairement requises ;

- la formation de moniteur de ski étant réglementée au Royaume-Uni, le préfet ne pouvait pas exiger la production de pièces justifiant de son expérience professionnelle et cette exigence serait-elle fondée, il appartenait au préfet, en cas d'insuffisance des pièces produites, de saisir le système d'information du marché intérieur ;

- le préfet ne démontre pas que la formation conduisant à la qualification BASI qu'elle détient ne serait pas réglementée et, en cela, n'a pas motivé sa décision ;

- au contraire, cette qualification, inscrite dans l'équivalent écossais du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) français, correspond à la formation réglementée visée par le 3° de l'article R. 212-90 du code du sport de telle sorte que, n'ayant pas à justifier d'une expérience professionnelle, elle avait présenté un dossier de déclaration de libre établissement complet ;

- le préfet a implicitement reconnu à de multiples reprises les qualifications BASI 2, 3 ou 4 et, explicitement les qualifications BASI snowboard et/ou BASI 4, voire la qualification BASI 3 ;

- les tribunaux administratifs de Lyon et de Grenoble, confirmés par la cour administrative de Lyon, ont annulé à de multiples reprises des refus préfectoraux de reconnaissance de qualifications BASI, et la Cour de cassation ainsi que la cour d'appel de Lyon se sont également prononcées ;

- le préfet, qui n'a pas répondu à son recours gracieux et indemnitaire ni n'a produit de mémoire en défense, a acquiescé aux faits.

La ministre chargée des sports, régulièrement mise en cause, n'a pas produit de défense.

La clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2024 par une ordonnance du 4 avril précédent.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique publié au journal officiel de l'Union européenne C-384-I du 12 novembre 2019 ;

- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;

- l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées ;

- le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l'Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l'exercice des professions d'éducateur sportif et d'agent sportif ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2024 :

- le rapport de M. Gros, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., citoyenne britannique née en 1972, a présenté au préfet de l'Isère une déclaration de libre établissement en vue d'obtenir une carte professionnelle lui permettant de s'établir comme monitrice de ski alpin en France. Elle a été informée par le préfet de l'Isère le 18 janvier 2019 du caractère incomplet de son dossier et n'a pas transmis de pièces complémentaires, mais elle a formé le 12 juin 2019 un recours gracieux et une demande indemnitaire. Elle relève appel du jugement du 20 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une décision implicite de refus de délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif, au prononcé d'une injonction de délivrance de cette carte professionnelle et à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité totale de 155 000 euros en réparation de ses préjudices financier et moral, somme ramenée, au titre de son préjudice moral, à 5 000 euros en appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 212-7 du code du sport : " Les fonctions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 212-1 peuvent être exercées sur le territoire national par les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne (...), qui sont qualifiés pour les exercer dans l'un de ces Etats / Ces fonctions peuvent également être exercées, de façon temporaire et occasionnelle, par tout ressortissant légalement établi dans un Etat membre de l'Union européenne (...). Toutefois lorsque l'activité concernée ou la formation y conduisant n'est pas réglementée dans l'Etat d'établissement, le prestataire doit l'avoir exercée, dans un ou plusieurs Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, à temps plein pendant au moins une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente, au cours des dix années qui précèdent la prestation / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu'il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l'article L. 212-1 (...) ". Le I de l'article L. 212-1 du même code vise l'enseignement, l'animation ou l'encadrement d'une activité physique ou sportive ou l'entraînement de ses pratiquants, fonctions exercées contre rémunération, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, et réservées aux titulaires d'un diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification professionnelle. Eu égard aux stipulations de l'article 28 de l'accord susvisé sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne, ces règles continuent à s'appliquer aux ressortissants britanniques qui ont déposé une demande auprès de l'autorité administrative avant la fin de la période dite de transition, soit au plus tard le 31 décembre 2020, ainsi que le précise l'article 126 de cet accord.

3. Aux termes de l'article R. 212-90 du code du sport : " Est réputé satisfaire à l'obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie des activités mentionnées à l'article L. 212-1, tout ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) qui se trouve dans l'une des situations suivantes : 1° Etre titulaire d'une attestation de compétences ou d'un titre de formation requis par un Etat membre de l'Union européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen dans lequel l'accès à l'activité ou son exercice est réglementé et délivré par une autorité compétente de cet Etat ;/ 2° Justifier avoir exercé l'activité, dans un Etat membre de l'Union européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne réglemente pas l'accès à l'activité ou son exercice, à temps plein pendant une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente, au cours des dix années précédentes et être titulaire d'une ou plusieurs attestations de compétences ou d'un ou plusieurs titres de formation délivrés par l'autorité compétente d'un de ces Etats, attestant la préparation à l'exercice de l'activité pour tout ou partie des activités mentionnées à l'article L. 212-1 ; / 3° Etre titulaire d'un titre de formation délivré par l'autorité compétente d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne réglemente pas l'accès à l'activité ou son exercice, sanctionnant une formation réglementée visant spécifiquement l'exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 et consistant en un cycle d'études complété, le cas échéant, par une formation professionnelle, un stage professionnel ou une pratique professionnelle ; (...) ". Aux termes de l'article R. 212-90-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Pour l'exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1, la qualification professionnelle du déclarant, attestée conformément au 1°, au 2°, au 3° (...) de l'article R. 212-90, est regardée comme présentant une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national, lorsque la formation du déclarant n'est pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers. / Lorsque le préfet estime qu'il existe une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national et après avoir vérifié que cette différence n'est pas entièrement couverte par les connaissances, aptitudes et compétences acquises par le déclarant au cours de son expérience professionnelle à temps plein ou à temps partiel ou de l'apprentissage tout au long de la vie et ayant été, à cette fin, formellement validée par un organisme compétent, dans un Etat membre (...), il saisit pour avis la commission de reconnaissance des qualifications dans le délai mentionné à l'article R. 212-89 (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article R. 212-88 du code des sports, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Tout ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qualifié pour y exercer tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 conformément aux conditions mentionnées à l'article R. 212-90 et qui souhaite s'établir sur le territoire national à cet effet doit en faire préalablement la déclaration au préfet du département dans lequel il compte exercer son activité à titre principal. / Toutefois, lorsque la déclaration porte sur une activité s'exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions de l'article L. 212-7, le préfet compétent est précisé par arrêté du ministre chargé des sports. (...) / Le préfet vérifie le dossier de demande et en accuse réception dans le mois suivant sa réception dès lors que celui-ci est complet, ou, le cas échéant, demande au déclarant de le compléter dans un délai d'un mois. (...) ". L'article A. 212-184 de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige, désignait, s'agissant du ski alpin et de ses activités dérivées, le préfet du département de l'Isère. Aux termes de l'article R. 212-89 de ce code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Le préfet, après avoir accusé réception de la déclaration dans les conditions prévues à l'article R. 212-88, délivre une carte professionnelle d'éducateur sportif au déclarant dont les qualifications professionnelles répondent aux conditions de reconnaissance mentionnées à l'article R. 212-90 (...) et sous réserve, le cas échéant, de la vérification des compétences linguistiques du demandeur / (...) / La carte professionnelle permet au déclarant d'exercer son activité sur le territoire national dans les mêmes conditions que les titulaires des diplômes, titres à finalité professionnelle ou certificats de qualification inscrits sur la liste arrêtée par le ministre chargé des sports prévue à l'article R. 212-2 (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le Royaume-Uni ne règlemente pas l'accès à l'activité de moniteur de ski et n'en réglemente pas davantage la formation. La déclaration de libre établissement de Mme B... relevait donc, pour son examen, des dispositions rappelées ci-dessus du 2° de l'article R. 212-90 du code du sport. Si Mme B... justifie être titulaire d'un titre de formation délivré par l'autorité compétente du Royaume-Uni attestant la préparation à l'exercice de l'activité de moniteur de ski, en l'espèce une attestation " Alpine level 3 ISIA " délivrée le 24 juillet 2013 par la British Association of Snowsport Instructors (BASI), elle ne justifie pas avoir exercé cette activité à temps plein pendant une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente au cours des dix années précédentes, ceci dans un Etat membre de l'Union européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne réglementant pas l'accès à l'activité ou son exercice. Son dossier de déclaration de libre établissement n'était donc pas complet, comme le lui a notifié le préfet de l'Isère par courrier en date du 18 janvier 2019, et ainsi que l'a jugé le tribunal par le jugement contesté du 20 juin 2022. Par suite, Mme B..., qui ne peut pas se prévaloir d'un acquiescement aux faits, qu'elle expose, de la part de l'autorité administrative, ni, d'ailleurs, de précédentes décisions préfectorales ou juridictionnelles, dont elle se borne à dérouler la liste, ne pouvait pas être regardée comme satisfaisant aux exigences des dispositions du 2° de l'article R. 212-90 du code du sport pour se voir délivrer la carte professionnelle d'éducateur sportif.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. En conséquence, ses conclusions indemnitaires et à fin d'injonction présentées en appel doivent, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président-assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition par le greffe le 11 juin 2024.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03050


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03050
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-005-01 Professions, charges et offices.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : PLANES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;22ly03050 ?
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