Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 24 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de renvoi et lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2208808 du 1er décembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Dachary, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2022 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 par lequel le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné un pays de renvoi et lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il ne constitue pas une menace réelle et actuelle pour un intérêt fondamental de la société ; il justifie d'un droit au séjour sur le territoire français en application du 1° et du 2° de l'article L. 233-1 de ce même code ; cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de circulation sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas présenté d'observations.
Par une décision du 8 février 2023, M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 17 juin 1975 à Tinca (Roumanie) et de nationalité roumaine, déclare être entré sur le territoire français quinze années avant son interpellation, en novembre 2022. Il relève appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné un pays de renvoi et lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes :/(...) : /2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; / (...) ".
3. L'obligation de quitter le territoire français relève que M. B... a été interpellé et placé en garde à vue le 22 novembre 2022 pour des faits de violences conjugales, en flagrant délit, et qu'il est par ailleurs déjà défavorablement connu des services de police pour des faits d'atteintes sexuelles, harcèlement sexuel, agressions contre des mineures, conduites sous l'empire d'un état alcoolique supérieur à 80 centigrammes ou encore non justification de son adresse par une personne enregistrée dans le fichier des auteurs d'infractions sexuelles. La fiche pénale de l'intéressé, produite en 1ère instance, comprend plus particulièrement un 5ème volet qui précise que M. B... a été condamné par un jugement du 9 août 2010 du tribunal de grande instance d'Avignon à une peine d'emprisonnement d'un mois pour exhibition sexuelle, puis par un jugement du 30 août 2011 du tribunal de grande instance de Lyon à une peine de trois ans d'emprisonnement pour agression sexuelle. Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), également produit en première instance, reprend les infractions relevées par le préfet, que l'intéressé ne conteste pas, pas plus d'ailleurs que les derniers faits de violences conjugales. Compte tenu de la gravité des faits pour lesquels M. B... a été condamné et pour lesquels il est connu défavorablement des services de police et de leur caractère répété, et à supposer même que M. B... remplirait les conditions de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui ouvrant un droit au séjour, le préfet du Rhône n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 2° de l'article L. 251-1 de ce code en considérant que le comportement personnel de l'intéressé constituait, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société.
4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Si M. B... soutient qu'il réside en France depuis quinze ans et y dispose d'un travail et d'un logement, il ne démontre ni la continuité de son séjour ni d'ailleurs remplir les conditions lui ouvrant un droit au séjour au titre des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, l'intéressé ne justifie pas de la présence de membres de sa famille sur le territoire français. Il suit de là et alors, ainsi qu'il a été dit, qu'il est défavorablement connu des services de la justice et de la police, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni en l'absence d'autre élément, qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur le refus de délai de départ volontaire :
6. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit, M. B... n'établit pas l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qu'il conteste. Dès lors, le moyen soulevé à l'encontre de la décision de refus de délai de départ volontaire et tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, doit être écarté.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre disposent, pour satisfaire à l'obligation qui leur a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de départ volontaire d'un mois à compter de la notification de la décision. / L'autorité administrative ne peut réduire le délai prévu au premier alinéa qu'en cas d'urgence (...) ".
8. En admettant même que l'absence de droit au séjour de M. B... ne suffirait pas en elle-même à caractériser l'urgence à l'éloigner du territoire français, il résulte de ce qui a été exposé au point 3 du présent arrêt, s'agissant notamment de la nature des délits qu'il a commis et de la réitération des infractions commises, que le comportement personnel de l'intéressé représente, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, qui justifie l'urgence à l'éloigner. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur d'appréciation ne peut être accueilli.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
9. Ainsi qu'il a été dit, M. B... n'établit pas l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qu'il conteste. Par suite, le moyen, soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, et tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
Sur l'interdiction de circulation d'une durée d'un an :
10. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit, M. B... n'établit pas l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire qu'il conteste. Par suite, le moyen soulevé à l'encontre de l'interdiction de circulation sur le territoire français et tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, doit être écarté.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. ".
12. Compte tenu des circonstances qui ont été analysées au point 3 du présent arrêt, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à une année la durée de l'interdiction de circulation sur le territoire français prononcée à l'encontre du requérant.
13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.
La rapporteure,
C. BurnichonLa présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY00929 2
N°23LY01013 7