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28/05/2024 | FRANCE | N°23LY01993

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 28 mai 2024, 23LY01993


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 20 avril 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 2 ans et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours.



Par un jugement n° 230

3272 du 10 mai 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 20 avril 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 2 ans et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2303272 du 10 mai 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2023, M. A... C..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2303272 du 10 mai 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 20 avril 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 2 ans et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, ainsi que de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégal en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; il est entaché d'erreur de droit en ce que le préfet s'est borné à viser des articles sans apprécier sa situation ; il est entaché d'erreur d'appréciation compte tenu de sa situation personnelle ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de délai de départ volontaire ; elle est entachée de défaut d'examen de sa situation en l'absence d'examen des critères posés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est d'une durée excessive au regard de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu d'interdictions de retour sur le territoire français antérieures dont il a fait l'objet ; elle est disproportionnée compte tenu de l'ensemble de sa situation ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée de défaut d'examen de sa situation en l'absence d'examen des critères posés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la fixation du pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'assignation à résidence est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de délai de départ volontaire.

Le préfet de la Loire, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- la directive 2008/115/CE, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur ;

- et les observations de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 14 février 1989, a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 20 avril 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 2 ans et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. Par le jugement attaqué du 10 mai 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement :

2. La magistrate désignée a statué, au point 9 du jugement, sur les moyens tirés du défaut d'examen et de l'erreur de droit en tant que le préfet n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation. Le moyen de régularité du jugement tiré de l'omission à statuer doit dès lors être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est né en Algérie en février 1989 et qu'il est de nationalité algérienne. Il est entré en France pour la première fois le 27 juillet 2013 à l'âge de 24 ans sous couvert d'un visa de court séjour. Il n'établit pas qu'il aurait résidé habituellement en France depuis cette date. Ainsi que le relève le préfet, il a déjà fait l'objet de mesures répétées d'éloignement en date des 25 juillet 2017, 5 septembre 2018, 31 mars 2020 et 9 février 2022. Le tribunal administratif de Lyon, saisi des décisions du 5 septembre 2018 et du 31 mars 2020, a rejeté les demandes de M. C... par jugements des 12 septembre 2018 et 6 novembre 2020. La décision contestée a été édictée après que M. C... ait été placé en garde à vue pour faux et usage de faux. Si le requérant entend se prévaloir de sa situation matrimoniale, d'une part, un premier mariage conclu en mai 2015 avec une ressortissante française a été annulé par le juge judiciaire pour défaut d'intention matrimoniale, M. C... cherchant à obtenir un titre de séjour et ayant versé une somme d'argent à son épouse et, d'autre part, un projet de mariage avec une autre ressortissante française, née le 28 février 1974 et en situation de curatelle renforcée, a fait l'objet d'une opposition du procureur de la République en juin 2018 pour défaut d'intention matrimoniale. Si M. C... se prévaut de cette dernière relation, il n'établit pas, par les seules pièces contenant des indications d'adresses variables et contradictoires qu'il produit, l'existence d'une communauté de vie, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal. M. C... n'établit pas d'insertion inscrite dans la durée sur le territoire français et ne conteste pas disposer d'attaches privées et familiales en Algérie, où il a vécu la plus grande partie de son existence. Eu égard à l'ensemble de ces éléments et à la durée et aux conditions du séjour en France de M. C..., le préfet de la Loire n'a pas, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C....

Sur la légalité de la fixation du délai de départ volontaire :

4. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français que M. C... n'est pas fondé à exciper de son illégalité.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

6. D'une part, ainsi qu'il a été dit, M. C... ne justifie pas de l'exécution des quatre mesures d'éloignement qui ont été indiquées au point 3 du présent arrêt. Le préfet de la Loire, qui a examiné sa situation personnelle avant de se prononcer sur le délai de départ volontaire et a expressément relevé qu'il ne retenait aucune circonstance particulière au sens de l'article L. 612-3, n'a ainsi pas omis d'examiner la situation de M. C..., ni ne s'est cru à tort tenu de lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire sans appréciation de sa situation.

7. D'autre part, eu égard à la situation personnelle de M. C... exposée au point 3 du présent arrêt, le préfet de la Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. C... ne justifie pas de circonstances particulières au sens de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

8. Il résulte de ce qui a été dit sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français que M. C... n'est pas fondé à exciper de son illégalité.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire que M. C... n'est pas fondé à exciper de leur illégalité.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

11. Le préfet de la Loire a exposé les éléments dont il avait connaissance sur l'entrée et le séjour de M. C..., sa situation personnelle, les mesures d'éloignement dont il a fait l'objet et l'infraction pour laquelle il a été interpelé. Ce faisant, le préfet a régulièrement examiné la situation de M. C... au regard des critères posés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a commis aucune erreur de droit.

12. En troisième lieu, en l'absence d'argument particulier et pour les motifs tenant à la situation privée et familiale de M. C... qui ont été exposés au point 3 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. En quatrième lieu, pour les motifs qui ont été exposés tenant à la durée de la présence de M. C... sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France, à la circonstance qu'il a déjà fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement et à son comportement délictueux, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée qu'il a limitée à 2 ans.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dans les cas suivants : 1° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il était obligé de le quitter sans délai ; / 2° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé ; / 3° L'étranger est revenu sur le territoire français après avoir déféré à l'obligation de quitter le territoire français, alors que l'interdiction de retour poursuivait ses effets. / Compte tenu des prolongations éventuellement décidées, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, sauf menace grave pour l'ordre public ".

15. M. C... entend soutenir qu'il a fait l'objet de décisions antérieures portant interdiction de retour sur le territoire français et que leur durée cumulée à celle de l'interdiction en litige excéderait la durée maximale de cinq ans, alors qu'il n'est pas établi que sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public. Toutefois, l'interdiction de retour sur le territoire français édictée par le préfet de la Loire le 20 avril 2023 ne se fonde pas sur les dispositions précitées de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais sur celles de l'article L. 612-6 du même code. Ainsi le préfet n'a pas prolongé une interdiction antérieure, mais édicté une nouvelle interdiction initiale, qui a ainsi nécessairement abrogé les interdictions antérieures auxquelles elle s'est substituée. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-11 est, ainsi, inopérant et doit être écarté.

Sur la légalité de l'assignation à résidence :

16. Il résulte de ce qui a été dit sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire que M. C... n'est pas fondé à exciper de leur illégalité.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01993
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23ly01993 ?
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