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23/05/2024 | FRANCE | N°22LY02776

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 23 mai 2024, 22LY02776


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1906612 du 28 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel le foyer fiscal de M. C... a été assujetti au titre de l

'année 2010, à concurrence d'une réduction en base de 40 706 euros et a rejeté le surplus de sa demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1906612 du 28 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel le foyer fiscal de M. C... a été assujetti au titre de l'année 2010, à concurrence d'une réduction en base de 40 706 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 septembre 2022 et le 11 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Talon-Chapelle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions auxquelles il demeure assujetti et des pénalités correspondantes, ou, à défaut, la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu afférente à l'année 2011 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- il n'est pas résident fiscal français au titre des années 2010 et 2011, en tant que membre d'un couple mixte, selon la documentation administrative référencée BOI-IR-CHAMP-10 § 80 et 90, mais résident fiscal au Venezuela, où sont imposables ses revenus d'activité ;

- l'article 155 A du code général des impôts n'est pas applicable à sa situation dès lors qu'il est domicilié au Venezuela selon la convention fiscale applicable, pays dans lequel il dispose d'un établissement fixe ;

- la qualification d'activité occulte ne peut être retenue pour justifier de l'application d'une pénalité de 80 %, dès lors qu'il démontre avoir commis une erreur au regard de ses obligations déclaratives ;

- il a subi, à tort, une double taxation de ses salaires au titre de l'année 2011.

Par un mémoire, enregistré le 7 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Venezuela en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu (ensemble un protocole), signée à Caracas, le 7 mai 1992 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ingénieur de formation, qui exerce au Venezuela la profession de géologue et de consultant en géophysique, et son épouse, ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2010 et 2011 à l'issue duquel l'administration, a, notamment, réintégré dans les revenus imposables en France de leur foyer fiscal, selon la procédure d'évaluation d'office prévue au 2. de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, les rémunérations perçues par M. C... dans le cadre de cette activité de consultant, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts. M. et Mme C... ont, en conséquence, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011, assorties, s'agissant des revenus concernés, de la majoration de 80 % pour activité occulte prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts. Par une décision du 8 août 2019, l'administration a, en réponse à la réclamation préalable de M. C..., réduit le montant du bénéfice imposable de l'intéressé au titre de ces deux années et prononcé un dégrèvement, en droits et majorations, de 41 664 euros. Par un jugement du 28 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. et Mme C... du supplément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 à concurrence d'une réduction en base de 40 706 euros et a rejeté le surplus de la demande de M. C... tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 et des majorations correspondantes. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement fait droit à sa demande.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le principe de l'imposition en France :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 155 A du code général des impôts, d'une part : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / (...) - Soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; - Soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services (...) ". Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts, d'autre part : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; (...) ". Pour l'application de ces dernières dispositions, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.

4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme C..., qui résident désormais à Sevrier (Haute-Savoie), ont, dans leurs déclarations de revenus des années 2010 et 2011, déclaré être domiciliés successivement à Toul (Meuthe-et-Moselle) et à Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie), dans une maison occupée à titre de résidence principale. Ces déclarations ont été accompagnées de déclarations n° 2047 de revenus encaissés à l'étranger par un contribuable domicilié en France mentionnant les salaires de M. C... au Venezuela. Il est, par ailleurs, constant que Mme C... résidait habituellement à ces adresses, où son époux la rejoignait pendant ses périodes de congés, même si elle travaillait en Suisse. Dans ses conditions, alors même qu'il séjournait régulièrement au Venezuela pour les besoins de son activité professionnelle, M. C... doit être regardé comme disposant, en France, de son foyer au sens et pour l'application des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts.

5. M. C... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes 80 et 90 de la documentation administrative référencée BOI-IR-CHAMP-10, dont la publication est postérieure aux années d'imposition en litige.

6. Pour l'application du I de l'article 155 A du code général des impôts, l'administration fiscale apporte la preuve que des sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France, en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières par la production d'éléments attestant de ce que ces personnes ont réalisé les prestations de services en cause et de ce qu'elles contrôlent la personne qui perçoit la rémunération de ces services. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe, ensuite, au contribuable d'apporter des éléments permettant d'établir que la facturation de ces prestations par la société établie hors de France aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre et de regarder le service ainsi rendu comme l'ayant été pour son compte.

7. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 5 décembre 2013, que l'administration fiscale a constaté, au vu des documents obtenus dans le cadre de l'examen de la situation fiscale personnelle de M. et Mme C..., de l'assistance internationale et de l'exercice du droit de communication, la constitution des sociétés Humbolt Services Ltd, Humbolt Resources Ltd et Humbolt Brothers and Company Ltd, établies aux Iles vierges britanniques pour les deux premières et à Hong Kong pour la troisième, par l'intermédiaire desquelles M. C... a, successivement, exercé son activité professionnelle, au moyen de contrats de portage salarial, ces sociétés lui reversant, sur un compte ouvert en Lettonie, les sommes qu'elles encaissaient sur leurs comptes bancaires ouverts dans ce même pays et correspondant aux honoraires versés par la société de droit français Spie Oil Gas and Services, pour le compte de laquelle M. C... réalisait des prestations de consultant géologue auprès de la compagnie nationale des pétroles du Venezuela. L'administration a mis en évidence, ce que M. C... ne conteste plus en appel, que l'intéressé, qui réalisait matériellement les prestations de consultant, établissait les notes d'honoraires, qui présentent des numéros consécutifs et sont revêtues de son nom et de sa signature, émises par ces sociétés à l'intention de la société Spie Oil Gas and Services, dont il était le seul interlocuteur, et dont les montants correspondent à ceux versés en dernier lieu sur son compte bancaire ouvert en Lettonie, contrôlait indirectement ces sociétés, détenues par la société Laurence Pountney Ltd, elle-même établie aux Iles vierges britanniques. Par suite, et alors que le lieu d'exécution des prestations est sans incidence sur la mise en œuvre des dispositions du I de l'article 155 A du code général des impôts, qui ne s'attachent qu'à la domiciliation du prestataire, M. C... n'est pas fondé à soutenir que sa situation ne relève pas de ces dispositions.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Venezuela du 7 mai 1992 : " 1. La présente Convention s'applique aux impôts sur le revenu perçus pour le compte d'un Etat contractant ou de ses collectivités locales, quel que soit le système de perception. / 2. Sont considérés comme impôts sur le revenu les impôts perçus sur le revenu total, ou sur des éléments du revenu, y compris les impôts sur les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers ou immobiliers, les impôts sur le montant global des salaires payés par les entreprises, ainsi que les impôts sur les plus-values. / 3. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont notamment : / (...) / b) En ce qui concerne le Venezuela : l'impôt sur le revenu, (ci-après dénommé " impôt vénézuélien "). Aux termes de l'article 4 de cette convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat. / 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : / a) Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; (...) ".

9. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. C... est assujetti à l'impôt en France. Il résulte cependant de l'instruction qu'il a été assujetti à l'impôt sur le revenu au Venezuela, à raison d'une partie au moins des revenus perçus au titre de l'activité de consultant qu'il exerçait dans ce pays. Il doit ainsi être regardé comme résident des deux Etats au sens du 1. de l'article 4 de la convention fiscale franco-vénézuélienne. Il convient, dès lors, de déterminer sa résidence fiscale en faisant application des critères mentionnés au a) du 2. du même article.

10. Il est constant que M. C... dispose d'un logement au Venezuela, qu'il occupe lorsqu'il exerce son activité de consultant au sein de la compagnie nationale des pétroles du Venezuela et d'une résidence en France, qu'il rejoint pendant ses périodes de congés. Ainsi, il doit être regardé comme disposant, dans chacun des deux Etats, d'un foyer d'habitation permanent au sens de la convention. Si M. C... indique avoir résidé au Venezuela 273 jours en 2010 et 271 jours en 2011, il est constant que son épouse réside en France, pays dans lequel le couple possède un patrimoine immobilier, notamment par l'intermédiaire d'une SCI dont ils sont associés et dans lequel il séjourne en dehors de ses périodes de travail. Il résulte également de l'instruction que c'est depuis la France, où il est membre de l'association des consultants pétroliers, qu'il exerce une activité de consultant géologue indépendant, l'amenant à être affecté pour des missions, de durées plus ou moins longues, à l'étranger et que les revenus qu'il a perçus, au cours des années 2010 et 2011 en litige, pour sa prestation réalisée au Venezuela, sont de source française, dès lors qu'ils lui ont été versés, par l'intermédiaire des sociétés qu'il contrôlait indirectement établies aux Iles vierges britanniques et à Hong Kong, par la société de droit français Spie Oil and Gas Services. Il en résulte que c'est avec la France que les liens tant personnels qu'économiques de M. C... sont les plus étroits. Par suite, l'intéressé doit être regardé comme résident fiscal français au sens des stipulations précitées de la convention fiscale franco-vénézuélienne.

11. Aux termes de l'article 14 de la convention fiscale franco-vénézuélienne : " 1. Les revenus qu'un résident d'un Etat contractant tire d'une profession libérale ou d'autres activités de caractère indépendant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que ce résident ne dispose de façon habituelle dans l'autre Etat contractant d'une base fixe pour l'exercice de ses activités. S'il dispose d'une telle base fixe, les revenus sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cette base fixe. / 2. L'expression " profession libérale " comprend notamment les activités indépendantes d'ordre scientifique, littéraire, artistique, éducatif ou pédagogique, ainsi que les activités indépendantes des médecins, avocats, ingénieurs, architectures, dentistes et comptables. ".

12. M. C... soutient qu'il dispose d'une base fixe pour l'exercice de son activité de consultant située dans les locaux de la compagnie nationale des pétroles du Venezuela. Il résulte de l'instruction que les fonctions de M. C... consistent, ainsi qu'il l'explique, à interpréter, au sein d'une équipe pluridisciplinaire, des données sismiques et des données de forage correspondant à des échographies du sous-sol des gisements pétrolifères dans l'optique de leur exploitation, au moyen d'un système informatique spécifique dédié, propriété de cette compagnie. Toutefois, les prestations intellectuelles fournies par M. C..., consultant géologue indépendant, ne sont déterminées ni par les outils techniques ni par les données qui sont mises à sa disposition pour les exercer, et qui sont propres à la mission qu'il exerçait au Venezuela. M. C..., qui est membre, en France, de l'association des consultants pétroliers n'établit pas, ni même n'allègue, que la recherche de clients, la conclusion de contrats, les relations publiques et la tenue d'une comptabilité afférentes à cette activité étaient exercées depuis le Venezuela. Dans ces conditions, nonobstant la durée de la mission, par essence temporaire, qui lui a été confiée dans ce pays et liée à l'accomplissement d'une prestation spécifique pour le compte de son client, M. C... ne saurait être regardé comme disposant, au Venezuela, d'une base fixe d'affaires au sens de l'article 14 de la convention franco-vénézuélienne. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que les stipulations de cet article font obstacle à son imposition, en France, sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts, et dans la catégorie des bénéfices non commerciaux qu'il ne conteste pas, à raison de l'intégralité des sommes perçues de la société Spie Oil and Gas Services, par le truchement des sociétés Humbolt Services Ltd, Humbolt Resources Ltd et Humbolt Brothers and Company Ltd.

En ce qui concerne l'existence d'une double imposition au titre de l'année 2011 :

13. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010, a déclaré l'article 155 A du code général des impôts conforme à la constitution, sous réserve que son application ne conduise pas à ce que le contribuable, à qui la personne domiciliée ou établie à l'étranger reverse, en France, tout ou partie des sommes rémunérant les prestations qu'il a réalisées, " soit assujetti à une double imposition au titre d'un même impôt ". Cette réserve d'interprétation ne peut, en tout état de cause, concerner que les impositions françaises.

14. La circonstance que les rémunérations versées à M. C... au titre de son activité de consultant exercée au Venezuela ont été imposées dans ce pays est, dès lors, sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige.

15. Les premiers juges, après avoir relevé que M. C... avait demandé qu'une somme de 40 706 euros, correspondant à une fraction du montant total des rémunérations perçues par lui en 2010 au titre de sa mission réalisée au Venezuela, ont considéré que l'imposition de la même somme, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts avait entraîné, pour l'intéressé, une double imposition et prononcé, en conséquence, la décharge partielle correspondante au titre de l'année 2010.

16. Il résulte de l'instruction que, pour l'année 2011, M. C... n'a pas été imposé à raison des rémunérations liées à son activité au Venezuela, les revenus salariaux de source étrangère déclarés par l'intéressé au titre de cette année ayant bénéficié de la déduction de 10 % prévue au 3° de l'article 83 du code général des impôts et donné lieu à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il a subi une double imposition au titre de l'année 2011.

Sur les majorations :

17. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et (...) n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi de laquelle elles sont issues, que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle, si le contribuable n'est pas, lui-même, en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

18. Il résulte de l'instruction que l'administration a considéré que M. C... devait être regardé comme ayant exercé, à titre individuel, une activité de consultant, imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. L'intéressé n'ayant souscrit aucune déclaration fiscale à ce titre ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe d'un tribunal de commerce, elle a caractérisé l'exercice d'une activité occulte et a appliqué, en conséquence, la majoration de 80 % prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts.

19. Si M C... invoque les incertitudes liées à la complexité de la réglementation applicable à sa situation, il résulte de l'instruction, d'une part, qu'il se déclarait lui-même comme résident fiscal français et, d'autre part, qu'il ne pouvait ignorer, étant lui-même à l'origine du montage ayant consisté à exercer son activité et percevoir sa rémunération par l'intermédiaire de sociétés interposées, établies à Hong Kong et aux Iles vierges britanniques, que ces sociétés n'avaient aucune consistance et qu'il exerçait directement son activité de consultant, à titre individuel, et non en tant que salarié. Si M. C... indique avoir fait appel à un cabinet d'expertise-comptable vénézuélien, il n'explique pas les raisons pour lesquelles il a fait le choix de déclarer ses revenus pour partie au Venezuela et pour partie en France. Dans ces conditions, et alors que l'imposition mise à sa charge au Venezuela, au titre des deux années en litige, est sans commune mesure avec celle résultant de son imposition en France, M. C... n'établit pas qu'il aurait commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 80 % prévues par les dispositions précitées.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, président de la formation de jugement,

M. Porée, premier conseiller,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2024.

Le rapporteur,

J.-S. Laval

La présidente,

A. Courbon

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02776
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. - Généralités. - Textes fiscaux. - Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : FIDAL SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;22ly02776 ?
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