Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 mars 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2302203 du 27 mars 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté, dans un article 2, sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023, M. B..., représenté par Me Bouhalassa, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 mars 2023 ainsi que les décisions susvisées ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 3°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour méconnaît les dispositions des articles
L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée de disproportion.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2023, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant turc né en 1990 déclarant être entré en France en 2015, relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 18 mars 2023 du préfet de l'Isère lui faisant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui interdisant tout retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) ".
3. M. B... se prévaut de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code précité sans toutefois citer précisément l'alinéa dont il invoque la méconnaissance. S'il peut être regardé comme se prévalant de la méconnaissance du 5°) de l'article L. 611-3 précité, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille de nationalité française, née le 22 décembre 2020, dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celle-ci ou depuis au moins deux ans, en se bornant à produire une attestation d'un virement de 100 euros au profit de la mère de son enfant en décembre 2022 et sans justifier des relations étroites qu'il dit avoir avec son enfant.
4. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
5. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis près de huit ans et de la présence en France de sa fille mineure de nationalité française pour laquelle il est titulaire avec la mère de celle-ci de l'autorité parentale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'au cours de ses années de présence sur le territoire français, M. B... a uniquement été titulaire d'un titre de séjour valable entre le 31 mai 2021 et le 30 mai 2022 et qu'il s'est séparé de la mère de son enfant à compter du mois de juin 2022. Il ressort des pièces versées au dossier que celle-ci a déposé plainte le 15 juin 2022 pour des faits de violences conjugales. M. B... a pour ces faits été condamné le 27 octobre 2022, par jugement du tribunal correctionnel de Lyon, à huit mois d'emprisonnement avec sursis assortis d'une interdiction d'entrer en contact avec la victime et de paraître à son domicile et sur son lieu de travail pour une durée de deux ans. Il ressort des pièces versées que les modalités de garde de l'enfant n'ont pas encore été définies par le juge aux affaires familiales alors qu'aucune pièce au dossier ne démontre que M. B... participe effectivement à l'éducation et l'entretien de son enfant. Le requérant conserve en outre dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans de fortes attaches privées et familiales, notamment ses parents. Il ne justifie d'aucune intégration socioprofessionnelle en France. Il est également constant qu'il a été interpellé le 17 mars 2023 pour des faits de conduite sans permis, usage et recel de faux documents administratifs et qu'il a été interpellé pour des faits de dégradation de bien public ne démontrant pas ainsi une volonté d'intégration au sein de la société française. Dans ces conditions, compte tenu des conditions de séjour en France de l'intéressé, le préfet de l'Isère en édictant la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision en litige a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant de M. B... au sens des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision refusant tout délai de départ volontaire :
6. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. "
7. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet a fondé la décision refusant tout délai de départ volontaire sur les 1°), 4°) et 8°) de l'article L. 612-3 du code précité. Si M. B... conteste ne pas disposer de garanties de représentation suffisantes, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision litigieuse, il n'avait pas produit aux services préfectoraux son passeport ni le titre de séjour dont il se prévalait et dont l'existence n'est pas avérée, ni n'avait justifié de la réalité de son adresse. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant tout délai de départ volontaire ne pouvait légalement être fondée sur le 8°) de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
9. En l'espèce, pour prononcer une interdiction de retour d'une durée d'un an à l'encontre du requérant, le préfet de l'Isère a tenu compte de la durée de présence en France de M. B..., de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, ainsi que la menace que sa présence constitue pour l'ordre public. Eu égard aux éléments, rappelés notamment au point 5, caractérisant la situation de l'intéressé, le préfet de l'Isère n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées ni entaché sa décision de disproportion en prononçant une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an à l'encontre de l'intéressé.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Dèche, présidente,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.
La rapporteure,
V. Rémy-Néris
La présidente,
P. Dèche
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière
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N° 23LY02211
kc