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28/05/2024 | FRANCE | N°23LY02235

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 28 mai 2024, 23LY02235


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 19 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a retiré sa carte de résident de dix ans portant la mention " conjoint de française ", lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé à trente jours le délai de départ volontaire.



Par un jugement n° 2301071 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.







Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 3 juillet 2023, M. A... B....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 19 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a retiré sa carte de résident de dix ans portant la mention " conjoint de française ", lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé à trente jours le délai de départ volontaire.

Par un jugement n° 2301071 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2023, M. A... B..., représenté par Me Coutaz, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301071 du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 19 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a retiré sa carte de résident de dix ans portant la mention " conjoint de française ", lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de résident de dix ans portant la mention " conjoint de française " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le retrait de son titre de séjour méconnait les articles 7 bis, a) et 6, 2° de l'accord franco-algérien dès lors que la communauté de vie doit être regardée comme établie ; il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; il est entaché de vice de procédure en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale compte tenu du droit au séjour qu'il tient des articles 7 bis, a) et 6, 2° de l'accord franco-algérien dès lors que la communauté de vie doit être regardée comme établie ; elle méconnait l'article L. 611-3, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour le même motif ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 16 juin 1986, a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 19 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a retiré sa carte de résident de dix ans portant la mention " conjoint de française ", lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé à trente jours le délai de départ volontaire. Par un jugement du 29 juin 2023, le tribunal a rejeté cette demande. M. B... en interjette appel et demande à la cour d'annuler les décisions du 19 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a retiré sa carte de résident de dix ans portant la mention " conjoint de française ", lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Sur la légalité du retrait du titre de séjour :

2. En cas d'annulation, par un arrêt du juge d'appel, du jugement ayant prononcé l'annulation d'une décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et ayant enjoint à l'administration de procéder à cette délivrance, et sous réserve que les motifs de cet arrêt ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à un nouveau refus, l'autorité compétente ne peut retirer la décision délivrant le titre de séjour prise en exécution du premier jugement que dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la notification à l'administration de l'arrêt d'appel. Passé ce délai et dans le cas où un pourvoi en cassation a été introduit contre l'arrêt d'appel, l'autorité compétente dispose à nouveau de la faculté de retirer la décision délivrant le titre, dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la réception de la décision qui rejette le pourvoi ou de la notification de la décision juridictionnelle qui, après cassation, confirme en appel l'annulation du premier jugement. Dans tous les cas, elle doit, avant de procéder au retrait, inviter l'intéressé à présenter ses observations.

3. M. B... a bénéficié de la délivrance d'un certificat de résidence algérien d'un an en qualité de conjoint d'une ressortissante française, valable du 19 juillet 2019 au 18 juillet 2020. Par décisions du 23 avril 2021, le préfet de l'Isère lui en a refusé le renouvellement ainsi que la délivrance d'un certificat de résidence de dix ans, au motif de l'absence de communauté de vie, et a assorti ce refus d'une mesure d'éloignement. Par jugement du 27 septembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision par laquelle le préfet de l'Isère a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. B... et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. B... un certificat de résidence valable dix ans. En exécution de ce jugement, le préfet de l'Isère a délivré à M. B... un certificat de résidence valable du 5 octobre 2021 au 4 octobre 2031. Toutefois, par arrêt du 17 novembre 2022, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble et a rejeté les conclusions de M. B..., au motif que la communauté de vie n'était pas établie. Par décision du 20 juillet 2023, le Conseil d'Etat a refusé d'admettre le pourvoi formé par M. B... contre l'arrêt de la cour, qui reposait notamment sur le moyen tiré de ce que la cour aurait dénaturé les faits et les pièces du dossier en estimant que la communauté de vie entre les époux B... n'était pas établie. Au vu de l'arrêt de la cour, par la décision contestée du 19 décembre 2022, le préfet de l'Isère a retiré le certificat de résidence valable dix ans qu'il avait délivré à M. B... en exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 septembre 2021 que la cour a annulé par un arrêt devenu définitif.

4. En premier lieu, conformément aux dispositions de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020, les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la commission du titre de séjour, invoquées par le requérant, ont été transférées à l'article L. 432-13 du même code, applicable à la date de la décision. Aux termes de cet article : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / (...) / 3° Lorsqu'elle envisage de retirer le titre de séjour dans le cas prévu à l'article L. 423-19 ; / (...) / 5° Lorsqu'elle envisage de refuser le renouvellement ou de retirer une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident dans le cas prévu à l'article L. 412-10 ". L'article L. 423-19 auquel il est ainsi renvoyé vise le cas de l'étranger qui " a fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure du regroupement familial ". L'article L. 412-10 auquel il est également renvoyé vise pour sa part le cas des " manquements au contrat d'engagement au respect des principes de la République ". Le retrait prononcé en l'espèce par le préfet de l'Isère se fonde sur l'annulation du jugement en exécution duquel le titre en litige avait été délivré. Il ne relève dès lors d'aucune des hypothèses dans lesquelles le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impose la saisine préalable de la commission du titre de séjour. Le moyen tiré du vice de procédure doit en conséquence être écarté.

5. En deuxième lieu, la décision de retrait en litige se fonde sur ce que la cour, par un arrêt qui est depuis devenu définitif, a jugé que M. B... ne remplissait pas les conditions des articles 6, 2° et 7 bis, a) de l'accord franco-algérien dont il se prévalait, de telle sorte qu'il ne justifiait pas d'un droit au séjour, le jugement en exécution duquel le titre a été délivré ayant été annulé pour ce motif. M. B... ne peut ainsi utilement soutenir que ce retrait méconnaitrait les articles 6, 2° et 7 bis, a).

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est né en Algérie le 16 juin 1986 et qu'il est de nationalité algérienne. Il est entré en France le 4 mai 2016, âgé de près de trente ans, sous couvert d'un visa de court séjour. S'il avait épousé le 17 août 2015 en Algérie une ressortissante française, celle-ci a toutefois déclaré qu'aucune communauté de vie n'existait et le mariage a été dissous. M. B... a fait l'objet le 24 juillet 2018 d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement, dont le tribunal administratif de Marseille et la cour administrative d'appel de Marseille ont confirmé la validité. Si M. B... s'est vu délivrer un titre de séjour d'un an le 19 juillet 2019, en raison de son mariage avec une autre ressortissante française, il vient d'être dit que l'absence de communauté de vie fait obstacle au renouvellement de ce titre. Ainsi que l'a relevé le tribunal dans le jugement attaqué " Sur un plan familial, les pièces produites par le requérant attestent, certes, du fait que, depuis 2019, il déclare administrativement sa résidence au domicile de son épouse mais elles ne suffisent pas à démontrer la réalité de sa communauté de vie avec l'intéressée. Lors d'une interpellation par les forces de l'ordre en février 2019, soit deux mois seulement avant son remariage, il indiquait en effet être célibataire, en cours de divorce et résider à Grenoble chez un oncle alors que sa première union était dissoute depuis avril 2018 et qu'il était censé vivre en couple avec sa future nouvelle épouse, qu'il aurait rencontrée au cours de l'année 2017, depuis novembre 2018. Par ailleurs, postérieurement à son remariage, une enquête inopinée, réalisée par les services de gendarmerie le 9 septembre 2020, a démontré l'absence de vie commune réelle des époux. Quant aux attestations qu'il produit, celles qui émanent des membres de la famille du couple ne présentent pas de caractère suffisamment probant compte tenu des liens d'intérêts qui l'unissent avec leurs auteurs et les trois attestations rédigées par des voisines et un collègue de travail sont, pour deux d'entre elles, très peu circonstanciées, et, pour la troisième, trop isolée pour prouver plus qu'une présence ponctuelle du requérant au domicile de son épouse. Sur un plan personnel, à la date du retrait contesté, M. B... résidait en France depuis cinq ans et demi, mais une grande partie de son séjour n'a été rendue possible qu'à la faveur d'un premier mariage avec une ressortissante française dénoncé comme frauduleux puis dissous par jugement d'un tribunal algérien qui reconnaît le caractère fictif de cette union et de l'inexécution de plusieurs mesures d'éloignement. Ayant vécu jusqu'à l'âge de 29 ans en Algérie, il y conserve nécessairement des attaches personnelles ". Par ces motifs, que la cour fait siens, le préfet de l'Isère, en retirant à M. B... le titre de séjour dont il avait bénéficié en exécution d'un jugement qui a été annulé, n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Eu égard à ce qui vient d'être dit sur l'absence de communauté de vie établie et sur la situation personnelle de M. B..., les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu le droit au séjour que M. B... tirerait des stipulations de l'article 6, 2° et de l'article 7 bis, a) de l'accord franco-algérien, de ce que le préfet aurait méconnu l'article L. 611-3, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable, de ce que le préfet aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02235


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02235
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23ly02235 ?
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