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28/05/2024 | FRANCE | N°23LY02231

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 28 mai 2024, 23LY02231


Vu la procédure suivante :





Procédures contentieuses antérieures :



Par une demande enregistrée sous le n° 2301409, M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et d'enjoindre à la préfète de l'Ain, sous astreinte de 100 euros par jour de retar

d, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une demande enregistrée sous le n° 2301409, M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et d'enjoindre à la préfète de l'Ain, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 2301409 du 5 juin 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par une demande enregistrée sous le n° 2301407, Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office et d'enjoindre à la préfète de l'Ain, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 2301407 du 5 juin 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 23LY02231 le 29 juin 2023, M. D... A..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier Avocats associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301409 du 5 juin 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du 24 janvier 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- cette décision méconnait les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnait également les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- cette décision est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de destination :

- ces décisions sont illégales à raison de l'illégalité des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2023, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 23LY02232 le 29 juin 2023, Mme B... C... épouse A..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier Avocats associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301407 du 5 juin 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du 24 janvier 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- elle méconnait les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- cette décision est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de destination :

- ces décisions sont illégales à raison de l'illégalité des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2023, la préfète de l'Ain, conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces de ces dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A... et son épouse Mme B... C..., ressortissants algériens respectivement nés les 19 décembre 1954 et 13 juin1955, sont entrés en France le 11 février 2017 sous couvert d'un visa court séjour multi-entrées valable de mars 2015 à mars 2017. Par deux arrêtés du 13 décembre 2017 le préfet de l'Ain leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour assortissant ces décisions d'une obligation de quitter le territoire français. La légalité de ces décisions a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon par des jugements du 11 juillet 2018 puis la cour administrative d'appel de Lyon. Le 29 juillet 2022, ils ont de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour et par deux arrêtés en date du 24 janvier 2023, la préfète de l'Ain leur a opposé un refus, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office. Par les jugements attaqués du 5 juin 2023, dont les intéressés interjettent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées de M. et Mme A... présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité des refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et des éventuelles mesures d'instruction qu'il peut toujours ordonner.

5. Pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, la préfète de l'Ain s'est fondée sur l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration du 10 janvier 2023, selon lequel si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut cependant, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, effectivement y bénéficier d'une prise en charge appropriée. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une pathologie cardiovasculaire qui nécessite un suivi régulier et que son traitement actuel comporte un anti coagulant commercialisé sous le nom de " E...) qui n'est pas disponible en Algérie, les attestations produites à l'appui de ses conclusions ne permettent pas d'établir qu'il ne pourrait se voir utilement prescrire un autre anti coagulant distribué dans ce pays comportant les mêmes molécules ou ayant des effets équivalents. Par ailleurs, aucun des documents médicaux produits n'est de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII ou à établir que M. A... ne pourrait bénéficier d'une prise en charge appropriée à son état de santé en Algérie. Les circonstances selon lesquelles il ne disposerait d'aucun revenu et ne serait pas affilié au régime de sécurité sociale algérien ne permettent pas d'établir qu'il aurait été dans l'impossibilité d'accéder à un traitement médical effectif en Algérie à la date de la décision contestée, eu égard notamment aux mécanismes d'assistance sociale existant dans ce pays. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5 au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. et Mme A..., entrés en France en février 2017, font valoir qu'ils résident, depuis cette date, chez leur fille, de nationalité française qui subvient, avec son époux, à leurs besoins essentiels et qu'ils sont proches de leurs trois petits enfants. Cependant, ils ne justifient pas être dépourvus de toutes attaches personnelles et familiales en Algérie où ils ont vécu jusqu'à l'âge de 66 et 61 ans et où ils ne contestent pas que résident deux de leurs enfants. Dans ces conditions, quand bien même leur fille résidant en France serait en mesure de les héberger ou de subvenir à leurs besoins, ils ne sont pas fondés à soutenir que le centre de leurs intérêts privés et familiaux se situerait en France. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... n'établit pas qu'il ne pourrait faire l'objet d'une prise en charge appropriée à son état de santé en Algérie. En outre, il est constant qu'ils ont fait respectivement l'objet, le 13 décembre 2017, d'une mesure d'éloignement devenue définitive qu'ils n'ont pas exécutée. Dans ces circonstances, et compte tenu des conditions de leur séjour en France, la préfète de l'Ain n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, compte-tenu de ce qui a été dit précédemment, M. et Mme A... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour les concernant au soutien de leurs conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, au regard de ce qui a été exposé au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de la violation des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui font obstacle à ce que fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire un étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays, doit être écarté s'agissant de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. A....

10. En troisième lieu, et en l'absence de tout autre argument, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 7 du présent arrêt.

Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de renvoi :

11. Compte-tenu de ce qui a été précédemment exposé, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de ce que les décisions fixant le délai de départ et le pays de destination seraient dépourvues de base légale à raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme B... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY002231-23LY02232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02231
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23ly02231 ?
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