Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 23 mai 2022, le 3 janvier 2023, le 30 août 2023 et le 22 février 2024, la société Auchan Supermarché, représentée par Me Encinas, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 5 avril 2022 par lequel le maire de Voiron a délivré à la SNC Lidl un permis en vue de la démolition de plusieurs bâtiments suivie de la reconstruction de son supermarché avec extension de sa surface commerciale, sur le territoire de cette commune ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Voiron, une somme de 5 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle dispose d'un intérêt à agir et sa requête est recevable ;
- l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial en date du 24 février 2022 est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'est pas démontré que la procédure d'envoi des convocations à la réunion de la commission ait été respectée ;
- le dossier de demande du projet que le pétitionnaire a communiqué comporte une analyse d'impact insuffisante qui ne comprend pas tous les éléments d'information pouvant permettre à la commission de prendre une décision éclairée ;
- le projet ne répond pas à l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement ;
- la réalisation de la passerelle piétonne desservant le projet n'est pas certaine ;
- le projet manque d'accessibilité par les modes de transports doux ;
- il risque d'aggraver le déclin des commerces du centre-ville de Voiron ;
- en s'abstenant de décrire avec suffisamment de précision les mesures propres à valoriser les filières de production locales, la société pétitionnaire n'a pas satisfait aux exigences de l'article R. 752-6 I. 5°c) du code de commerce et la Commission nationale aurait dû lui demander de compléter sa demande sur ce point ;
- les mesures prévues dans le projet ne suffisent pas à garantir la sécurité des consommateurs face au risque d'inondation.
Par des mémoires enregistrés le 23 septembre 2022 et le 21 août 2023, la commune de Voiron, représentée par Me Lamouille, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête n'est pas recevable en l'absence de production des titres prévus par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;
- le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'envoi des convocations à la réunion de la Commission doit être rejeté ;
- l'analyse d'impact du projet est complète ;
- le projet intègre suffisamment l'objectif de compacité des bâtiments et stationnements ;
- la réalisation de la passerelle piétonne est certaine ;
- le site est suffisamment accessible par les vélos et les piétons ;
- l'extension du magasin Lidl ne va pas absorber la clientèle des magasins du centre-ville de Voiron ;
- le dossier était suffisamment renseigné concernant les filières locales de production ;
- aucune aggravation du risque d'inondation n'est constatée.
Par des mémoires enregistrés le 12 juillet 2023 et le 6 octobre 2023, la SNC Lidl, représentée par Me Bozzi, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les membres de la Commission ont été régulièrement convoqués ;
- l'analyse d'impact est complète ;
- le projet ne méconnait pas l'objectif de compacité dès lors que le bâtiment et les places de stationnement sont réfléchies pour consommer un espace raisonnable ;
- la passerelle piétonne sera réalisée de manière certaine ;
- le projet sera suffisamment desservi par les modes doux ;
- il ne va pas entraîner la fragilisation des commerces du centre-ville ;
- le dossier comporte une présentation des producteurs et fournisseurs locaux ;
- le projet prend suffisamment en compte les risques d'inondation.
Par une lettre en date du 29 février 2024, les parties ont été informées que la cour était susceptible de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en retenant le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des membres de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Par un mémoire, enregistré le 7 mars 2024, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'elle justifie de la régularité de l'avis rendu le 24 février 2022.
Par un mémoire enregistré le 8 mars 2024, la SNC Lidl, conclut aux mêmes fins.
Elle fait valoir que, compte tenu des pièces produites par la Commission nationale d'aménagement commercial, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-35 du code de commerce ne peut qu'être écarté et que la cour n'aura pas à faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente ;
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;
- les observations de Me Encinas, représentant la société Auchan Supermarché, de Me Lamouille, représentant la commune de Voiron et de Me Canal, représentant la SNC Lidl ;
Une note en délibéré, enregistrée le 25 avril 2024, a été présentée pour la société Auchan Supermarché ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 30 avril 2021, la SNC Lidl a déposé auprès de la mairie de Voiron une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la démolition de son magasin actuel, ainsi que de trois autres bâtiments, situés avenue du Docteur A..., et la reconstruction sur ce terrain d'un supermarché d'une surface de plancher de 2 557,19 m². Saisie d'un recours contre l'avis favorable rendu par la commission départementale d'aménagement commercial de l'Isère, le 28 septembre 2021, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis, le 24 février 2022, un avis favorable au projet. Par un arrêté du 5 avril 2022, le maire de Voiron a délivré à la SNC Lidl un permis valant autorisation d'exploitation commerciale. La société Auchan Supermarché, qui exploite un supermarché dans la zone de chalandise du projet demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Voiron du 5 avril 2022 :
En ce qui concerne la convocation des membres de la Commission nationale d'aménagement commercial :
2. Aux termes de l'article L. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, le 8 février 2022, le secrétaire de la Commission nationale d'aménagement commercial a adressé de façon simultanée aux membres de cette commission une convocation pour la réunion du 24 février 2022, à laquelle était joint l'ordre du jour et où il était mentionné que tous les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce sont disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. La Commission nationale d'aménagement commercial produit également une attestation de la société Dematis, qui exploite le site " e-convocations.com ", attestant du fait que les convocations ont bien été adressées à leurs destinataires le 8 février 2022. Elle produit également un document justifiant du partage des fichiers annoncés dans les convocations avec les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial qui est une capture d'écran de la plateforme dédiée Sofie faisant apparaître le partage de ces fichiers intitulés " CNAC 517 et 518 du 24 février 2022 " le 9 février 2022 ainsi qu'une attestation du 5 mars 2024 de la secrétaire de la Commission nationale d'aménagement commercial attestant de l'envoi et la mise à disposition des convocations aux membres de la Commission nationale d'aménagement commercial et des documents exigés en vue de la séance du 24 février 2022, le 9 et le 10 février 2022, soit plus de cinq jours avant la date de la séance. Contrairement à ce que prétend la requérante, l'ensemble de ces documents permettent de justifier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été régulièrement convoqués à la séance du 24 février 2022 au moins cinq jours avant celle-ci et qu'ils ont reçu l'ensemble des éléments de dossiers pour la séance en cause conformément aux dispositions précitées. Il est constant qu'aucun membre de la Commission nationale d'aménagement commercial ne s'est plaint de ne pas avoir été destinataire de la convocation ou des documents nécessaires à l'examen des dossiers. Par suite, la société Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article R. 732-35 du code de commerce ont été méconnues.
En ce qui concerne la complétude du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale :
4. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / (...) / 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; / (...) / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / e) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / (...) / g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ; / 5° Effets du projet en matière de développement durable. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : / a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ; / b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments ; / (...) / e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; / (...) / 6° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. / (...) / d) Evaluation des risques naturels, technologiques ou miniers et, le cas échéant, description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs ; (...) ".
5. La circonstance que le dossier de demande d'autorisation ne comporterait pas l'ensemble des éléments exigés par les dispositions précitées, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
6. Contrairement à ce que prétend la requérante, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire comporte une analyse d'impact qui présente les principaux pôles d'activité commerciales ainsi que leur localisation et consacre une partie entière aux " informations relatives aux activités commerciales dans l'environnement proche du projet ". Si la requérante soutient que l'analyse d'impact du dossier ne répertorierait pas précisément les commerces de bouche (boulangerie, boucherie etc.) et de proximité qui sont constitutifs du tissu commercial du centre-ville de la commune de Voiron ni ceux des communes de la zone de chalandise, il ressort de cette étude que celle-ci a présenté notamment sous forme cartographique l'ensemble des commerces situés dans la commune et les communes limitrophes en précisant la nature de leurs activités. Par ailleurs, si, ainsi que le fait valoir la requérante, le dossier de demande ne présente le taux de vacance commerciale que dans la seule commune de Voiron, et non dans les communes limitrophes, cette seule circonstance, n'a pu, dans les circonstances de l'espèce être de de nature à fausser l'appréciation de la commission nationale d'aménagement commercial ou à l'induire en erreur sur les objectifs et les critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce, compte tenu notamment de la nature du projet qui consiste en la démolition et reconstruction d'un magasin existant. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des pièces du dossier que la Commission nationale d'aménagement commercial a été destinataire de l'ensemble des pièces déposés par le pétitionnaire dans son dossier de demande. Par suite, le moyen tiré de ce que le dossier de demande ne répondrait pas aux exigences de l'article R. 752-6 du code de commerce et aurait faussé l'appréciation portée par la commission nationale sur la conformité du projet à la réglementation applicable doit être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce :
7. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.(...) ".
8. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
9. D'autre part, les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-830 QPC du 12 mars 2020, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes. L'analyse d'impact prévue par le III du même article vise à faciliter l'appréciation des effets du projet sur l'animation et le développement économique des centres-villes et de l'emploi et n'institue aucun critère d'évaluation supplémentaire d'ordre économique. Enfin, les dispositions du IV de l'article L. 752-6, relatives à l'existence d'une friche en centre-ville ou en périphérie, ont pour seul objet d'instituer un critère supplémentaire permettant d'évaluer si, compte tenu des autres critères, le projet compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Ces dispositions n'ont pas pour effet d'interdire toute délivrance d'une autorisation au seul motif qu'une telle friche existerait.
S'agissant de l'aménagement du territoire :
10. En premier lieu, la requérante fait valoir qu'alors que le plan local d'urbanisme de la commune de Voiron n'exige que 57 places de stationnement pour le projet en cause, ce dernier prévoit 51 places de stationnement en rez-de-chaussée du bâtiment et crée 73 places supplémentaires sur une aire de stationnement prévue en extérieur, qu'elle évalue à 3 180,23 m² et qui se trouverait, de ce fait, imperméabilisée à 82 % de sa surface. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la surface de 3 180,23 m² correspond à l'emprise au sol de l'aire de stationnement et de circulation des véhicules, qui, du fait de la création de places de stationnement en rez-de-chaussée du bâtiment diminuera de 1 911,12 m², par rapport à l'existant, que les places de stationnement sur la surface extérieure seront réalisées en majorité avec des matériaux drainants, destinés à limiter l'imperméabilisation du terrain, que les surfaces dédiées aux espaces verts en pleine terre seront augmentées de 1 269,95 m², ce qui entraînera une diminution notable des surfaces imperméabilisées et artificialisées. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux serait de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière de consommation économe de l'espace.
11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit l'aménagement d'une passerelle piétonne permettant d'y accéder depuis l'avenue du Docteur A..., nécessitant la suppression d'une partie du garde-corps situé entre le trottoir et l'assiette du projet qui sera réalisée sous la maitrise d'ouvrage du pétitionnaire dans le cadre d'une permission de voirie de la commune de Voiron, propriétaire de la voie. Contrairement à ce que soutient la requérante qui, au demeurant, ne fait état d'aucun élément permettant d'estimer que la commune de Voiron refuserait d'accorder au pétitionnaire une permission de voirie, la commission nationale n'était pas tenue de vérifier que la réalisation de cette passerelle, entièrement financée par ce pétitionnaire, qui constitue un accès piéton complémentaire et ne concerne pas un élément de desserte du projet au sens du f) du 3° du I de l'article R. 752-6 du code de commerce ne pourrait s'effectuer de manière suffisamment certaine.
12. En troisième lieu, si la requérante fait valoir que l'avenue du docteur A... dispose de pistes cyclables discontinues, il ressort des pièces du dossier que le projet n'engendra pas de difficultés particulières de circulation sur cette voie dotée de feux tricolores permettant de réduire la vitesse des automobilistes et de sécuriser la circulation des cyclistes. De même, il ressort des pièces du dossier que la circulation des piétons sera suffisamment sécurisée notamment par la présence de passages signalés au sol ou équipés d'un feu piéton. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le projet assure une accessibilité suffisante aux cyclistes et aux piétons.
13. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet en litige qui consiste en l'extension, après démolition et reconstruction sur le même site, d'un magasin d'alimentation pourra accompagner l'opération de réhabilitation du quartier Baltiss, ainsi que d'autres opérations de construction de logements, répondant ainsi à de nouveaux besoins alimentaires de la population de la commune et permettant une offre de proximité. Par suite, et alors même que le centre-ville de Voiron comporte un taux de vacance commerciale supérieur à la moyenne, et qu'il fait l'objet d'une opération de revitalisation du territoire, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet aurait un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine de Voiron.
S'agissant de la protection du consommateur :
14. D'une part, il ressort du dossier de demande présentée par le pétitionnaire, lequel, contrairement à ce que prétend la requérante, présente une liste des producteurs et fournisseurs locaux, qu'il prévoit une collaboration avec une trentaine d'eux dans le but de permettre la valorisation de ces filières de production locales.
15. D'autre part la requérante fait valoir que l'extension du bâtiment, l'aménagement de nouvelles places de stationnement ainsi qu'une voie de circulation pour les poids-lourds seront réalisés au sein d'une zone " rouge " du Plan de Prévention du Risque Inondation (PPRI) de la rivière Morge, caractérisée par un fort risque d'inondation. Toutefois, il ressort de l'étude de danger qui a été réalisée, le 20 avril 2021, à la demande du pétitionnaire et qui, contrairement à ce que prétend la requérante, a été jointe au dossier de demande, qu'en conformité avec le PPRI de la Morge, l'accès aux bâtiments et aux aires de stationnement sera situé au-dessus de la côte de référence, qu'une signalisation claire et visible informera les usagers des risques d'inondation et que la règle du rapport d'emprise au sol en zone inondable (RESI) sera respectée Enfin, il ressort de cette même étude de danger que les aménagements projetés auront pour effet de réduire la vulnérabilité du site notamment en prévoyant la mise en place d'un bassin de rétention des eaux pluviales enfoui, d'une capacité de 259 mètres cubes, la création de places stationnement perméables en pavé drainant et d'un bassin de rétention de 132 m² et, d'autre part, la création d'une zone de protection, située à plus de 7 mètres au-dessus du niveau inondable et capable d'accueillir à la fois l'ensemble des clients et salariés du magasin ainsi qu'une partie de ceux des autres commerces ou activités de la zone avoisinante. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces mesures seraient, au regard du risque en cause, insuffisantes et que le projet méconnaîtrait l'objectif de protection des consommateurs.
16. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, la société Auchan Supermarché n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2022 par lequel le maire de Voiron a délivré à la SNC Lidl un permis en vue de la démolition de plusieurs bâtiments suivie de la reconstruction de son supermarché avec extension de sa surface commerciale, sur le territoire de cette commune.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par la société Auchan Supermarché au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance.
18. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 2 500 euros à la commune de Voiron et une somme de 2 500 euros à la SNC Lidl au titre des frais exposés par elles dans cette instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Auchan Supermarché est rejetée.
Article 2 : La société Auchan Supermarché versera à la commune de Voiron une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La société Auchan Supermarché versera à la SNC Lidl une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Auchan Supermarché, à la SNC Lidl, à la commune de Voiron et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Dèche, présidente,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.
La rapporteure,
P. Déche
L'assesseur le plus ancien,
H. Stillmunkes,
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY01619
kc