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16/05/2024 | FRANCE | N°22LY01756

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 16 mai 2024, 22LY01756


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 juin 2022 et le 15 mars 2024, la société Voirondis, représentée par Me Leraisnable, avocat, demande à la cour :



1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 5 avril 2022 par lequel le maire de Voiron a délivré à la SNC Lidl un permis en vue de la démolition de plusieurs bâtiments suivie de la reconstruction de son supermarché avec extension de sa surface commerciale, sur le territoire de cette commune ;

2°) de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial, une somme de 5 ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 juin 2022 et le 15 mars 2024, la société Voirondis, représentée par Me Leraisnable, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 5 avril 2022 par lequel le maire de Voiron a délivré à la SNC Lidl un permis en vue de la démolition de plusieurs bâtiments suivie de la reconstruction de son supermarché avec extension de sa surface commerciale, sur le territoire de cette commune ;

2°) de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial, une somme de 5 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt à agir et sa requête est recevable ;

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

- le dossier de demande du projet que le pétitionnaire a communiqué ne comporte aucune étude suffisante concernant les risques d'inondation ;

- en renforçant l'attractivité commerciale du secteur de la commune de Voiron dans lequel il va s'implanter, le projet va à l'encontre des actions et des investissements mis en place afin d'assurer une revitalisation du centre-ville, une réduction de la vacance commerciale et un dynamisme des commerces existants ;

- le projet ne répond pas aux exigences d'accessibilité par les modes de transports alternatifs ;

- il ne satisfait pas aux exigences requises en matière de performance énergétique ;

- l'exposition des consommateurs au risque d'inondation sera aggravé ; il en est de même du risque de nuisance pour les immeubles voisins ; enfin, le projet ne développe aucun concept novateur.

Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2022, la commune de Voiron, représentée par Me Lamouille, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête n'est pas recevable en l'absence de production des titres prévus par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité compétente ;

- le dossier de demande comprend une étude de danger ainsi que tous les éléments permettant l'analyse du risque d'inondation ;

- le projet d'extension du magasin Lidl existant ne va pas bouleverser les commerces du centre-ville de Voiron en captant une clientèle supplémentaire à leur détriment ;

- le site est suffisamment accessible par les vélos et les piétons ;

- le projet présente des aspects ambitieux au regard des performances énergétiques ;

- aucune aggravation du risque d'inondation n'est constatée ;

- le projet ne crée aucune nuisance supplémentaire pour les voisins ;

- il va permettre d'accroître le confort des consommateurs.

Par des mémoires enregistrés le 15 septembre 2023 et le 5 avril 2024, la SNC Lidl, représentée par Me Bozzi, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité compétente ; en tout état de cause, le permis modificatif intervenu le 2 avril 2024 est venu régulariser un tel vice ;

- le projet n'est pas susceptible de déséquilibrer le tissu commercial existant et de porter atteinte à la revitalisation du centre-ville de Voiron ;

- il sera suffisamment desservi par les modes doux de transport ;

- il comprend d'importants mesures en matière de développement durable ;

- le projet prend suffisamment en compte les risques d'inondation ;

- il ne comporte aucune nuisance supplémentaire pour le voisinage ;

- il va permettre d'améliorer le confort des consommateurs.

Par un mémoire, enregistré le 25 mars 2024, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'elle justifie de la régularité de l'avis rendu le 24 février 2022.

Par un courrier du 28 mars 2024, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, après avoir constaté l'illégalité du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale au vu du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte (en l'absence d'affichage informant le public de la possibilité de consulter le recueil des actes administratifs en ligne) de mettre en œuvre la procédure prévue à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et les a invitées à présenter leurs observations .

Par un courrier enregistré le 5 avril 2024, la société Voirondis a répondu au courrier qui lui a été adressé le 28 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente ;

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

- les observations de Me Le Palabre, représentant la société Voirondis, de Me Lamouille, représentant la commune de Voiron et de Me Canal, représentant la SNC Lidl ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 avril 2021, la SNC Lidl a déposé auprès de la mairie de Voiron une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la démolition de son magasin actuel, ainsi que de trois autres bâtiments, situés avenue du Docteur B..., et la reconstruction sur ce terrain d'un supermarché d'une surface de plancher de 2 557,19 m². Saisie d'un recours contre l'avis favorable rendu par la commission départementale d'aménagement commercial de l'Isère, le 28 septembre 2021, la commission nationale d'aménagement commercial a émis, le 24 février 2022, un avis favorable au projet. Par un arrêté du 5 avril 2022, le maire de Voiron a délivré à la SNC Lidl un permis valant autorisation d'exploitation commerciale. La société Voirondis, qui exploite un supermarché dans la zone de chalandise du projet demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité de l'arrêté du maire de Voiron du 5 avril 2022 :

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) Le maire certifie, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. ". En vertu de l'article R. 2122-7 du même code, d'une part, la publication des arrêtés du maire est constatée par une déclaration certifiée de celui-ci, d'autre part, il est tenu dans chaque commune un registre où sont inscrits les dates d'édiction, de publication et de notification de ces arrêtés. La mention " publié " apposée, sous la responsabilité du maire, sur un acte communal fait foi jusqu'à preuve du contraire.

3. En l'espèce, l'arrêté attaqué du 5 avril 2022 a été signé, " pour le maire et par délégation, l'adjoint à l'environnement, à l'urbanisme, aux travaux et aux mobilités ", par M. C... A.... Il ressort des pièces du dossier que ce dernier a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, reçu délégation à l'effet de signer des documents relatifs aux domaines de l'environnement, de l'urbanisme, des travaux et des mobilités, et spécifiquement pour les actes relatifs notamment à la " délivrance des autorisations relatives au droit des sols (courriers et arrêtés liés aux permis de construire ...) ", par un arrêté du maire du 26 mai 2020, transmis en préfecture du Var et publié dans le Registre des Actes Administratifs du 2ème trimestre 2020 qui a été mis en ligne le 21 août 2020 sur le site de la Ville de Voiron et également mis à disposition du public en mairie. Enfin, si la société requérante fait valoir, dans le dernier état de ses écritures, que les décisions désignant l'adjoint signataire et lui attribuant des compétences déléguées n'ont été transmises au contrôle de légalité que postérieurement à la délégation de signature dont il a par ailleurs bénéficié, cette transmission était toutefois régulièrement intervenue à la date de la décision attaquée et la délégation de signature avait ainsi pu prendre effet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

En ce qui concerne la convocation des membres de la Commission nationale d'aménagement commercial :

4. Aux termes de l'article L. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation de convocation issue du dossier de la Commission nationale d'aménagement commercial, que les membres de cette commission ont été destinataires simultanément le 8 février 2022, par l'application www.e-convocations.com, d'une convocation en vue de la séance de la Commission du 24 février 2022, au cours de laquelle celle-ci a examiné le projet de la SNC Lidl, soit dans le délai prévu par l'article R. 752-34 du code de commerce. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce seraient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial n'auraient pas été mis en mesure d'accéder par ces moyens aux documents en cause, dans le délai de cinq jours prévu par ce même article. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation de la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté.

En ce qui concerne la complétude du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale :

6. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / (...) / 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; / (...) / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / e) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / (...) / g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ; / 5° Effets du projet en matière de développement durable. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : / a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ; / b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments ; / (...) / e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; / (...) / 6° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. / (...) / d) Evaluation des risques naturels, technologiques ou miniers et, le cas échéant, description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs ; (...) ".

7. La circonstance que le dossier de demande d'autorisation ne comporterait pas l'ensemble des éléments exigés par les dispositions précitées, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

8. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la requérante, la SNC Lidl a notamment joint à sa demande d'autorisation d'exploitation commerciale, une étude de danger a qui a été réalisée, le 20 avril 2021, et qui, après avoir exposé les différents éléments de vulnérabilité du site d'implantation du projet, en raison de sa proximité avec le lit de la Morge, expose de manière circonstanciée, les raisons pour lesquelles, les aménagements prévus par le projet sont propres à réduire ces risques d'inondation. Une telle étude a permis de manière suffisante, à la commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier la valeur des mesures prises afin d'assurer la protection des consommateurs des risques d'inondation. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier sur ce point, au regard des exigences de l'article R. 752 6 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce :

9. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.(...) ".

10. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

11. D'autre part, les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-830 QPC du 12 mars 2020, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes. L'analyse d'impact prévue par le III du même article vise à faciliter l'appréciation des effets du projet sur l'animation et le développement économique des centres-villes et de l'emploi et n'institue aucun critère d'évaluation supplémentaire d'ordre économique. Enfin, les dispositions du IV de l'article L. 752-6, relatives à l'existence d'une friche en centre-ville ou en périphérie, ont pour seul objet d'instituer un critère supplémentaire permettant d'évaluer si, compte tenu des autres critères, le projet compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Ces dispositions n'ont pas pour effet d'interdire toute délivrance d'une autorisation au seul motif qu'une telle friche existerait.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet en litige qui consiste en l'extension, après démolition et reconstruction sur le même site, d'un magasin d'alimentation pourra accompagner l'opération de réhabilitation du quartier Baltiss, ainsi que d'autres opérations de constructions de logements, répondant ainsi à de nouveaux besoins alimentaires de la population de la commune et permettant une offre de proximité. Par suite, et alors même que le centre-ville de Voiron comporte un taux de vacance commerciale supérieur à la moyenne, et qu'il fait l'objet d'une opération de revitalisation du territoire, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet aurait un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine de Voiron.

13. En second lieu, si la requérante fait valoir que l'avenue du docteur B... dispose de pistes cyclables discontinues, il ressort des pièces du dossier que le projet n'engendra pas de difficultés particulières de circulation sur cette voie dotée de feux tricolores permettant de réduire la vitesse des automobilistes et de sécuriser la circulation des cyclistes. De même, il ressort des pièces du dossier que la circulation des piétons sera suffisamment sécurisée notamment par la présence de passages signalés au sol ou équipés d'un feu piéton. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le projet assure une accessibilité suffisante aux cyclistes et aux piétons.

S'agissant du développement durable :

14. Si la requérante fait valoir que dans l'avis qu'il a rendu sur le projet, le directeur départemental des territoires de l'Isère a indiqué qu'il aurait été intéressant que le pétitionnaire ne se borne pas à utiliser la norme de construction " réglementation technique 2012 " (RT 2012) mais utilise par anticipation la " réglementation environnementale 2020 ", il ressort des pièces du dossier que ce projet va au-delà des obligations de la RT 2012 et permet d'obtenir une surperformance par rapport à cette norme de 58,7 % sur la consommation d'énergie primaire et 9,4 % sur les besoins bioclimatiques. Il ressort également des pièces du dossier que ce projet sera équipé d'un système informatique " gestion technique du bâtiment " destiné à éviter les surconsommations et les fuites éventuelles, qu'il prévoit notamment l'isolation des langrines, des façades, de la toiture, la pose d'un mur rideau en double vitrage isolant certifié, la pose d'une charpente bois et l'utilisation de peinture sans solvant, un éclairage intégralement en LED, des installations frigorifiques de dernière génération, une toiture photovoltaïque de 955 m² et des ombrières photovoltaïques pour 318 m². Par suite, le projet litigieux ne peut être regardé comme méconnaissant les objectifs fixés par le législateur en matière de développement durable.

S'agissant de la protection du consommateur :

15. En premier lieu, la requérante fait valoir que l'extension du bâtiment, l'aménagement de nouvelles places de stationnement ainsi qu'une voie de circulation pour les poids-lourds seront réalisés au sein d'une zone " rouge " du Plan de Prévention du Risque Inondation (PPRI) de la rivière Morge, caractérisée par un fort risque d'inondation. Toutefois, il ressort de l'étude de danger qui a été réalisée, le 20 avril 2021, à la demande du pétitionnaire qu'en conformité avec le PPRI de la Morge, l'accès aux bâtiments et aux aires de stationnement sera situé au-dessus de la côte de référence, qu'une signalisation claire et visible informera les usagers des risques d'inondation et que la règle du rapport d'emprise au sol en zone inondable (RESI) sera respectée Enfin, il ressort de cette même étude de danger que les aménagements projetés auront pour effet de réduire la vulnérabilité du site notamment en prévoyant la mise en place d'un bassin de rétention des eaux pluviales enfoui, d'une capacité de 259 mètres cubes, la création de places stationnement perméables en pavé drainant et d'un bassin de rétention de 132 m² et, d'autre part, la création d'une zone de protection, située à plus de 7 mètres au-dessus du niveau inondable et capable d'accueillir à la fois l'ensemble des clients et salariés du magasin ainsi qu'une partie de ceux des autres commerces ou activités de la zone avoisinante. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces mesures seraient, au regard du risque en cause, insuffisantes et que le projet méconnaîtrait l'objectif de protection des consommateurs.

16. En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le projet qui consiste à augmenter la hauteur du bâtiment existant va s'accompagner d'une aggravation des nuisances pour les immeubles voisins, entraînant une perte de vue et des nuisances sonores et lumineuses. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'opération comporte une amélioration des constructions présentes, en ce qui concerne notamment le choix des matériaux et l'éclairage et que le projet d'extension du magasin ne comportera pas de nuisances supplémentaires, en termes de circulation, par rapport à la situation existante, dès lors qu'il ne prévoit que la seule réalisation d'une passerelle piétonne, au droit de la limite avec la résidence voisine.

17. En dernier lieu, la requérante se prévaut de l'offre alimentaire dans la zone de chalandise et de ce que le projet ne va pas développer de concept novateur. Toutefois, le projet litigieux a pour objectif d'étendre et de moderniser un magasin existant, en permettant notamment un plus grand confort de circulation des consommateurs et en offrant de nouveaux produits issus de filières locales. Par suite, et alors que la requérante ne peut utilement faire état de la forte densité de l'offre commerciale au sein de cette zone, dès lors que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre des critères à prendre en compte par la commission nationale d'aménagement commercial, le moyen tiré de ce le projet compromettrait les objectifs de protection des consommateurs mentionnés par la loi doit être écarté.

18. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, la société Voirondis n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2022 par lequel le maire de Voiron a délivré à la SNC Lidl un permis en vue de la démolition de plusieurs bâtiments suivie de la reconstruction de son supermarché avec extension de sa surface commerciale, sur le territoire de cette commune.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par la société Voirondis au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance.

20. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 2 500 euros à la commune de Voiron et une somme de 2 500 euros à la SNC Lidl au titre des frais exposés par elles dans cette instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Voirondis est rejetée.

Article 2 : La société Voirondis versera à la commune de Voiron une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Voirondis versera à la SNC Lidl une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Voirondis, à la SNC Lidl, à la commune de Voiron et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la présidente de la commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.

La rapporteure,

P. Dèche,

L'assesseur le plus ancien,

H. Stillmunkes,

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01756

ck


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01756
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : ALEO

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;22ly01756 ?
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