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16/05/2024 | FRANCE | N°23LY02306

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 16 mai 2024, 23LY02306


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 16 mai 2023 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2303176 du 12 ju

in 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 16 mai 2023 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2303176 du 12 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Blanc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que les arrêtés susvisés ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation sans délai à compter de la date de notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet s'est cru en compétence liée pour édicter la décision lui refusant tout délai de départ volontaire ;

- sa situation personnelle justifie qu'un délai de départ volontaire lui soit octroyé ;

- la décision portant refus d'octroyer un délai de départ volontaire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle justifie de motifs humanitaires s'opposant à l'édiction de cette interdiction ;

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée et infondée ;

- les modalités de pointage sont disproportionnées.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A... a été déclarée caduque par décision du 25 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante mongole née le 15 février 1972, et entrée irrégulièrement en France le 30 juillet 2014 selon ses déclarations, relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mai 2023 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, ainsi qu'à l'annulation de l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

3. La requérante se prévaut de sa durée de séjour en France de neuf années et de la présence de son fils unique majeur, qui a déposé une demande de titre de séjour en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a présenté le 21 octobre 2014, une demande d'asile sous une fausse identité, rejetée définitivement le 5 avril 2016, par décision de la Cour nationale du droit d'asile. Elle n'a pas exécuté deux obligations de quitter le territoire français qui lui ont été notifiées par le préfet du Calvados les 19 mai 2016 et 17 août 2018. Elle soutient avoir présenté une autre demande d'asile également rejetée mais elle n'en justifie pas. Si Mme A... justifie de la présence régulière en France de son fils, titulaire d'une carte de résident, elle est entrée irrégulièrement en France à l'âge de quarante-deux ans et conserve ainsi nécessairement dans son pays d'origine des attaches familiales et privées même si elle fait valoir être veuve et que ses parents sont décédés. Elle ne produit aucun élément de nature à établir les liens privilégiés qu'elle prétend avoir son fils et les enfants de ce dernier nés en France. Elle ne justifie d'aucune insertion professionnelle en France. Si elle fait état de problèmes médicaux, elle n'apporte aucun élément démontrant que son état de santé s'opposerait à son éloignement. Contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'a jamais bénéficié d'un titre de séjour à ce titre mais a seulement déposé une demande, le 20 juillet 2018. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs pour lesquels elle a été édictée. Elle n'a pas, dès lors, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

5. La décision portant refus de délai de départ volontaire est légalement justifiée et suffisamment motivée sur le fondement du 5° de l'article L. 612-3 du code précité dès lors qu'il est constant que Mme A... s'est soustraite à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement édictées en 2016 et 2018 à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté. La circonstance que son fils unique réside en France ne constitue pas une circonstance particulière justifiant que lui soit octroyé un délai de départ volontaire. Par suite, le préfet de la Haute-Savoie, qui ne s'est pas estimé en situation de compétence liée, a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser de lui octroyer un délai de départ volontaire.

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de délai de départ volontaire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

9. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

10. En l'espèce, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans prononcée à l'encontre de la requérante, comporte, contrairement à ce qui est soutenu, toutes les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, au regard notamment des quatre critères prévus par les dispositions précitées. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté.

11. Pour prononcer une interdiction de retour d'une durée de deux ans, le préfet de la Haute-Savoie a tenu compte de la durée de présence de Mme A... en France, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France ainsi que de l'absence d'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement et de l'absence de menace à l'ordre public. Eu égard aux éléments, rappelés notamment au point 3, caractérisant la situation de l'intéressée, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en prononçant une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans à l'encontre de l'intéressée.

12. Si Mme A... soutient que les circonstances précitées tirées de son état de santé, de la présence de son fils en France et de son isolement en cas de retour en Mongolie constituent des circonstances humanitaires s'opposant à ce qu'elle fasse l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, les éléments précédemment évoqués afférents à sa situation personnelle ne permettent de caractériser aucune circonstance humanitaire au sens des dispositions de l'article L. 612-6 précité.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

14. La décision d'assignation à résidence vise l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte les considérations de droit et de fait retenues par le préfet pour justifier une telle mesure. En outre, Mme A... ne conteste pas sérieusement qu'il existe des perspectives raisonnables pour son éloignement. Par suite, en prenant la décision d'assignation à résidence en litige, laquelle est ainsi suffisamment motivée, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 731-1 du code précité.

15. Il ressort de la décision portant assignation à résidence en litige, que Mme A... a l'obligation de se présenter chaque jour, hors dimanche et jours fériés, entre 8 heures et 10 heures, à la police aux frontières d'Annemasse. En se bornant à faire état de ce que les obligations de pointage ainsi rappelées sont " déraisonnables ", sans évoquer les contraintes ou obstacles l'empêchant d'y satisfaire, la requérante ne conteste pas utilement les modalités de présentation fixées dans l'assignation à résidence contestée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet de la Haute-Savoie dans la fixation des modalités de présentation de l'intéressée doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés édictés le 16 mai 2023 à son encontre. Les conclusions qu'elle présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-Néris

La présidente,

P. Dèche

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière

2

N° 23LY02306

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02306
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;23ly02306 ?
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