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06/06/2024 | FRANCE | N°23LY02744

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 06 juin 2024, 23LY02744


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2023 par lequel le préfet de la Savoie l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour de deux ans.



Par un jugement n° 2304548 du 4 août 2023, le président du tribunal administratif de Grenoble a, dans un article 2, annulé cet arrêté.



Procédure devant la courr>


Par une requête, enregistrée le 24 août 2023, le préfet de la Savoie demande à la cour d'annuler le j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2023 par lequel le préfet de la Savoie l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour de deux ans.

Par un jugement n° 2304548 du 4 août 2023, le président du tribunal administratif de Grenoble a, dans un article 2, annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 août 2023, le préfet de la Savoie demande à la cour d'annuler le jugement n° 2304548 du 4 août 2023 susvisé.

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté en litige pour violation du droit d'être entendu dès lors que l'intéressée a été auditionnée le 11 juillet 2023 par les services de la gendarmerie nationale et a été précisément interrogée sur l'éventualité d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français émise à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2023, Mme C..., représentée par Me Huard, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de lui accorder l'aide juridictionnelle à titre provisoire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été édictée en méconnaissance de son droit d'être entendue ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire n'est pas motivée ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée de disproportion et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 4 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-383/13 du 10 septembre 2013, C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante sénégalaise, est entrée en France selon ses déclarations en novembre 2019 pour y demander l'asile. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée le 25 mars 2022, par décision de la Cour nationale du droit d'asile. Elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le 2 juillet 2021. Le 11 juillet 2023, elle a été placée en rétention administrative pour vérification de sa situation. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Savoie l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans. Le préfet de la Savoie relève appel du jugement par lequel le président du tribunal administratif de Grenoble a, dans un article 2, annulé cet arrêté.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Selon l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, susvisée : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. ".

3. Mme C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2023. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requérante tendant à ce qu'elle soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

4. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, notamment par son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

5. Dans le cadre ainsi posé, et s'agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts C-166/13 Sophie Mukarubega du 5 novembre 2014 et C-249/13 Khaled Boudjlida du 11 décembre 2014 visés ci-dessus, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

6. Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 10 septembre 2013 cité au point 8, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme C... a été auditionnée le 11 juillet 2023 par les services de la gendarmerie nationale sur son séjour en France. Elle a été informée de la possibilité de l'édiction d'une nouvelle mesure d'éloignement à son encontre et mise à même de présenter des observations. Elle a indiqué vouloir rester en France, y être insérée et n'avoir plus d'attaches familiales dans son pays d'origine. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu soulevé par Mme C... manque en fait. Par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en litige, le premier juge s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu.

8. Dès lors, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le président du tribunal administratif de Grenoble.

Sur les autres moyens soulevés par Mme C... :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

10. La décision portant obligation de quitter le territoire en litige, qui fait état de la situation familiale et administrative de Mme C... et vise, notamment, le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel le préfet de la Savoie s'est fondé pour prononcer à son encontre la mesure d'éloignement, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La décision susvisée ne saurait être entachée d'un défaut de motivation pour ne pas comporter le rappel des éléments caractérisant la situation de Mme C... et que celle-ci regarde comme lui étant favorables et sur lesquels le préfet n'a pas cru devoir se fonder pour l'éloigner du territoire. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen de la situation de Mme C....

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France en novembre 2019 à l'âge de 20 ans, qu'elle est célibataire et sans enfant, et a vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine. Elle s'est maintenue sur le territoire français en dépit d'une mesure d'éloignement édictée à son encontre, le 2 juillet 2021. Elle ne justifie d'aucune attache familiale en France alors qu'elle a nécessairement conservé dans son pays d'origine de telles attaches quand bien même elle indique que ses parents sont décédés. Si elle justifie d'une relative intégration sociale, notamment par le biais associatif, les éléments produits sont insuffisants pour caractériser une intégration professionnelle particulière, hormis la réalisation de stages en salon de coiffure. Si elle indique être inscrite en CAP Cuisine pour l'année 2023/2024 et bénéficier d'une promesse pour un contrat d'apprentissage datée du 3 août 2023, ces éléments sont postérieurs à la date de l'arrêté en litige à laquelle s'apprécie sa légalité. Dans ces conditions, eu égard aux conditions d'entrée et de séjour en France de l'intéressée et en l'absence de liens intenses, stables et anciens sur le territoire national, le préfet de la Savoie n'a pas entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision pour les mêmes motifs d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

14. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".

15. Il ressort de la décision en litige que le préfet de la Savoie s'est fondé sur les 4°, 5° et 8° des dispositions précitées pour édicter le refus opposé à Mme C... de lui accorder tout délai de départ volontaire et sur le fait que l'intéressée a expressément fait connaître son intention de ne pas se conformer à une mesure d'éloignement, qu'elle avait fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 2 juillet 2021 qu'elle n'a pas exécutée et qu'elle ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée au sens des dispositions de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que soutient Mme C..., la décision susvisée est bien contenue dans l'arrêté du 11 juillet 2023 et fait l'objet de paragraphes distincts.

16. Pour les mêmes motifs que ceux visés au point 13, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales également dirigé contre la décision portant refus de délai de départ volontaire doit être écarté.

17. Mme C..., en se référant à sa situation personnelle telle qu'évoquée au point 13, ne fait pas valoir de circonstances particulières, au sens des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, susceptibles de justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision susvisée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

18. Compte tenu de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à Mme C..., cette dernière n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision susvisée.

19. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

20. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen le conduisant à apprécier les conséquences de la mesure d'interdiction de retour sur la situation personnelle de l'étranger et que sont invoquées des circonstances étrangères aux quatre critères posés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10, il incombe seulement au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que l'autorité compétente n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

21. En l'espèce, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans prononcée à l'encontre de la requérante, comporte, contrairement à ce qui est soutenu, toutes les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, au regard notamment des critères prévus par les dispositions précitées. Dès lors que le préfet n'a pas retenu celui lié à la menace pour l'ordre public, il n'était pas tenu de le préciser expressément. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté.

22. Pour prononcer une interdiction de retour d'une durée de deux ans, le préfet de la Savoie a tenu compte de la durée de présence de Mme C... en France, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France ainsi que de l'absence d'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Eu égard aux éléments, rappelés notamment au point 13, caractérisant la situation de l'intéressée, le préfet de la Savoie n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en prononçant une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans à l'encontre de l'intéressée.

23. Compte tenu des motifs énoncés au point 13, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision susvisée des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

24. Mme C... n'évoquant aucune circonstance étrangère aux quatre critères posés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dirigé contre l'interdiction de retour ne peut qu'être écarté.

25. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui doit être annulé, le président du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de Mme C.... La demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble par Mme C... doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de Mme C....

Article 2 : Le jugement n° 2304548 du 4 août 2023 du président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme B... C... et au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Vergnaud, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLa présidente,

P. Dèche

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier en chef

2

N° 23LY02744

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02744
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;23ly02744 ?
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