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29/05/2024 | FRANCE | N°23LY00198

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 29 mai 2024, 23LY00198


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Le Fil d'Or " de Panissières à lui verser la somme de 112 920,24 euros en réparation de ses préjudices financier et moral, outre intérêts légaux à compter du 27 juillet 2021, et leur capitalisation.



Par un jugement n° 2108313 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.


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Par une requête enregistrée le 18 janvier 2023 et un mémoire enregistré le 12 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Le Fil d'Or " de Panissières à lui verser la somme de 112 920,24 euros en réparation de ses préjudices financier et moral, outre intérêts légaux à compter du 27 juillet 2021, et leur capitalisation.

Par un jugement n° 2108313 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2023 et un mémoire enregistré le 12 mai 2023, (ce dernier n'ayant pas été communiqué) M. A... B..., représenté par Me Salen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 décembre 2022 ;

2°) de condamner l'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières à lui verser la somme de 112 920,24 euros en réparation de ses préjudices financier et moral, assortie des intérêts légaux à compter du 27 juillet 2021, ou à tout le moins à compter de la date d'introduction de sa requête d'appel, capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande de première instance a été enregistrée devant le tribunal administratif de Lyon dans les deux mois ayant suivi la notification de la décision de rejet de sa demande indemnitaire préalable ayant lié le contentieux ; elle était par suite recevable ; il en va de même de sa requête d'appel ;

- le jugement du tribunal administratif de Lyon ayant annulé la décision qui l'admettait à la retraite est définitif et revêtu de l'autorité de la chose jugée ; l'illégalité fautive ainsi constatée a engagé la responsabilité de l'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières ;

- il a subi en raison de cette illégalité fautive un préjudice financier consistant en la différence entre les revenus qui auraient dû être les siens pendant sa période d'éviction illégale, et le montant de la pension de retraite qui lui a été versée, à moins que celle-ci doive être remboursée auquel cas il n'y a pas lieu de les déduire ; ce préjudice doit être chiffré à 102 920,24 euros ; à supposer même qu'il y ait lieu de déduire les allocations de chômage qu'il a perçues, ce préjudice doit être chiffré à 55 464,12 euros ;

- son préjudice moral doit être chiffré à 10 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2023, l'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières, représenté par la SCP d'avocats BLT Droit Public, agissant par Me Bonnet, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- les observations de Me Salen, représentant M. B..., et celles de Me Denizot, représentant l'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., fonctionnaire du corps des personnels ouvriers de la fonction publique hospitalière, exerçait les fonctions de responsable de cuisine à l'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières. Suite à l'annulation d'une première décision, la directrice de l'EHPAD, par une décision du 3 novembre 2015, l'a placé à la retraite pour invalidité à compter du 11 septembre 2011. Par un jugement du 17 janvier 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette nouvelle décision et a enjoint à la directrice de l'établissement de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois. Le 29 juillet 2021, M. B... a saisi l'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières d'une demande tendant au versement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive de la décision du 3 novembre 2015. L'établissement ayant rejeté sa demande par une décision du 27 septembre 2021, l'intéressé a saisi le tribunal administratif de Lyon. Il relève appel du jugement du 8 décembre 2022 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières ne conteste pas qu'en plaçant M. B... à la retraite par la décision du 3 novembre 2015, il a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

3. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction, ou les sommes qu'il a perçues à raison de la perte de son emploi.

4. En l'espèce, d'une part, il ressort du tableau récapitulatif produit par l'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières que si le requérant n'avait pas été illégalement évincé du service, le montant de ses traitements, majorés du supplément familial de traitement et de l'indemnité pour sujétions spéciales, après déduction des cotisations et contributions sociales, aurait été de 109 243 euros entre le 1er janvier 2012 et le 28 février 2018. M. B... n'invoquant plus de préjudice pour la période du 11 septembre 2011 au 11 septembre 2012, période durant laquelle il indique avoir perçu des rémunérations de l'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières, le montant global de ces mêmes traitements et accessoires peut être évalué, pour la période du 11 septembre 2012 au 28 février 2018, à approximativement 96 500 euros, en l'absence de production par le requérant de tout élément justifiant de ce qu'il avait une chance sérieuse de bénéficier d'une promotion au grade supérieur. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'EHPAD, la prime de service prévue par l'arrêté interministériel du 24 mars 1967 n'a pas pour objet de compenser des frais, charges ou contraintes liées à l'exercice effectif des fonctions et doit dès lors être prise en compte dans le calcul de la perte de rémunération du requérant. Toutefois, si ce dernier soutient avoir perçu au titre de cette prime un montant annuel de 1 400 euros, il n'établit pas que ce montant excédait celui de 304,90 euros mentionné par son bulletin de paie du mois de décembre 2007. Par suite, il ne justifie pas qu'il a perdu une chance de bénéficier d'un montant moyen supérieur au cours de la période litigieuse. S'agissant enfin des sommes perçues au titre des heures supplémentaires, week-ends et jours fériés, le requérant, inapte à ses anciennes fonctions, ne justifie pas de ce que, s'il avait bénéficié d'un reclassement, il aurait eu une chance sérieuse de percevoir ces mêmes éléments de rémunération. Dès lors, le montant de la rémunération dont le requérant aurait bénéficié durant la période litigieuse, s'il n'avait pas été illégalement évincé du service, aurait été approximativement de 98 200 euros.

5. D'autre part, il n'est pas contesté qu'à la suite de l'annulation de son placement à la retraite, M. B... a été invité à reverser le montant de la pension qu'il a perçue durant la période litigieuse. Par ailleurs, le requérant reconnaît avoir perçu au cours de cette période, notamment du fait d'activités de formateur dans le secteur privé, la somme globale de 52 279,76 euros. Toutefois, il ressort des avis d'impositions de l'intéressé pour les années 2012 à 2017 qu'il a perçu durant cette période, outre sa pension et les salaires dont il fait état, d'autres sommes imposables dans la catégorie des salaires et assimilés, dont il ne précise pas la nature, et qu'il ne soutient pas être dans l'obligation de rembourser. Au vu de ces avis d'imposition et du tableau récapitulatif produit par l'EHPAD, le requérant doit ainsi être regardé comme ayant perçu pendant la période litigieuse, à titre de salaires ou d'indemnité telle que l'aide au retour à l'emploi, une somme globale d'au moins 98 774,84 euros. Cette somme étant supérieure à celle que le requérant aurait perçue s'il n'avait pas été illégalement évincé de son emploi, M. B... ne justifie d'aucun préjudice financier.

6. Enfin, M. B... soutient avoir subi du fait de son placement illégal à la retraite un préjudice moral. Alors qu'il a été antérieurement placé en arrêt de maladie durant une longue période, qu'il pouvait maintenir des liens avec ses collègues, n'a pas subi de préjudice financier, et ne produit pas de pièce justifiant de l'impact de la situation sur sa santé, excepté un certificat médical établi en juin 2018 et mentionnant un état d'anxiété, il est établi que le requérant, que la décision du 3 novembre 2015 a placé pour la deuxième fois à la retraite, situation qui s'est prolongée plusieurs années, a subi du fait de celle-ci un préjudice moral. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant à ce titre la somme de 3 500 euros, tous intérêts compris à la date du présent arrêt.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme de 2 000 euros à M. B..., en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2108313 du tribunal administratif de Lyon du 8 décembre 2022 est annulé.

Article 2 : L'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières est condamné à verser à M. B... la somme de 3 500 euros, tous intérêts compris à la date du présent arrêt.

Article 3 : L'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières versera à M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par l'EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à EHPAD "Le Fil d'Or" de Panissières.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mai 2024.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne au préfet de la Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00198


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00198
Date de la décision : 29/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SALEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-29;23ly00198 ?
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