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23/05/2024 | FRANCE | N°22LY02711

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 23 mai 2024, 22LY02711


Vu la procédure suivante :





Procédure devant la cour



Par une requête et des mémoires enregistrés le 6 septembre 2022 ainsi que les 3 et 26 avril et 17 mai 2023, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de France (SPPEF), Mme E... I... et M. H... B..., M. C... A... et M. et Mme D... A..., représentés par Me Monamy, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 5 mai 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a

accordé à la société parc éolien de la Fougère l'autorisation d'exploiter un parc éolien composé de s...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 6 septembre 2022 ainsi que les 3 et 26 avril et 17 mai 2023, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de France (SPPEF), Mme E... I... et M. H... B..., M. C... A... et M. et Mme D... A..., représentés par Me Monamy, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 5 mai 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a accordé à la société parc éolien de la Fougère l'autorisation d'exploiter un parc éolien composé de six aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Maurice-sur-Vingeanne ;

2°) de mettre à la charge de l'État et de la société parc éolien de la Fougère la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir ;

- en méconnaissance de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, alors applicable, dans le dossier soumis à enquête publique, il n'est pas justifié des capacités financières, tant pour la part du projet financée en fonds propres que pour la part relevant de financements bancaires, ce qui a nui à l'information du public et eu une influence sur le sens de la décision prise ;

- le signataire de l'avis du ministre de la défense du 9 février 2017 ne justifie pas d'une délégation de signature régulière ;

- en méconnaissance de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude écologique contenue dans l'étude d'impact est insuffisante sur l'état des lieux en ce qui concerne les chiroptères et a sous-évalué l'impact du projet sur la faune, notamment le milan royal ;

- le rapport de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de mars 2022 comporte de nombreuses insuffisances ;

- le rapport du commissaire enquêteur ne fait pas apparaître que l'avis du ministre de la défense aurait été joint au dossier d'enquête publique en méconnaissance de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, ce qui a privé le public d'une garantie ;

- il ne ressort pas des délibérations de quatre conseils municipaux appelés à donner leur avis sur le projet en application de l'article L. 512-2 du code de l'environnement que les conseillers municipaux auraient été destinataires d'une note de synthèse explicative en méconnaissance de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- une demande de dérogation pour la destruction d'espèces protégées aurait dû être présentée en application de l'article L. 411-2 du code de l'environnement compte tenu du risque caractérisé de destruction du faucon crécerelle, des busards Saint-Martin et cendré, de la cigogne noire, des pics noir, mar et cendré, du milan royal et de différentes espèces de chiroptères ainsi qu'en raison de la destruction d'habitat de ces mêmes espèces ;

- le plan de bridage tel qu'arrêté par la décision en litige ne permet pas d'assurer la préservation de la noctule commune ainsi que les autres espèces de faune, pour lesquelles l'étude d'impact a sous-estimé les risques du projet, si bien qu'elle méconnaît les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement.

Par des mémoires enregistrés les 31 mars et 28 avril 2023 et le 16 février 2024, la société parc éolien de la Fougère, représentée par Me Gelas, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, d'assortir l'autorisation qui lui a été délivrée de nouvelles prescriptions ou à défaut d'enjoindre au préfet d'assortir l'autorisation de telles prescriptions ;

3°) de mettre à la charge de chacun des requérants une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, à défaut pour les requérants de justifier d'un intérêt suffisant pour contester l'arrêté litigieux ;

- le moyen tiré de l'insuffisance du dossier sur ses capacités financières est inopérant dès lors qu'il convient d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation ; subsidiairement il est mal fondé ; encore plus subsidiairement un tel vice ne serait pas de nature à avoir eu d'incidence sur la complète information du public ou d'incidence sur le sens de la décision ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- les moyens tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact, de l'absence d'avis du ministre de la défense dans le dossier soumis à enquête publique et du défaut de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées pourraient, s'ils étaient fondés, être régularisés ;

- si la cour devait considérer que les modalités du bridage prescrites dans l'arrêté ne sont pas suffisantes, elle pourrait faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction en assortissant l'autorisation des prescriptions nécessaires, ou en la renvoyant devant le préfet pour que soient fixées ces prescriptions.

Par des mémoires enregistrés le 29 juin 2023 et le 14 février 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, puis le préfet de la Côte-d'Or, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- le moyen tiré de l'insuffisance du dossier d'étude d'impact sur les capacités financières pourrait être régularisé ;

- si le projet nécessitait une demande de dérogation, l'arrêté pourrait être annulé en tant qu'un tel régime n'a pas été mis en œuvre.

Par une ordonnance du 16 février 2024, l'instruction a été close, en dernier lieu, au 4 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;

- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;

- l'arrêté du 23 avril 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable, fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 du ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, et du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté modifié du 26 août 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Monamy, pour l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres ainsi que celles de Me Boudrot, pour la société parc éolien de la Fougère ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 mai 2024, présentée pour l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. La société parc éolien de la Fougère a déposé le 20 décembre 2016 une demande d'autorisation unique portant sur la construction et l'exploitation de neuf éoliennes et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Maurice-sur-Vingeanne, ainsi que sur le défrichement de parcelles boisées. Après modification du projet par le pétitionnaire, qui a supprimé les éoliennes E1, E2 et E3, le préfet de la Côte-d'Or a, par un arrêté du 4 mars 2020, refusé d'accorder l'autorisation sollicitée. Par un arrêt définitif du 9 décembre 2021, la cour a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer l'autorisation sollicitée, au besoin assortie des prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ce qu'il a fait par un arrêté du 5 mai 2022. L'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de France (SPPEF), Mme E... I... et M. H... B..., M. C... A... et M. et Mme D... A... demandent à la cour d'annuler cet arrêté.

Sur le cadre juridique :

2. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation, la juridiction statuant comme juge de l'excès de pouvoir contre l'autorisation unique en tant qu'elle vaut permis de construire. Toutefois, en vertu du 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, les demandes d'autorisation régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017. La légalité de telles autorisations doit donc être appréciée, pour ce qui concerne la forme et la procédure, au regard des règles applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017, ce qui est le cas en l'espèce.

3. Lorsqu'il estime qu'une autorisation unique a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.

4. L'autorisation délivrée sur injonction après annulation d'un refus d'autorisation peut être contestée par des tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l'arrêt d'annulation.

Sur la légalité externe :

En ce qui concerne le dossier de demande d'autorisation :

S'agissant des capacités financières :

5. En vertu des dispositions de l'article R. 512-3 du code de l'environnement applicables en l'espèce et alors en vigueur, toute demande de mise en service d'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation doit mentionner : " 5° Les capacités techniques et financières de l'exploitant ", cette demande devant figurer dans le dossier soumis à enquête publique en vertu des dispositions de l'article R. 123-8 du même code.

6. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande d'autorisation environnementale, qui portait initialement sur la construction de neuf éoliennes, indique que le projet, d'un montant estimé à trente-trois-millions-sept-cent-cinquante-mille euros, sera financé à hauteur de 20 % en fonds propres par la société Valeco et que pour le surplus la société sollicitera un prêt bancaire. Étaient joints au dossier de demande d'autorisation les bilans comptables des trois dernières années de la société Valeco qui faisaient apparaître qu'elle disposait en 2014 de plus de trente-et-un millions d'euros de capitaux propres, ainsi qu'une attestation du 26 juillet 2017 du crédit agricole du Languedoc selon laquelle il serait, dans le prolongement de leurs relations d'affaires existantes, disposé à étudier le financement par crédit de son projet à hauteur de vingt-sept millions d'euros. Elle a, en outre, produit en annexe le plan d'affaires prévisionnel indiquant les montants prévisionnels de chiffre d'affaires, de coûts et de flux de trésorerie, les charges et produits démontrant la rentabilité du projet. La société pétitionnaire étant une filiale à 100 % de la société Valeco, spécialement créée pour les besoins du projet, la mention, dans le dossier de demande d'autorisation, de l'apport au projet par la société Valeco des fonds propres suffisait, sans qu'il soit nécessaire que soit jointe une attestation en ce sens. Par ailleurs, si le courrier du crédit agricole ne constitue pas un engagement ferme de financement, les données financières fournies permettent d'établir que la société parc éolien de la Fougère est à même de financer le projet, dont le nombre d'éoliennes a été réduit en cours d'instruction de neuf à six, via sa société mère. Dans un courrier du 15 février 2024, le président de la société Valeco a confirmé son engagement pour le financement de la totalité de l'investissement, à défaut de financement bancaire. Dans ces circonstances, et en admettant même que le dossier de demande aurait été irrégulièrement composé à l'origine, il n'apparaît pas, compte tenu notamment de la nature des renseignements ayant ainsi fait défaut, qu'un tel vice aurait exercé une influence sur la décision de l'autorité administrative ou même pu réellement nuire à l'information complète de la population.

S'agissant de l'étude d'impact :

7. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement, alors en vigueur : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) / 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 et complété par l'article R. 512-8 (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - L'étude d'impact présente : / 1° Une description du projet (...) / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux (...) ". Aux termes de l'article R. 512-8 de ce code, alors en vigueur : " I. - Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. (...) ".

8. Il résulte des dispositions précitées que l'étude d'impact doit être proportionnée à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Quant aux chiroptères :

9. Il résulte de l'instruction que l'étude chiroptérologique est fondée sur une analyse des données bibliographiques, complétée par une expertise locale sur un cycle biologique complet. La mesure de l'activité chiroptérologique a été réalisée à l'aide de deux types de détecteurs, qui ont été placés en cultures, sans ou avec élément structurant (huit points), et en forêt, lisière ou allée forestière (huit points). Ces seize points d'écoute ont été complétés par un point d'écoute en altitude, au milieu de la zone d'étude. Six nuits d'écoute en altitude ont été réalisées pendant la phase de transit conformément aux recommandations du bureau d'études, répondant ainsi aux préconisations du guide de l'étude d'impact sur l'environnement, dans sa version actualisée en 2016.

10. Si le protocole de suivi environnemental des parcs éoliens terrestres, approuvé par le ministre de la transition écologique, dépourvu de caractère réglementaire, recommande, dans sa version de 2018, de réaliser des études en altitude en continu pendant toute la durée d'activité des chauves-souris, il n'apparaît pas, en l'espèce, que les écoutes mises en place pour les besoins de l'étude d'impact, dont les auteurs avaient analysé les limites, auraient été insuffisantes pour dresser les inventaires de chiroptères. Rien ne permet non plus de dire qu'ici, compte tenu de la hauteur des pâles, de l'altitude de vol des différentes espèces de chiroptères et de la distance à laquelle leur présence peut être captée en fonction de chacune d'entre elles, la hauteur à laquelle le ballon captif a été hissé aurait pu avoir une incidence sur les résultats de l'étude. Par ailleurs une recherche de gites a été conduite. Les données figurant sur la base de la plateforme en ligne du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ont permis de repérer les cavités et les mines favorables à l'hibernation de chiroptères sur et à proximité de la zone d'étude, qui ont ensuite fait l'objet d'une prospection sur le terrain. Si aucune prospection de gites n'a été réalisée dans les bois destinés à être défrichés, l'étude d'impact a d'emblée pris le parti de leur présence compte tenu notamment de la nature des boisements et de leur fréquentation par des espèces de pics, et a évalué en conséquence le risque de pertes d'habitat pour les chiroptères, qu'elle a qualifié de modéré, avant mise en œuvre des mesures d'évitement et de réduction. Ces études, qui n'apparaissent pas insuffisantes, ont permis d'inventorier seize espèces de chiroptères présentes sur la zone d'implantation et de relever l'existence de gîtes d'hibernation et de mise-bas ainsi que de boisements favorables au gîtage d'individus dans les alentours de la zone d'implantation.

11. Si, comme l'indique la note de l'écologue dont se prévalent les requérants, le statut de conservation de trois espèces de chiroptères ne paraît pas avoir été mis à jour lors de l'actualisation de l'étude d'impact en juin 2019 alors que, en 2017, pour la noctule commune il a évolué de quasi-menacée à vulnérable et, pour la pipistrelle et la sérotine communes, il est passé de préoccupation mineure à quasi-menacée dans la liste rouge nationale des mammifères en danger d'extinction, il n'en résulte pas pour autant que, de ce seul fait, le risque retenu dans l'étude d'impact pour ces espèces qui dépend, outre des enjeux, des effets du projet sur celles-ci, aurait été sous-évalué. Les risques pesant sur la noctule commune ont été caractérisés au sein du groupe des espèces migratrices et de lisière, avec la noctule de Leiser, la pipistrelle commune, la pipistrelle de Khul et la sérotine commune. Rien ne permet de dire que le niveau de risque de collision, qualifié d'important pour l'éolienne E4, de modéré pour les éoliennes E5 et E7 et de faible pour les éoliennes E6, E8 et E9, n'aurait pas été déterminé en fonction de l'espèce encourant, au regard de sa sensibilité à l'éolien, les menaces les plus intenses, en l'occurrence la noctule commune qualifiée de très rare et en fort déclin. Le seul fait que les risques ont été appréciés en procédant à un regroupement des espèces migratrices et des autres, et non espèce par espèce, ne saurait suffire à invalider la démarche retenue par l'exploitant, aucune sous-évaluation de ces risques pour une ou plusieurs espèces en particulier ne pouvant en être déduite. Il apparaît, contrairement aux remarques de l'écologue, que la différence d'évaluation, en fonction de la situation des éoliennes par rapport aux lisières, des effets du projet sur la mortalité par collision d'animaux d'espèces migratrices repose sur des observations faites sur place. Les données brutes collectées à cet égard ont été corrigées en fonction des caractéristiques du milieu dans lequel les mesures ont été prises, selon qu'il était ouvert ou fermé, et de l'indice de détectabilité des espèces concernées dans l'un ou l'autre de ces milieux. L'activité chiroptérologique corrigée, relevée au-dessus de la forêt, s'est ainsi trouvée être beaucoup plus élevée que dans les secteurs cultivés. La seule circonstance que le plan national d'actions chiroptères (PNA 2016-2025), et notamment son actualisation de 2019, n'a pas été cité dans l'étude d'impact ne saurait la rendre irrégulière.

Quant à l'avifaune migratrice :

12. La partie de l'étude d'impact consacrée à l'avifaune est fondée sur un pré diagnostic établi à partir de la documentation existante sur les couloirs de migration et les espèces nicheuses pouvant potentiellement s'y trouver. Un suivi ornithologique de la migration a été effectué à raison de quatre sorties en période de migration printanière entre le 25 mars et le 21 mai 2015 et de huit sorties en période de migration post-nuptiale entre le 20 août et le 10 novembre 2015. L'observation des espèces nicheuses a été réalisée en six points les 24 avril et 5 juin 2015 et, pour les rapaces diurnes susceptibles de se reproduire dans les environs, elle a été répartie sur sept demi-journées. Les picidae ainsi que l'avifaune hivernante ont fait l'objet de recherches spécifiques au moyen de méthodes adaptées.

13. Il en est résulté que la zone d'étude couvrait un flux modéré de migrateurs printaniers. Au sein de ce flux, treize espèces remarquables ou sensibles aux éoliennes ont pu être inventoriées, comprenant notamment huit milans royaux et une cigogne noire. Ce flux suit un axe principal englobant la partie nord-ouest de l'aire d'étude immédiate où se trouve implantée l'éolienne E4 ainsi que, en bordure, l'éolienne E5. Un axe secondaire a été identifié à l'est, à l'endroit de la frange ouest de la réserve de Saint-Maurice-sur-Vingeanne et à l'est de la forêt de Fontaine-Française. Les autres éoliennes sont implantées entre ces deux axes. En période automnale, le flux de migrateurs est qualifié de faible à modéré. Quatorze espèces remarquables ou sensibles aux éoliennes ont pu être inventoriées sur cette période, dont un busard cendré, un busard Saint-Martin et un milan royal. Comme pour les migrations de printemps, les enjeux sont faibles en dehors de rapaces et grands échassiers, contactés en faible nombre. Ce flux de migrateurs suit également deux axes assez diffus, le plus important étant l'axe nord-est/sud-ouest sur lequel est implantée l'éolienne E4 et, en bordure, l'éolienne E5. Le second axe préférentiel est situé plus à l'est, en dehors de la zone d'implantation des éoliennes.

14. Dans le dernier état du projet, l'étude d'impact a retenu que les risques de collision de l'avifaune migratrice en phase d'exploitation pour l'éolienne E4, située dans le couloir principal de migration, étaient modérés et que, après prise en compte des mesures de réduction, ils étaient faibles. Ces risques ont été qualifiés de faibles sur le reste de la zone, et de négligeables après prise en compte des mesures de réduction. Il n'apparaît pas, contrairement à ce qu'indique la note de l'écologue sur la base d'observations faites dans la région en 2020, que, en période post nuptiale, les rapaces et grands échassiers traverseraient le site sans emprunter les couloirs migratoires décrits au point précédent, l'étude d'impact se bornant à préciser qu'ils n'ont pas emprunté le second couloir. Si les impacts du projet n'ont pas été évalués espèce par espèce, mais globalement pour l'ensemble des migrateurs, il n'en résulte pas pour autant une sous-évaluation pour une espèce en particulier. Si d'après l'écologue, le projet se trouverait sur le passage d'un flux migratoire du milan royal beaucoup plus important que celui dont fait état l'étude d'impact, ses critiques reposent sur des relevés dont les plus proches n'ont pas été faits au droit du site d'implantation, mais à six kilomètres et sur une simulation des couloirs migratoires empruntés après le lieu d'observation. Elles ne sauraient ainsi suffire à remettre en cause les observations faites sur le site lors de l'étude d'impact et à justifier la nécessité d'actualiser les données alors collectées, de réévaluer les enjeux pour cette espèce et de proposer de nouvelles mesures d'évitement et de réduction.

15. L'effet barrière a été qualifié de négligeable pour toutes les espèces d'avifaune migratrice. Si l'implantation des machines perpendiculairement au flux migratoire pourrait, comme l'indique l'écologue, contraindre les oiseaux migrateurs à dévier leur trajectoire, il apparaît toutefois que seule l'éolienne E4 se trouve sur le couloir de migration et, dans une moindre mesure, l'éolienne E5, et qu'un large espace demeure libre de toute machine, les premiers champs d'éoliennes se trouvant à plusieurs kilomètres. Il n'apparaît pas, compte tenu des informations par ailleurs contenues dans l'étude d'impact, et notamment la prise en compte des effets cumulés du projet avec les autres parcs éoliens construits ou autorisés dans un rayon de dix kilomètres, et quel que soit le bien-fondé des mesures présentées comme des mesures de réduction, que l'attribution d'un caractère négligeable à l'effet barrière induit par le projet aurait pu tromper la population ou l'administration sur la portée vraisemblable de cet effet.

Quant à l'avifaune nicheuse :

16. Quarante-six espèces d'avifaune nicheuse, dont certaines considérées comme patrimoniales, telles que les pics mar, noir et cendré, ont été inventoriées sur le site, dont quatre remarquables ou sensibles à l'éolien. S'agissant de l'avifaune reproductrice, l'étude d'impact conclut que les massifs forestiers ainsi que les éléments fixes du paysage comme les haies et les bosquets sont particulièrement attractifs. Ces secteurs sont également fréquentés en période de reproduction par des rapaces remarquables et/ou sensibles aux collisions, notamment le faucon crécerelle. La partie de la forêt où est implantée l'éolienne E4, vieille et mature avec une grande proportion de bois mort ou d'arbres de taille suffisante à l'établissement de loges à pics, est désignée par l'étude d'impact comme une zone d'enjeux modérés à forts pour la reproduction du pic mar.

17. Compte tenu de ce qui précède, et alors que la seule ancienneté des inventaires ne suffit pas, en l'espèce, à justifier la nécessité d'une actualisation de ceux-ci, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'étude écologique contenue dans l'étude d'impact serait insuffisante sur l'état des lieux en ce qui concerne les chiroptères et aurait sous-évalué l'impact du projet sur l'avifaune, notamment le milan royal.

En ce qui concerne l'avis du ministère de la défense :

18. L'avis rendu par le ministre de la défense le 9 février 2017 en application de l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent a été signé par le colonel G... F... qui disposait d'une délégation à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement du général de brigade aérienne Pierre Reutter, ce type d'avis en vertu d'un décret du 26 août 2016 régulièrement publié au Journal Officiel de la République française du 28 août 2016. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'avis émanant du ministre de la défense manque en fait.

En ce qui concerne le rapport de la DREAL :

19. Si, dans la note de l'écologue, dont se prévalent les requérants, est invoqué le moyen tiré de ce que le rapport de la DREAL serait insuffisant, aucune précision n'est apportée sur les dispositions qui seraient méconnues. Faute d'être assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, il ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne l'enquête publique :

S'agissant du caractère complet du dossier soumis à enquête publique :

20. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, dans sa version applicable au présent litige : " le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : [...] 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme (...) ". A supposer même que l'avis du ministère de la défense, qui était favorable au projet, n'a pas été joint au dossier soumis à enquête publique, il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle omission aurait ici été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision du préfet ou à priver le public d'une garantie.

S'agissant de la consultation des conseils municipaux au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement :

21. L'article L. 512-2 du code de l'environnement, alors en vigueur, prévoit que : " L'autorisation prévue à l'article L. 512-1 est accordée par le préfet, après enquête publique (...) et après avis des conseils municipaux intéressés. " Aux termes de l'article R. 512-20 alors en vigueur : " Le conseil municipal de la commune où l'installation projetée doit être implantée et celui de chacune des communes mentionnées au III de l'article R. 512-14 sont appelés à donner leur avis sur la demande d'autorisation dès l'ouverture de l'enquête. Ne peuvent être pris en considération que les avis exprimés au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture du registre d'enquête. ". Selon le III de l'article R. 512-14 précité alors en vigueur : " Les communes, dans lesquelles il est procédé à l'affichage de l'avis au public prévu au II de l'article R. 123-11, sont celles concernées par les risques et inconvénients dont l'établissement peut être la source et, au moins, celles dont une partie du territoire est située à une distance, prise à partir du périmètre de l'installation, inférieure au rayon d'affichage fixé dans la nomenclature des installations classées pour la rubrique dont l'installation relève ". Enfin, l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales prévoit : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...) / Le présent article est également applicable aux communes de moins de 3 500 habitants lorsqu'une délibération porte sur une installation mentionnée à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ".

22. Les délibérations par lesquelles les communes donnent leur avis ne doivent pas, à peine d'irrégularité, mentionner que les conseillers municipaux disposaient, avec la convocation au conseil municipal, d'une note explicative de synthèse. En l'espèce, l'absence de note explicative pour quatre des communes qui ont rendu un avis n'est pas avérée et rien au dossier ne permet de dire que les conseillers municipaux n'auraient pas été en mesure d'émettre, en toute connaissance de cause, un avis sur le projet.

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté :

23. L'arrêté litigieux comprend les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de ce qu'il serait insuffisamment motivé, soulevé dans la note de l'écologue à laquelle les écritures des requérants renvoient, doit, en tout état de cause, être écarté.

Sur le bien-fondé de l'autorisation :

En ce qui concerne l'absence de dérogation à la destruction d'espèces protégées :

24. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat;(...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment, la " délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".

25. Il en résulte que la destruction ou la perturbation d'animaux appartenant à des espèces protégées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Le système de protection des espèces faisant l'objet d'une protection impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées à ces espèces, proposées par le pétitionnaire, doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

S'agissant des chiroptères :

26. Il résulte de l'instruction et de ce qui a été précédemment dit que, avant application des mesures d'évitement et de réduction, des risques importants de collision avec l'éolienne E4 ont été relevés pour les espèces migratrices de lisière et forestières. Afin d'éviter ou de diminuer ces risques, aucune éolienne n'est prévue dans des secteurs boisés en futaie pure et en mélange riche de futaie de chênes et de taillis, où les risques sont les plus élevés pour les chauves-souris et l'article 2.3.1.2 de l'arrêté contesté renforce l'exigence d'un système de bridage pour les aérogénérateurs E4, E5 et E7 implantés à moins de 200 m d'une lisière boisée ou de haies dès leur mise en service industrielle, fixant sa durée à toute la nuit, au lieu de quelques heures après le coucher du soleil et avant son lever initialement envisagées et prévoit l'absence d'éclairage permanent ou à déclenchement automatique. Il ne résulte pas de l'étude dénommée " Analyse de l'activité des chiroptères en fonction des conditions météorologiques et de sa répartition au cours de la nuit ", produite par les requérants, que les conditions de vent et de température qui conditionnent ici le plan de bridage, qui correspondent respectivement à un vent inférieur à 6 m/s et à une température supérieure à 10°, ne suffiraient pas à réduire notablement les risques de collision. Alors que, selon l'étude d'impact, le bridage mis en place suffit à " réduire de manière significative (environ 60 % [Baerwald, 2009]) les risques de mortalité ", il n'apparaît pas que, même en tenant compte de l'implantation d'une éolienne en forêt, et eu égard aux prescriptions préfectorales, ce système de bridage, applicable sur la période de début avril à fin octobre, qui inclut également la mise en drapeau des pales pour des vents de vitesse inférieure à la cut-in-speed, et les autres mesures générales prévues à l'article 2.3.1.1 ne permettraient pas, y compris pour les éoliennes E5 et E7, pour lesquelles les risques initiaux concernant les espèces migratrices et de lisière étaient qualifiés de modérés, d'abaisser les menaces encourues au point de ne plus être suffisamment caractérisées. S'agissant des éoliennes E6, E8 et E9, pour lesquelles le risque de départ était qualifié de faible pour les espèces migratrices et de lisière et de négligeable pour les autres espèces, l'essentiel de l'activité des chauves-souris se concentrant au-dessus de la forêt, il n'apparaît pas que, malgré l'absence de mesures particulières de bridage, la seule mesure consistant à ne pas installer d'éclairage permanent ou à déclenchement automatique ne permettrait pas non plus de rendre les risques non suffisamment caractérisés. Rien ne permet à cet égard de dire, notamment au vu de l'article 2.3.1.2 de l'arrêté, dont relèvent plus spécialement les machines E4, E5 et E7, qui exige de l'exploitant qu'il tienne à disposition de l'administration les justificatifs relatifs à la programmation et au fonctionnement effectif du bridage, ou de son point 2.3.1.4. qui, plus généralement, impose un suivi environnemental conforme aux prescriptions de l'arrêté modifié du 26 août 2011, que les mesures d'évitement et de réduction serait dénuées d'effectivité. Dans ces conditions, et même si les lignes directrices d'EUROBATS (actualisation 2014), qui n'ont aucune valeur réglementaire, recommandent une exclusion des projets éoliens dans les boisements de tout type, et jusqu'à une distance de deux-cents mètres, le préfet a pu estimer ici que les risques de collision résiduels ne justifiaient pas de soumettre le projet à une demande de dérogation.

27. Il résulte par ailleurs de l'instruction que, pour limiter le risque de pertes de gîtes de chiroptères, qualifié de modéré dans l'étude d'impact, le pétitionnaire a exclu toute implantation de machines dans des secteurs boisés à sensibilité supérieure ou égale à "'modérée-forte'" et prévu notamment le balisage de la zone de travaux. Si, comme l'indique l'écologue, la création d'ilots de sénescence et la pose de gites à chiroptères constituent des mesures de compensation, et non d'évitement ou de réduction, dont la prise en compte est exclue pour déterminer l'impact net, il apparaît que les secteurs boisés à enjeux fort ou très fort pour les chiroptères ont été maintenus à l'extérieur de la zone d'implantation du projet et que la suppression de trois éoliennes initialement prévues s'est traduite par une diminution importante des zones de défrichage. Par ailleurs, le préfet a prévu à l'article 2.4.1 de l'arrêté litigieux que les opérations de déboisement (coupe et dessouchage) seront effectuées entre le 1er septembre et le 30 octobre, que la coupe des arbres à cavités sera limitée autant que possible et sera réalisée suivant un protocole défini par l'écologue en charge du suivi du chantier et en sa présence, et que les arbres présentant un intérêt comme gîtes potentiels pour les chiroptères ou sites de nidification d'oiseaux cavernicoles remarquables feront l'objet d'un marquage par un écologue. L'article 2.4.2 de cet arrêté prescrit également que les pistes déjà existantes seront utilisées en priorité et au maximum de façon à limiter les surfaces décapées en culture et en boisement. Par ailleurs, et en dépit des critiques sur ce point par l'écologue, aucune sous-évaluation des pertes d'habitat de chasse, dont l'intensité, avant application des mesures d'évitement et de réduction, a été jugée modérée pour les espèces forestières et faible pour les espèces de lisière, n'est caractérisée. Dans ce contexte, et eu égard aux dispositions prises comme rappelées précédemment dans le but de rendre encore plus effectives les mesures destinées à limiter les pertes d'habitats et leurs effets, aucun risque n'apparaît ici suffisamment caractérisé qui aurait justifié de soumettre le projet au dépôt d'une demande de dérogation.

Quant aux autres espèces :

28. S'agissant du risque de perte d'habitat il résulte de l'instruction que les surfaces finalement déboisées après modification du projet sont beaucoup moins importantes qu'initialement. Le maintien d'une seule éolienne en forêt -E4- au lieu des trois initialement prévues, s'est doublé d'une diminution des surfaces de boisement perdues, passées de 14 347 m² à 4 509 m². A cet égard, l'étude de 2019 n'a pas réévalué à la baisse le risque brut de perte d'habitat auquel se trouvaient exposés les migrateurs. Si la création d'un îlot de sénescence constitue une mesure de compensation qui ne saurait être prise en compte pour évaluer les impacts résiduels du projet, si le balisage des travaux est dénué d'incidence en phase d'exploitation, et si le changement de peuplement forestier, initialement envisagé, a été abandonné en 2019, il n'apparaît pas que l'exclusion de la zone d'implantation des machines des secteurs de futaie pure et de mélanges riches de futaies de chêne et de taillis serait purement théorique, même si le secteur d'implantation de l'éolienne E4 est globalement identifié comme présentant un intérêt, en particulier pour le nichage des pics. Il résulte par ailleurs de l'article 2.4.1 de l'arrêté que les travaux de terrassement (plateforme, création de chemins et raccordement jusqu'au poste de livraison compris) sont réalisés entre le 1er août et le 1er mars, que les travaux entamés avant le 1er mars de l'année en cours peuvent se poursuivre au-delà du 1er avril uniquement en présence d'un écologue et après accord de l'inspection des installations classées et que, pendant cette période, en cas de présence d'un nid d'une espèce protégée par l'arrêté du 29 octobre 2009, les travaux sont interdits dans un périmètre de 300 m autour du nid et ne reprennent qu'après déclaration en application de l'article R. 181-46 du code de l'environnement. Compte tenu des mesures d'évitement et de réduction programmées par l'exploitant et le préfet, dont l'effectivité n'est pas sérieusement remise en cause, et en dépit des éléments généraux figurant dans les critiques de l'écologue, il n'apparaît pas, en l'espèce, que les risques de destruction d'habitats encourus par l'avifaune migratrice et les pics, bien que tenus pour faibles par l'étude d'impact après prise en compte, erronée, de la création d'un îlot de sénescence, seraient ici suffisamment caractérisés.

29. Il résulte en outre de l'instruction qu'un nid de faucon-crécerelle, qui est une espèce de rapaces communs classée dans la catégorie des espèces quasi-menacées, a été découvert à 700 m de l'éolienne E3, dans le secteur du " champ Claudon ". Cependant, cette éolienne, avec les aérogénérateurs E1 et E2, a été supprimée. Ce nid, qui est le seul répertorié dans le secteur, se trouve en conséquence plus éloigné du site éolien qu'initialement. En ce qui concerne les risques de collision encourus par les migrateurs, notamment les busards Saint-Martin et Cendré, la cigogne noire et le milan royal, que l'étude d'impact qualifie de modérés, les mesures d'évitement et de réduction prévues par l'exploitant sont précisées et complétées par l'arrêté contesté, et en particulier son article 2.3.1.3 qui impose un bridage de l'ensemble des éoliennes en période de migration avec mise en œuvre d'un dispositif anti-collision permettant de détecter en temps réel les oiseaux en vol et de réguler le fonctionnement des machines (arrêt ou décélération des turbines) pour prévenir les accidents, associé à un suivi environnemental avec, en cas d'absence, de défaillance ou d'indisponibilité d'une des composantes du système, obligation d'un arrêt diurne des machines. L'effectivité du système de détection et du dispositif anti-collision, non sérieusement remise en cause par l'écologue, est spécialement garantie par les mesures prévues aux points b à e de l'article 2.3.1.3, en particulier par la mise en place d'un suivi environnemental dédié, qui donne lieu à un rapport de fonctionnement et, sous réserve de son efficacité, par la validation de ce système, par la mise en œuvre d'une procédure d'arrêt et de remise en fonctionnement des machines en cas de mortalité d'un individu d'une espèce patrimoniale d'oiseau à fort niveau de sensibilité à l'éolien et par un arrêt diurne des aérogénérateurs hors dispositif anti collision. Alors même que le bridage de l'éolienne E4 prévu pour les chiroptères n'est pas en soi pertinent pour les oiseaux migrateurs, et même si les faucons-crécerelle évoqués plus haut, compte tenu de la situation de leur nid et de leurs habitudes de chasse, paraissent plus particulièrement exposés au risque de collision, il n'apparaît pas, compte tenu l'ensemble des mesures d'évitement et de réduction ainsi prévues que les risques de collision que le projet comporte pour l'avifaune protégée seraient ici suffisamment caractérisés.

30. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que, faute de comporter une demande de dérogation à l'interdiction de détruire ou de perturber des espèces protégées ou leurs habitats, l'autorisation contestée méconnaîtrait les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, doit être écarté.

S'agissant de l'atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

31. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour (...) la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". L'article L. 512-1 du code de l'environnement dispose : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. " Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L 511-1, selon les cas ".

32. Compte tenu de ce qui a été indiqué précédemment à propos des chiroptères et des zones qu'ils fréquentent plus particulièrement, il n'apparaît pas que les prescriptions figurant à cet égard dans l'arrêté litigieux, notamment les mesures de bridage, plus exigeantes que celles proposées par le pétitionnaire, seraient, en l'état, insuffisantes pour assurer la protection de ces espèces. Pour ce qui est plus spécialement de la noctule commune, dont le statut de préservation comme espèce vulnérable à l'échelon national est élevé, mais qui n'a été contactée qu'à une seule occasion, en migration, il n'apparaît pas que le projet serait de nature à lui porter gravement atteinte. Si cette chauve-souris vole par des vents jusqu'à 10 m/s, alors que le bridage n'est ici réglé que pour de vents inférieurs à 6 m/s, l'absence d'identification de cette espèce au-dessus des espaces boisés prive une telle circonstance d'une grande partie de ses éventuelles incidences. L'avis rendu par le Conseil national de la protection de la faune le 10 août 2020 sur un autre projet ne saurait être utilement invoqué. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les mesures que comporte l'arrêté ne permettraient pas d'assurer pour les chiroptères la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, et notamment en ce qui concerne la noctule commune.

33. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les mesures proposées par la pétitionnaire ou prescrites par le préfet, et notamment les mesures de bridage, seraient insuffisantes et que le projet porterait, de ce fait, une atteinte excessive à l'avifaune au regard des exigences des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement.

34. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorisation méconnaîtrait les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement doit être écarté en chacune de ses branches.

35. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté litigieux. Leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il y a lieu en revanche, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à leur charge la somme de 3 000 euros à verser à la société parc éolien de la Fougère.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres est rejetée.

Article 2 : L'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres verseront à la société parc éolien de la Fougère une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, désignée en qualité de représentante unique au titre de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société parc éolien de la Fougère et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or

Délibéré après l'audience du 6 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02711

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02711
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : LPA CGR Avocats

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;22ly02711 ?
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