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22/05/2024 | FRANCE | N°23LY02332

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 22 mai 2024, 23LY02332


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juin 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2208335 du 21 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la c

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Par une requête enregistrée le 12 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Vigneron, avocate, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juin 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2208335 du 21 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Vigneron, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 7 juin 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère , à titre principal de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 200 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la même date, sous la même astreinte, et dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux jours à compter de la même date, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocate d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement contesté :

- le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 113-12 et L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, qui n'étaient pas inopérants ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit dans l'application de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation et il méconnaît les article 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 5 de la convention relative aux droits des personnes handicapées ;

- en estimant que l'atteinte à sa vie privée et familiale n'était pas disproportionnée, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit ;

En ce qui concerne refus de titre de séjour :

- faute de justification d'une délégation publiée antérieurement à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, le refus de titre de séjour est entaché d'incompétence ;

- contrairement à ce qu'a retenu le préfet, il a justifié d'un contrat de travail et de ce qu'il était en arrêt de travail suite à un accident du travail ;

- le refus de lui délivrer une carte de résident méconnaît l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ce refus a un caractère discriminatoire en raison de son état de santé et viole l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet, qui n'était pas en situation de compétence liée, devait examiner si son refus n'avait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ; il a commis une erreur manifeste d'appréciation et violé les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " repose sur une erreur de fait ; le préfet a méconnu l'article L. 144-5 du code des relations entre le public et l'administration et commis une erreur de droit ; il a violé l'article L. 113-12 du code des relations entre le public et l'administration et commis un vice de procédure en n'interrogeant pas lui-même la DIRECCTE sur son autorisation de travail ; ce refus méconnaît l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette mesure doit être annulée par voie de conséquence du refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- sa situation personnelle n'a pas été examinée ;

- la mesure d'éloignement méconnaît le 8° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation .

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 22 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 avril 2024.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits des personnes handicapées, signée à New York le 30 mars 2007 ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né en 1991, est entré en France sous couvert d'un visa valant premier titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", qui lui avait été délivré en sa qualité de conjoint d'une Française. Ce titre de séjour a été renouvelé jusqu'en 2019, et l'intéressé a ensuite séjourné en France sous couvert de cartes de séjour portant la mention " travailleur temporaire ". Le 22 mars 2022, il a demandé la délivrance d'une carte de résident, ou le renouvellement de sa carte de séjour. Par un arrêté du 7 juin 2022, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 21 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables ". Aux termes de l'article L. 113-12 du même code : " Une personne présentant une demande ou produisant une déclaration à une administration ne peut être tenue de produire des informations ou des données que celle-ci détient ou qu'elle peut obtenir directement auprès d'une administration participant au système d'échange de données défini à l'article L. 114-8 ". L'article L. 114-5 du même code dispose que : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. / (...) ".

3. D'une part, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des dispositions spéciales régissant le traitement par l'administration des demandes de titres de séjour, en particulier les demandes incomplètes, que le préfet peut refuser d'enregistrer. Par suite, la procédure prévue à l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable à ces demandes, et le moyen tiré par M. B... la méconnaissance de ces dispositions était inopérant.

4. D'autre part, pour prendre l'arrêté du 7 juin 2022 attaqué, le préfet de l'Isère a notamment relevé que M. B... n'avait pas produit d'autorisation de travail. Si le requérant fait valoir qu'il a été précédemment titulaire d'une autorisation de travail, il ne justifie pas qu'une telle autorisation lui avait été délivrée pour la période pour laquelle il sollicitait la délivrance d'un titre de séjour. Il ne pouvait dès lors utilement soutenir qu'en vertu de l'article L. 113-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet devait obtenir directement auprès de ses services les informations relatives à son autorisation de travail.

5. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés par le requérant de la violation des articles L. 113-12 et L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration étant inopérants, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant d'y répondre.

6. En deuxième lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer d'une part sur la régularité de la décision des premiers juges et d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis des erreurs de droit ou d'appréciation et méconnu certaines stipulations, doivent être écartés comme inopérants.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté attaqué :

7. L'arrêté attaqué a été signé par Mme Eléonore Lacroix, secrétaire générale de la préfecture de l'Isère, qui avait reçu délégation de signature à cet effet par un arrêté du préfet de ce département du 24 septembre 2021, régulièrement publiée le jour même au recueil des actes administratifs de la préfecture. Le moyen tiré de l'incompétence de cette signataire ne peut dès lors être accueilli.

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :

8. En premier lieu, M. B... est entré en France le 30 octobre 2015, alors qu'il était âgé de vingt-trois ans, onze mois et deux jours. En relevant qu'il avait quitté le Maroc à l'âge de vingt-quatre ans, le préfet de l'Isère n'a ainsi pas commis une erreur significative quant aux faits de l'espèce. Par ailleurs, si le requérant a été victime d'un accident du travail le 11 décembre 2021 pendant qu'il effectuait une mission en qualité de travailleur intérimaire, alors que la période prévue pour cette mission avait expiré, il ne produit aucune pièce justifiant de ce qu'à la date de l'arrêté attaqué, il restait lié à un employeur par un contrat de travail qui serait simplement suspendu du fait de l'incapacité dont il est victime en raison de son accident. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que le requérant était encore en arrêt de travail lié aux suites de son accident du travail à la date de l'arrêté attaqué, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision de refus de délivrance d'un titre de séjour s'il ne s'était pas fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'établissait pas être toujours en arrêt de travail. Le moyen tiré de ce que le préfet se serait fondé sur des faits matériellement inexacts doit dès lors être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et d'une assurance maladie se voit délivrer, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 426-18, une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" d'une durée de dix ans. (...) Les ressources mentionnées au premier alinéa doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. / La condition de ressources prévue au premier alinéa n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code. (...) ". Aux termes de l'annexe 10 au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger sollicitant la délivrance de la carte de résident prévu par ces dispositions doit notamment produire des justificatifs de ses ressources " qui doivent être suffisantes, stables et régulières sur les 5 dernières années ".

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a résidé régulièrement en France pendant plus de cinq ans. Toutefois, il ne justifie pas de ressources stables, régulières et suffisantes, d'un niveau supérieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), apprécié sur une période de cinq ans. Ainsi, le requérant, alors au chômage, a perçu entre mai et octobre 2021 l'aide de retour à l'emploi pour un montant mensuel variant de 886 euros à 1 029,51 euros, et de décembre 2021 à mars 2022 puis de fin mai 2022 à la fin de l'année 2022, il a perçu des indemnités journalières de la sécurité sociale d'un montant mensuel d'environ 850 euros, bien inférieur au SMIC. S'il souffrait depuis décembre 2021 d'une incapacité temporaire résultant d'un accident du travail, il n'allègue pas avoir été titulaire de l'allocation aux adultes handicapés ni de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du code de la sécurité sociale, et la condition de ressources lui était bien applicable. Le préfet de l'Isère n'a dès lors commis ni une erreur de droit ni une erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. D'autre part, la condition de ressources prévue par l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de la directive du 25 novembre 2003 visée ci-dessus, est liée aux caractéristiques propres du statut de résident de longue durée, dont le titulaire bénéficie, notamment, du droit de séjourner au-delà de trois mois dans un autre Etat membre. Toutefois, le refus de délivrance du titre de séjour de résident de longue durée, qui ne fait pas obstacle à la délivrance d'un autre titre de séjour et qui n'emporte, par lui-même, aucune conséquence sur le droit au séjour de l'intéressé, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne saurait être regardé comme imposant à un Etat de délivrer un type particulier de titre de séjour. En outre, cette condition de ressources, justifiée par l'objectif légitime de n'ouvrir le statut de résident de longue durée qu'aux étrangers jouissant d'une autonomie financière, est nécessaire et proportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Le moyen tiré de ce que l'application de la condition de ressources à un étranger atteint d'une incapacité de travail violerait les stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits et de l'homme et des libertés fondamentales, doit dès lors être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou qui fait l'objet d'un détachement conformément aux articles L. 1262-1, L. 1262-2 et L. 1262-2-1 du code du travail se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "travailleur temporaire" d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. / Elle est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. / Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement ". Aux termes de l'article L. 432-2 dans sa rédaction alors applicable : " Le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à l'étranger qui cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de cette carte dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations. / N'est pas regardé comme ayant cessé de remplir la condition d'activité prévue aux articles L. 421-1, L. 421-9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-21 l'étranger involontairement privé d'emploi au sens de ces mêmes articles ".

13. M. B... fait valoir qu'il a travaillé depuis son arrivée en France, a été titulaire de cartes de séjour portant la mention " travailleur temporaire " depuis 2019, et que c'est pour des raisons indépendantes de sa volonté qu'il s'est retrouvé au chômage, puis a cessé le travail après l'accident dont il a été victime en décembre 2021. Toutefois, les dispositions citées ci-dessus ne prévoient pas la possibilité d'un renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " dans le cas où l'étranger a été privé d'emploi, fût-ce involontairement. En l'espèce, contrairement à ce qu'il soutient, le requérant, qui a été victime d'un accident du travail alors qu'il effectuait une courte mission en qualité de travailleur intérimaire, ne justifie pas avoir été titulaire d'un contrat de travail qui aurait simplement été suspendu à la date de l'arrêté attaqué. Il n'établit pas davantage qu'une autorisation de travail lui aurait été délivrée pour la période suivant le 7 juin 2022. Dès lors, le refus de séjour attaqué n'a pas méconnu l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

14. En quatrième et dernier lieu, M. B... est entré en France en 2015, quelques semaines avant d'atteindre l'âge de 24 ans, pour y rejoindre son épouse française. Il est divorcé et sans enfant. S'il a noué des relations amicales en France, il n'établit pas être dépourvu d'attaches au Maroc, pays où il a passé l'essentiel de sa vie, et où réside sa famille, dont il déclare sans l'établir qu'elle lui interdirait de revenir. Par ailleurs, le requérant, qui n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé, ne produit aucun élément à l'appui de ses dires selon lesquels le traitement antiépileptique qui lui est nécessaire serait indisponible au Maroc et qu'il n'y disposerait pas d'une assurance maladie. Ainsi, le refus de délivrer un titre de séjour à M. B... ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne l'expose pas à des traitements inhumains ou dégradants. Les moyens tirés de la violation des article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent dès lors être écartés.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour ne peut être accueilli.

16. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que cette mesure a été prise après un examen de la situation personnelle de M. B....

17. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 8° L'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % (...) ".

18. Contrairement à ce que soutient M. B..., ces dispositions ne font pas obstacle à l'éloignement d'un étranger victime d'un accident du travail avant la consolidation de son état de santé.

19. En quatrième lieu, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français violerait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés plus haut. De même, cette mesure n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, ne peut être accueilli.

21. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. (...) ".

22. M. B... ne peut utilement, pour contester la décision fixant le pays de destination de son éloignement, contester les conséquences attachées à son obligation de quitter le territoire français. Au surplus, il n'établit pas être dépourvu d'attaches au Maroc. Les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination violerait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, doivent dès lors être écartés.

23. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

24. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2024.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02332
Date de la décision : 22/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : VIGNERON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-22;23ly02332 ?
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