Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler le titre de perception d'un montant de 5 769,10 euros émis à son encontre, relatif à un trop-versé de rémunération, ainsi que la décision du 23 novembre 2020 de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2100330 du 6 juillet 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 31 août 2023, M. B..., représenté par Me Bouvier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de rejet de son recours gracieux du 23 novembre 2020 ensemble le titre de perception d'un montant de 5 769,10 euros émis à son encontre ;
3) de le décharger subséquemment de l'obligation de payer la somme de 5 769,10 euros ; subsidiairement, de le décharger partiellement de la somme mise à sa charge en la ramenant à 1 962,93 euros en considération de la prescription affectant les sommes perçues jusqu'au 1er novembre 2017 et du préjudice important qu'il a subi ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- les sommes indument versées sont prescrites ;
- l'article 5 bis du décret n° 59-1193 du 13 octobre 1959 fixant le régime de l'indemnité pour charges militaires trouve à s'appliquer ; il a fait l'objet d'une nouvelle affectation ;
- les décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; il a agi de bonne foi ; l'administration a fait un usage de faux ;
- il a des signes de mal-être et de stress et sa situation financière est très compliquée et il a subi des préjudices.
Par un mémoire enregistré le 23 octobre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 59-1193 du 13 octobre 1959 ;
- le décret n° 2007-640 du 30 avril 2007 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 6 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation du titre de perception d'un montant de 5 769,10 euros dont il a fait l'objet, relatif à trop-versé de rémunération correspondant à une majoration de l'indemnité pour charges militaires (MICM), et du rejet de son recours gracieux du 23 novembre 2020.
2. Aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 dans sa rédaction applicable au litige : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. ". Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée.
3. Si le trop-perçu de MICM porte sur la période du 20 août 2016 au 31 août 2019, il apparaît que la première mise en paiement de cette majoration est intervenue sur le bulletin de solde de novembre 2017, ce dernier incluant un rappel pour la période du 20 août 2016 au 31 octobre 2017. Le délai de prescription de deux ans débutait donc le 1er décembre 2017 et s'achevait le 30 novembre 2019. Ainsi, le courrier du 23 octobre 2019 par lequel le directeur du centre expert des ressources humaines de l'armée de l'air a informé M. B... qu'il avait perçu à tort une somme de 5 769,10 euros au titre de la MICM et qu'un titre de perception allait être émis à son encontre par le directeur départemental des finances publiques de la Moselle, a interrompu cette prescription avant son acquisition. Ainsi, et contrairement à ce que soutient l'intéressé, aucune prescription biennale ne saurait être opposée.
4. Aux termes de l'article 1er du décret du 13 octobre 1959 fixant le régime de l'indemnité pour charges militaires : " L'indemnité représentative de frais dite indemnité pour charges militaires est attribuée aux officiers et militaires non-officiers à solde mensuelle, ainsi qu'aux volontaires dans les armées, pour tenir compte des diverses sujétions spécifiquement militaires, et notamment de la fréquence des mutations d'office (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 3 du même décret : " Sous réserve du quatrième alinéa du présent article, les militaires mariés ou ayant un ou deux enfants à charge ou vivant avec leur mère veuve, sous condition qu'elle réside habituellement sous leur toit et ne soit pas assujettie à l'impôt sur le revenu, peuvent bénéficier en plus du taux de base d'un taux particulier correspondant à cette situation de famille ". Aux termes de l'article 5 bis de ce décret : " Les militaires percevant un ou deux taux particuliers de l'indemnité pour charges militaires peuvent bénéficier, sur leur demande, à l'occasion de chacune des affectations prononcées d'office pour les besoins du service à l'intérieur de la métropole et entraînant changement de résidence au sens du décret n° 2007-640 du 30 avril 2007 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les changements de résidence des militaires sur le territoire métropolitain de la France, d'une majoration de l'indemnité pour charges militaires (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 30 avril 2007 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les changements de résidence des militaires : " (...) Constitue un changement de résidence, au sens du présent décret, le déménagement que le militaire se trouve dans l'obligation d'effectuer lorsqu'il reçoit une affectation dans une garnison différente de celle dans laquelle il était affecté antérieurement. Est assimilé au changement de résidence le déménagement qui est effectué, sur ordre du commandement, soit pour occuper, soit pour libérer un logement concédé par nécessité absolue de service ou au titre d'une convention d'occupation précaire avec astreinte. / Est considéré comme garnison pour l'application des dispositions du présent décret le territoire de la ou des communes d'implantation de l'unité ou du détachement où le militaire effectue normalement son service ou, à l'étranger, la circonscription administrative assimilable (...) ". Il résulte de ces dispositions que la perception d'une majoration de l'indemnité pour charges militaires est notamment subordonnée à un changement de résidence au sens du décret n° 2007-640 du 30 avril 2007.
5. Il résulte de l'instruction que le titre de perception en litige est fondé sur la circonstance que M. B... n'a pas changé de résidence administrative. M. B..., titulaire du grade de sergent dans l'armée de l'air, était affecté à la base aérienne (BA) 125 d'Istres au sein de l'escadron de défense sol-air en tant que militaire technicien de l'air. Ayant accédé, le 1er janvier 2016, au corps des sous-officiers sous contrat du personnel non-naviguant par voie de sélection, M. B... a alors suivi une formation à la BA 721 de Rochefort. Puis après cette formation de quelques mois, il est retourné à la BA 125 d'Istres à compter du 16 juin 2016. La résidence de l'intéressé étant demeurée à Istres, le suivi de cette formation pour six mois et demi à Rochefort, malgré un changement de poste et de service au sein de la base d'Istres à la suite de cette formation, ne constitue pas une affectation ayant entraîné un changement de résidence au sens des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 30 avril 2007, en particulier un changement de garnison pour effectuer normalement son service. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que, à la suite de cette formation, l'intéressé aurait changé de résidence ne peut qu'être écarté.
6. M. B... invoque une erreur manifeste d'appréciation qui tiendrait à ce qu'il est de bonne foi, que le trop-perçu qui lui est réclamé résulterait d'erreurs de l'administration et d'une falsification de son ordre de mutation, à sa situation financière délicate depuis plusieurs années et au préjudice qu'il subit ainsi.
7. Lorsque la perception par un agent d'un avantage indu est principalement imputable à une carence de l'administration, le juge peut prononcer la réduction du montant du titre de perception à titre de compensation. Le juge a la faculté, même en l'absence de conclusions indemnitaires, de réduire le montant d'un titre de perception pour tenir compte d'une erreur ou d'une carence de l'administration. Il y a lieu de procéder directement à cette compensation sans être saisi de conclusions tendant à la réduction du montant du titre de perception sous réserve d'une argumentation de l'agent concerné sur une faute de l'administration à l'origine directement des versements indus et de la réalité d'une telle faute ou carence de l'administration.
8. Il résulte d'un courrier du directeur du CERHAA du 1er août 2019 que deux ordres de mutation ont été établis concernant l'intéressé dont l'un mentionnait " service SCR sans COMICM " et l'autre a été grossièrement modifié au correcteur et que la " simple corroboration des informations entre l'ordre de mutation (service SCR - sans changement de résidence- sans COMICM -sans complément pour charge militaire) et les documents produits auraient évité la transmission de ce dossier qui va entraîner un TVS (trop versé de solde) à l'encontre du sergent B... en raison notamment de la non-conformité du dossier et de ce qui s'apparente à une falsification de documents ". Toutefois, l'ordre de mutation de Rochefort à Istres du 8 juillet 2016, notifié le 21 juillet 2016 à l'intéressé, comportait la mention " service SCR sans COMICM ". Il en va de même de celui comportant la même date, notifié le 27 juin 2017 à l'intéressé. Ce dernier ne pouvait ignorer, dans ce contexte, qu'il n'avait pas droit à la majoration de l'indemnité pour charges militaires ni, d'ailleurs, que son affectation provisoire à Rochefort pour effectuer une formation n'entraînerait pas un changement de résidence. En outre la durée pendant laquelle l'intéressé a perçu cette majoration avant que l'administration ne l'informe, par courrier du 23 octobre 2019, du caractère indu de son versement, est de moins de deux ans. Dans ces conditions il n'y a pas lieu de procéder à une réduction de moitié du montant du titre de perception contesté.
9. S'il soutient que, compte tenu de la durée d'attribution " à tort " de la MICM, il se retrouve ainsi dans une situation financière très délicate et également que sa santé mentale est affectée, ces circonstances pour regrettables qu'elles soient, sont sans incidence sur la légalité de l'acte en litige.
10. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de que la créance n'étant ni certaine, ni exigible, le titre de perception sera annulé du fait de l'illégalité des décisions prises pour son émission ne pourra qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes. Sa requête doit être rejetée dans toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY02790 2
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