La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2024 | FRANCE | N°23LY01228

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 16 mai 2024, 23LY01228


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 24 octobre 2022 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné en cas d'exécution forcée.

Par un jugement n° 2207926 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté s

a demande.

Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 7 avril 2023, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 24 octobre 2022 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné en cas d'exécution forcée.

Par un jugement n° 2207926 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Dabbaoui, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mars 2023 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 24 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas fait l'objet d'un examen circonstancié de sa situation personnelle concernant le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ;

- il justifie de sa résidence habituelle et continue en France depuis plus de 10 ans et devrait bénéficier de la délivrance du titre prévu par l'article 6, 1° de l'accord franco-algérien modifié ;

- il justifie d'une communauté de vie avec une ressortissante française, depuis plus de quatre ans ; sa mère de nationalité française et son frère résident en France et il justifie d'une insertion sociale et professionnelle ; ainsi, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, né le 28 novembre 1982, est entré en France le 11 mai 2005 sous couvert de son passeport valable jusqu'au 7 mars 2015. Le 16 décembre 2020, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et subsidiairement, sur le fondement du 5° de ce même article. Par décisions du 24 octobre 2022, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. "

3. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Grenoble a répondu de manière suffisamment précise et complète aux moyens dont il était saisi. Par suite, alors que le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés à l'appui des moyens dont il était saisi, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a insuffisamment motivé son jugement.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de la décision en litige, ni des autres éléments du dossier que le préfet de la Haute-Savoie n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1° au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".

6. M. A... soutient qu'il aurait résidé habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige. Toutefois, au titre des années 2010 à 2017, outre une attestation de versements de prestations sociales de la part de la caisse d'allocations familiales pour chacune de ces années, le requérant se borne à produire, pour l'année 2011 un courrier de mise en demeure faisant référence à une ordonnance rendue par le tribunal d'instance de Dijon, signifiée le 28 novembre 2011, relative à une injonction de payer, pour l'année 2012, un unique relevé bancaire datant de juillet 2012 qui ne retrace aucune opération bancaire hormis des frais et des cotisations bancaires, pour 2013, un courrier de l'assurance maladie datant du mois de novembre ainsi qu'un relevé bancaire couvrant des opérations réalisées pour le seul mois de décembre, pour 2014, un relevé bancaire mentionnant le retrait d'une somme de 500 euros, une demande d'ouverture de Livret A effectuée au mois d'octobre et un courrier de l'assurance maladie datant d'octobre concernant le renouvellement de la couverture maladie universelle de base de l'intéressé, pour 2015, un relevé bancaire couvrant des opérations réalisées pour le seul mois de janvier, pour 2016, un récépissé de déclaration de vol et un procès-verbal de plainte pour des faits datés du 7 février 2016, pour 2017, une demande de changement de bureau de gestion de son compte de banque postale effectuée, le 24 novembre et un procès-verbal de plainte déposée au mois d'août. Il en résulte que l'ensemble des pièces versées à l'instance au titre des années 2010 à 2017 ne permettent pas d'établir la continuité de sa présence sur le territoire national au cours de ces années. Dès lors, le requérant ne peut être regardé comme apportant la preuve qu'il remplissait, à la date de la décision en litige, la condition de séjour habituel en France depuis plus de dix ans prévue par les stipulations précitées du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... soutient être installé en France depuis plus de dix ans. Toutefois, pour les motifs exposés au point 6, la durée et la continuité de sa présence en France n'est pas établie par les pièces qu'il produit. S'il fait état de sa relation avec une ressortissante française avec laquelle il dit entretenir une communauté de vie depuis plus de quatre ans, il n'en justifie cependant pas par la production de la seule attestation de sa compagne. Par ailleurs, il ne justifie pas plus de l'intensité de sa relation avec sa mère et son frère de nationalité française. Enfin, si le requérant fait valoir qu'il a entrepris de nombreuses démarches de déclaration de nationalité française, cette seule circonstance ne suffit pas à démontrer l'intensité de son insertion dans la société française. Dès lors, compte tenu de ces éléments, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, lorsque la loi ou une convention bilatérale prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Toutefois, pour les motifs qui ont été exposés au point 6 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il disposerait de plein droit d'un droit au séjour sur le fondement du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, faisant obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

10. En second lieu, eu égard aux éléments de la situation personnelle de M. A... qui ont été exposés aux points 6 et 8 du présent arrêt, l'autorité préfectorale qui a procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle de l'intéressé, n'a pas, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts que cette décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

11. Eu égard à ce qui a été dit sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à exciper de son illégalité.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.

La rapporteure,

P. Dèche

L'assesseur le plus ancien

H. Stillmunkes,

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01228

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01228
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : DABBAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;23ly01228 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award