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16/05/2024 | FRANCE | N°23LY01695

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 16 mai 2024, 23LY01695


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoire enregistrés les 16 mai, 22 juin et 24 juillet 2023, les communes de Briffons, de Saint-Germain-près-Herment et la région Auvergne-Rhône-Alpes, représentées par Me Cuzzi, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a délivré à la société CPENR de Lastic une autorisation d'exploiter une installation terrestre de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent comprenant quatre aérogénérateurs et deux pos

tes de livraison sur le territoire de la commune de Lastic ;

2°) de mettre à la charg...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoire enregistrés les 16 mai, 22 juin et 24 juillet 2023, les communes de Briffons, de Saint-Germain-près-Herment et la région Auvergne-Rhône-Alpes, représentées par Me Cuzzi, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a délivré à la société CPENR de Lastic une autorisation d'exploiter une installation terrestre de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent comprenant quatre aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Lastic ;

2°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'arrêté est entaché d'une insuffisance de l'évaluation environnementale ;

- l'arrêté procède d'une erreur manifeste d'appréciation ; il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en ce qui concerne l'insertion paysagère et l'impact sur la biodiversité ;

- il méconnaît l'article L. 411-1 du code de l'environnement en l'absence de dérogation au titre de l'article L. 411-2 du même code ;

- il méconnaît l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires enregistrés les 23 juin, 24 juillet et 8 septembre 2023, ces deux derniers n'ayant pas été communiqués, la société CPENR de Lastic, représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la commune de Briffons et autres la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête est irrecevable pour défaut de notification et défaut d'intérêt à agir et, à titre subsidiaire, qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 23 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête est irrecevable et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 25 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations Me Azizi, substituant Me Cuzzi, pour la commune de Briffons et autres ainsi que celles de Me Kerjean Gauducheau, substituant Me Jeantet, pour la société CPENR de Lastic ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mai 2024, présentée pour la commune de Briffons et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 janvier 2023, le préfet du Puy-de-Dôme a autorisé la société CPENR de Lastic à exploiter un parc de quatre aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Lastic. La commune de Briffons, la commune de Saint-Germain-près-Herment et la région Auvergne-Rhône-Alpes en demandent l'annulation.

Sur la recevabilité de la requête :

2. D'abord, aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement, les autorisations environnementales peuvent être déférées à la juridiction administrative " par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 ". L'article L. 511-1 du même code, auquel renvoie l'article L. 181-3, vise les dangers et inconvénients " soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

3. Au sens de ces dispositions, une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l'article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue.

4. La commune de Saint-Germain-près-Herment fait notamment valoir que le projet litigieux se trouve à proximité de l'étang de Farges, situé sur son domaine public, qui est un lieu touristique de promenade mais également un réservoir de biodiversité. Compte tenu des atteintes susceptibles d'en résulter pour l'utilisation de cet étang et l'intérêt qu'il présente, au moins localement, la commune de Saint-Germain-près-Herment justifie d'un intérêt suffisant pour contester l'arrêté du 16 janvier 2023.

5. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt à agir des autres demandeurs, la fin de non-recevoir opposée sur ce point en défense ne peut qu'être écartée.

6. Ensuite, les dispositions des articles L. 181-17, R. 181-50 et R. 181-51 du code de l'environnement qui exigent, à peine de non prorogation du délai de recours contentieux ou d'irrecevabilité de ce dernier, la notification de tout recours administratif ou contentieux à l'auteur de la décision et à son bénéficiaire dans un délai de quinze jours à compter du dépôt du recours contentieux ou de la date d'envoi du recours administratif, ne s'appliquent qu'aux requêtes enregistrées à compter du 1er janvier 2024 et qu'aux recours administratifs parvenus à leur destinataire à compter de cette même date. Compte tenu de la date d'enregistrement de la requête présentée par la commune de Briffons et autres, ces dispositions n'étaient pas applicables ici. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée à cet égard ne peut qu'être écartée.

Sur le fond du litige :

7. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. (...) ".

8. L'appréciation de l'exigence de protection et de conservation de la nature, des sites, des monuments et paysages énoncée ci-dessus implique une évaluation du lieu d'implantation du projet et puis une prise en compte de la taille des éoliennes projetées, de la configuration des lieux et des enjeux de co-visibilité, au regard, notamment, de la présence éventuelle, à proximité, de plusieurs monuments et sites classés et d'autres parcs éoliens, et des effets d'atténuation de l'impact visuel du projet.

9. Le projet de parc éolien de quatre aérogénérateurs de 219,6 mètres de hauteur en bout de pâle sur le territoire de la commune de Lastic sur un arc de cercle au nord et ouest de la commune, ici en cause, est localisé à une trentaine de kilomètres à l'ouest du sommet du Puy de Dôme et au nord-ouest du Massif du Sancy, sur un petit plateau, boisé et bocager, à 750 mètres d'altitude, au sein de l'unité paysagère des Combrailles, bordée à l'est et à l'ouest par les vallées du Sioulet et du Chavanon. La zone nord de Lastic est essentiellement occupée par des forêts constituées principalement de conifères. La zone sud est en revanche dédiée aux activités agricoles. L'aire d'implantation, qui n'est pas dénuée d'intérêt, ne fait l'objet, en tant que telle, d'aucune protection particulière.

10. Le site touristique de l'étang de Farges, dédié à la pêche et à la promenade, avec en bordure notamment un chemin de randonnée, et qui accueille également un restaurant, se distingue par son caractère naturel et paisible, offrant des vues dégagées sur la nature environnante. La présence du projet exercerait une emprise visuelle et un effet de dominance particulièrement conséquents sur l'étang et ses berges, avec trois des quatre éoliennes envisagées qui émergeraient des boisements environnants, la plus proche étant éloignée de seulement 520 mètres. Compte tenu de la taille importante des machines et de leur disposition ainsi que de la configuration des lieux, les mesures envisagées pour contenir les conséquences de ce projet sur l'étang de Farges, notamment la plantation de haies destinées à en limiter l'effet barrière, n'apparaissent pas suffisantes. La commune de Saint-Germain-près-Herment, dont la population s'élevait à soixante-quatre habitants en 2021, indique à cet égard que cet étang génère pour elle des revenus substantiels mais que le projet éolien risquerait de compromettre le financement d'un réaménagement de l'aire de camping-car ou d'une mise en valeur de la faune autour de l'étang (ZNIEFF type 1). Dans ce contexte, et alors que l'emprise du parc éolien pour les hameaux de la Grange et de Farges en particulier est notable, les atteintes que le projet de la société CPENR de Lastic comporte pour le paysage, surtout depuis le site de l'étang de Farges, apparaissent en l'espèce excessives au regard des exigences de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

11. Il résulte de ce qui précède que les collectivités requérantes sont fondées à demander l'annulation, dans son ensemble, et sans qu'il y ait lieu ici d'en limiter la portée aux éoliennes E1, E2 et E3, de l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 16 janvier 2023.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des communes de Saint-Germain-près-Herment, Briffons et la région Auvergne-Rhône-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées à ce même titre par la société CPENR Lastic doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 16 janvier 2023 du préfet du Puy-de-Dôme est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les communes de Saint-Germain-près-Herment et de Briffons et la région Auvergne-Rhône-Alpes et par la société CPENR Lastic sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Germain-près-Herment, à la commune de Briffons, à la région Auvergne-Rhône-Alpes, à la société CPENR de Lastic et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie sera transmise, pour information, au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.

La rapporteure,

C. Djebiri

Le président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY01695

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01695
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-05 Energie. - Ga.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;23ly01695 ?
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