Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 2300796 du 5 avril 2024, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, a transmis à la cour le dossier de la requête de la société par actions simplifiées (SAS) Soleia Bau.
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 avril 2023 et le 25 avril 2024, la SAS Soleia Bau, représentée par le cabinet Volta agissant par Me Guiheux, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
1°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2023 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui accorder un permis de construire pour une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieu-dit " Les baux " à Saint-Didier-la-Forêt ;
2°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer le permis sollicité dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de l'Allier de reprendre l'instruction de sa demande de permis de construire dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- son projet est compatible avec l'exercice d'une activité agricole du terrain sur lequel il s'implante conformément aux dispositions de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires enregistrés le 6 février 2024 et le 17 mai 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête est irrecevable en l'absence de justification de l'accomplissement des formalités prévues par l'article R.600-1 du code de l'urbanisme et qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 16 avril 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il reprend à son compte les écritures présentées par la préfète de l'Allier dans son mémoire enregistré le 6 février 2024.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente ;
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Aubourg, représentant la SAS Soleia Bau, et celles de M. A... et Mme B..., représentant la préfète de l'Allier ;
Une note en délibéré, enregistrée le 24 mai 2024, a été présentée pour la SAS Soleia Bau ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 27 mai 2021, la SAS Soleia Bau a déposé une demande de permis de construire en vue de la réalisation d'une centrale photovoltaïque au sol, d'une puissance 33,3 mega watt-crêtes, sur un terrain situé lieu-dit " Les baux " à Saint-Didier-la-Forêt. Par un arrêté du 22 février 2023, la préfète de l'Allier a refusé de lui accorder le permis de construire sollicité. La SAS Soleia Bau demande l'annulation de cet arrêté du 22 février 2023.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. ".
3. En indiquant dans son arrêté du 22 février 2023, qui cite notamment l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme sur lequel il se fonde, que le projet litigieux, localisé au lieu-dit " Les baux " à Saint-Didier-la-Forêt, porte sur une proposition d'activité agricole peu significative, notamment au regard du potentiel du site et qu'il ne respecte pas la vocation de la zone non constructible de la carte communale, la préfète de l'Allier qui a, ce faisant, énoncé les considérations de droit et de fait qui fondent à cet égard sa décision, a respecté l'exigence de motivation posée par les dispositions citées au point précédent. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme n'est donc pas fondé.
4. En second lieu aux termes aux termes de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception : / (...) 2° Des constructions et installations nécessaires : / a) A des équipements collectifs ; / b) A l'exploitation agricole ou forestière, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production ; / (...) Les constructions et installations mentionnées au 2° ne peuvent être autorisées que lorsqu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels ou des paysages. / Les constructions et installations mentionnées aux b et d du même 2° sont soumises à l'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. ".
5. Ces dispositions ont pour objet de conditionner l'implantation de constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dans des zones naturelles, agricoles ou forestières à la possibilité d'exercer des activités agricoles, pastorales ou forestières sur le terrain où elles doivent être implantées et à l'absence d'atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages.
6. Pour vérifier si la première de ces exigences est satisfaite, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si le projet permet l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d'implantation, au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du plan local d'urbanisme ou, le cas échéant, auraient vocation à s'y développer, en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l'emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux.
7. Eu égard à son importance et à sa destination, une centrale photovoltaïque, contribuant à la satisfaction d'un intérêt collectif, constitue une construction ou une installation nécessaire à des équipements collectifs ou à des services publics autorisée dans les parties non actuellement urbanisées des communes dépourvues de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, dans la mesure où sa présence n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elle est implantée, comme il résulte des dispositions citées au point 4.
8. La requérante soutient, que contrairement à ce qu'a estimé la préfète, son projet est compatible avec l'exercice d'une activité agricole sur le terrain sur lequel il s'implante conformément aux dispositions de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme, compte tenu de la faible valeur agronomique des sols, du caractère minime de la perte de surface agricole utile, de ses effets positifs sur les résultats de l'exploitante et du caractère significatif de l'activité agricole envisagée.
9. Le site d'implantation du projet se situe en zone inconstructible de la carte communale de la commune de Saint-Didier-la-Forêt, dont il ressort des conclusions rendues par le commissaire-enquêteur, le 22 décembre 2022, que ce classement vise à préserver l'activité agricole et la qualité des paysages. Le projet en cause a pour objet la réalisation d'une centrale photovoltaïque au sol, pour une puissance installée de 33,3 mega watt-crêtes, sur une surface clôturée de 44 hectares, comprenant onze postes de transformation, trois postes de livraison et deux bâtiments agricoles à usage de stockage et de bergerie, avec l'installation d'un système photovoltaïque en toiture.
10. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles d'implantation du projet sont exploitées depuis plus de 15 ans en prairies permanentes, déclarées au titre des aides de la politique agricole commune, qu'elles sont entourées de parcelles également et majoritairement composées de prairies permanentes mais aussi de cultures annuelles, telles que le sorgho, le maïs, le blé et le triticale. Ainsi, ces parcelles ne peuvent être regardées comme étant dépourvues de tout potentiel agricole. La surface clôturée du projet représentera 72 % de la surface agricole utile de l'exploitation concernée, qui représente 57 hectares, et l'intégralité de la surface de cette exploitation qui est située sur la commune de Saint-Didier-la-Forêt, ce qui va entraîner la disparition de l'élevage bovin présent sur ces parcelles. Si la requérante fait valoir qu'il est prévu de mettre en place une activité d'élevage d'ovins sur le site d'implantation du projet, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette activité se rapporterait à un type de culture ou d'élevage localement pratiqué dès lors que le projet se situe dans un secteur tourné vers l'élevage bovin et équin ainsi que vers les grandes cultures au sein duquel l'élevage ovin se trouve marginal, ainsi que le relève d'ailleurs l'étude préalable agricole. Par ailleurs, si ce projet aura pour effet de remplacer un élevage bovin par un élevage ovin, l'exploitante des terres concernées ne justifie cependant d'aucune pratique antérieure concernant ce type d'élevage. Enfin, la préfète fait valoir, sans être utilement contredite, que la conception du parc photovoltaïque projeté ne respecte pas les hauteurs minimales des tables, ni les espacements des rangées, ni les distances en fin de rangées nécessaires au retournement des engins agricoles, tels qu'ils sont préconisés par le guide de l'institut de l'élevage, produit par la requérante elle-même. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée soutenir qu'en lui refusant le permis de construire sollicité, la préfète de l'Allier aurait méconnu les dispositions précitées de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme.
11. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposé en défense, la SAS Soleia Bau n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 22 février 2023 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui accorder un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieu-dit " Les baux " à Saint-Didier-la-Forêt.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
12. Le sens du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par la SAS Soleia Bau ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Soleia Bau est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Soleia Bau et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Dèche, présidente,
Mme Vergnaud, première conseillère,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.
La rapporteure,
P. Dèche
L'assesseure la plus ancienne,
E. Vergnaud
Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier en chef
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N° 24LY00985
kc