La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2024 | FRANCE | N°23LY01153

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 28 mai 2024, 23LY01153


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... ... et M. A... ..., agissant en leur nom propre et au nom de leur fils mineur ..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à leur verser, en réparation des conditions de prise en charge du jeune B... au collège, les sommes respectives de 15 000 euros pour ... et 5 000 euros pour ses parents.



Par un jugement n° 2100737 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.




r> Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 30 mars 2023, ensemble un mémoire complé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... ... et M. A... ..., agissant en leur nom propre et au nom de leur fils mineur ..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à leur verser, en réparation des conditions de prise en charge du jeune B... au collège, les sommes respectives de 15 000 euros pour ... et 5 000 euros pour ses parents.

Par un jugement n° 2100737 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mars 2023, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 6 juillet 2023, Mme D... E... et M. A... C..., agissant en leur nom propre et au nom de leur fils mineur B... E..., représentés par Me Matricon, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100737 du 23 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser, en réparation des conditions de prise en charge du jeune B... au collège, les sommes respectives de 15 000 euros pour ... et 5 000 euros pour ses parents ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'Etat a méconnu l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles, le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 111-1 et L. 112-1 du code de l'éducation en n'exécutant pas la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) du 3 octobre 2019 ni le jugement du 30 janvier 2020 du Pôle social du tribunal judiciaire de Privas, qui sont d'application immédiate ;

- c'est à tort que pour écarter toute faute de l'Etat le tribunal a retenu le manque d'effectifs disponibles ;

- leur enfant a subi un préjudice scolaire et psychologique ;

- ils ont eux-mêmes subi un préjudice moral.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2023, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 11 juillet 2023, la rectrice de l'académie de Grenoble conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- l'exécution de la décision de la CDAPH et du jugement du juge judiciaire n'est pas fautive, compte tenu des contraintes du calendrier scolaire, des effectifs disponibles et des délais incompressibles de mise en place ;

- subsidiairement, dès lors qu'une assistance était octroyée et que seule une majoration est en litige, le préjudice de l'enfant ne peut être important et sa réalité n'est en l'espèce pas établie, sauf le cas échéant pour un montant très sensiblement inférieur à celui demandé ;

- les parents de l'enfant n'établissent pas avoir subi un préjudice, et il ne pourrait subsidiairement qu'être très limité.

Par ordonnance du 28 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juillet 2023 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Firmin substituant Me Matricon, représentant les consorts E....

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 6 juin 2019, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la maison du handicap de l'Ardèche a attribué, sur demande de ses parents, au jeune B... E..., né le 13 novembre 2008, l'assistance d'une auxiliaire de vie scolaire mutualisée pour l'année scolaire 2019-2020 en 6ème ordinaire, en sus des aménagements pédagogiques mis en place. Par décision du 3 octobre 2019, sur recours gracieux, la CDAPH a admis de porter cette assistance à hauteur de l'intervention d'une auxiliaire de vie scolaire individuelle pour un quantum hebdomadaire de 12h, en fonction des effectifs disponibles. Enfin, saisi par les parents de l'enfant, le pôle social du tribunal judiciaire de Privas, par un jugement du 30 janvier 2020, a porté le quantum d'intervention d'une auxiliaire de vie scolaire individuelle à hauteur de 16 heures par semaine à compter de la date de son jugement. M. et Mme C..., agissant en leur nom propre et en celui de leur enfant, ont recherché la responsabilité de l'Etat pour retard dans l'exécution de la décision de la CDAPH du 3 octobre 2019 et du jugement du tribunal judiciaire de Privas du 30 janvier 2020. Par le jugement attaqué du 23 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles : " I.- La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées est compétente pour : / 1° Se prononcer sur l'orientation de la personne handicapée et les mesures propres à assurer son insertion scolaire ou professionnelle et sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 241-9 du même code : " Les décisions relevant du 1° du I de l'article L. 241-6 prises à l'égard d'un enfant ou un adolescent handicapé, ainsi que celles relevant des 2°, 3° et 5° du I du même article peuvent faire l'objet de recours devant les tribunaux judiciaires spécialement désignés en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 351-3 du code de l'éducation : " Lorsque la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles constate que la scolarisation d'un enfant dans une classe de l'enseignement public ou d'un établissement mentionné à l'article L. 442-1 du présent code requiert une aide individuelle dont elle détermine la quotité horaire, cette aide peut notamment être apportée par un accompagnant des élèves en situation de handicap recruté conformément aux modalités définies à l'article L. 917-1 (...) ". Aux termes de l'article D. 351-16-1 du même code : " L'aide individuelle et l'aide mutualisée mentionnées à l'article L. 351-3 constituent deux modalités de l'aide humaine susceptible d'être accordée aux élèves handicapés. Un même élève ne peut se voir attribuer simultanément une aide mutualisée et une aide individuelle. Ces aides sont attribuées par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles et intégrées dans le plan personnalisé de compensation du handicap mentionné à l'article L. 146-8 du même code. La commission se prononce sur la base d'une évaluation de la situation scolaire de l'élève handicapé, en prenant en compte notamment son environnement scolaire, la durée du temps de scolarisation, la nature des activités à accomplir par l'accompagnant, la nécessité que l'accompagnement soit effectué par une même personne identifiée, les besoins de modulation et d'adaptation de l'aide et sa durée ". Aux termes de l'article D. 351-16-4 du même code : " L'aide individuelle a pour objet de répondre aux besoins d'élèves qui requièrent une attention soutenue et continue, sans que la personne qui apporte l'aide puisse concomitamment apporter son aide à un autre élève handicapé. Elle est accordée lorsque l'aide mutualisée ne permet pas de répondre aux besoins d'accompagnement de l'élève handicapé (...) ". Aux termes de l'article D. 351-7 du même code : " 1° La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées se prononce sur l'orientation propre à assurer la scolarisation de l'élève handicapé, au vu du projet personnalisé de scolarisation élaboré par l'équipe pluridisciplinaire et des observations formulées par l'élève majeur ou, s'il est mineur, ses parents ou son représentant légal (...) / 2° Elle se prononce sur l'attribution d'une aide humaine conformément aux dispositions de l'article L. 351-3 (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 917-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Des accompagnants des élèves en situation de handicap peuvent être recrutés pour exercer des fonctions d'aide à l'inclusion scolaire de ces élèves, y compris en dehors du temps scolaire. Ils sont recrutés par l'Etat, par les établissements d'enseignement mentionnés au chapitre II du titre Ier et au titre II du livre IV de la deuxième partie ou par les établissements mentionnés à l'article L. 442-1 (...) / Ils peuvent exercer leurs fonctions dans l'établissement qui les a recrutés, dans un ou plusieurs autres établissements ainsi que, compte tenu des besoins appréciés par l'autorité administrative, dans une ou plusieurs écoles (...) / Les accompagnants des élèves en situation de handicap bénéficient d'une formation spécifique pour l'accomplissement de leurs fonctions, mise en œuvre en collaboration avec les associations d'aide aux familles d'enfants en situation de handicap (...) / Ils sont recrutés par contrat d'une durée de trois ans, renouvelable une fois. Lorsque l'Etat conclut un nouveau contrat avec une personne ayant exercé pendant six ans en qualité d'accompagnant des élèves en situation de handicap en vue de poursuivre ces missions le contrat est à durée indéterminée (...) ".

4. En premier lieu, si la décision de la CDAPH du 4 octobre 2019, prise sur recours gracieux, donne un accord pour que l'assistance attribuée au jeune B... E... ne soit plus réalisée par l'auxiliaire de vie scolaire mutualisée déjà affectée dans l'établissement mais par une auxiliaire de vie scolaire individuelle pour un quantum hebdomadaire de 12h, la commission ne le fait que sous la réserve expresse que " Cette décision est transmise à l'autorité académique chargée de lui donner suite en fonction des effectifs d'AVS disponibles ". Ainsi, alors que les services rectoraux font valoir l'absence à cette période de vivier disponible, faute de personnes recrutées par contrat mais restées sans affectation en cours d'année, l'Etat ne peut être regardé comme ayant commis une faute dans l'exécution de cette décision, qui réservait la condition préalable de la présence d'effectifs disponibles.

5. En second lieu, il appartient à l'administration de l'éducation, à laquelle le juge judiciaire, dans l'exercice de son office de contrôle des décisions de la CDAPH, assigne les mesures d'assistance que requiert l'état d'un enfant bénéficiant déjà d'une scolarisation effective, d'assurer l'exécution de ce jugement dans un délai raisonnable, compte tenu des diligences qu'implique la mise en place de cette assistance et qui doivent être engagées sans délai.

6. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le jugement du 30 janvier 2020 a été rendu dans un litige opposant M. et Mme C... à la maison départementale des personnes handicapées de l'Ardèche, sans que l'Etat ait été partie. Les services du rectorat ont été informés de ce jugement par courrier recommandé des parents de l'enfant, reçu le 5 février 2020. Il est par ailleurs constant que l'assistance individuelle prévue par ce jugement a été mise en place dès le 9 mars 2020, ce qui constitue en l'espèce un délai raisonnable compte tenu des contraintes de recrutement d'une personne qualifiée, la période intermédiaire ayant en outre correspondu pour partie à des vacances scolaires et l'assistance mutualisée ayant en outre perduré à titre transitoire pour la durée limitée de scolarité effective en cause. L'Etat ne peut dès lors être regardé comme ayant commis une faute dans l'exécution de ce jugement.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande indemnitaire. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et Mme D... E... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01153
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Enseignement et recherche - Questions générales - Questions générales concernant les élèves.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de l'enseignement.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : MATRICON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23ly01153 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award