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13/05/2024 | FRANCE | N°22LY02746

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 13 mai 2024, 22LY02746


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SAS Isère Rénovation a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des majorations correspondantes. Le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a, en applica

tion de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, transmis au tribunal sa réclamat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Isère Rénovation a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des majorations correspondantes. Le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, transmis au tribunal sa réclamation tendant à la décharge des mêmes impositions et majorations.

Par un jugement n° 201509-204565 du 22 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 septembre 2022 et 5 mars 2024, la SAS Isère Rénovation, représentée par Me Wolf, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;

3°) d'ordonner le remboursement des sommes déjà versées à ce titre, assorties d'intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif n'a pas statué sur les moyens soulevés à l'encontre du rehaussement consécutif à un profit sur le trésor, après avoir estimé, à tort, qu'un tel profit n'a pas donné lieu à un complément d'imposition ;

- le rappel de taxe sur la valeur ajoutée facturée au taux réduit est mal fondé, dès lors que les travaux effectués au profit du client SCI du Domaine de Malval, qui portent sur des locaux d'habitation dont l'administration ne démontre pas qu'ils n'auraient pas été achevés depuis plus de deux ans, sont éligibles au taux réduit en application de l'article 279-0 bis du code général des impôts et de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-LIQ-30-20-90-10 n° 110 ; la doctrine administrative référencée BOI-TVA-LIQ-30-20-90-40 n° 10 admet que le preneur des travaux soit une personne morale ; l'utilisation de l'enseigne " hôtel du Nord " par la SCI n'implique pas que les travaux aient eu lieu dans un local destiné à l'hébergement individuel ou collectif de personnes physiques ;

- la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux achats de denrées alimentaires, de vêtements, d'un appareil de type " coyote " et à la location d'un téléviseur dans un bungalow est déductible, dès lors que ces dépenses ont eu pour objet de couvrir les frais de repas, de déplacement et d'habillement de M. B... et de l'employé de la SAS Isère Rénovation ; ces dépenses ont, pour les mêmes motifs, été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et sont déductibles de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés ;

- les rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée étant infondées, il ne saurait y avoir de rectification à l'impôt sur les sociétés à raison d'un profit sur le trésor ; en tout état de cause, il ne saurait y avoir de profit sur le trésor au titre du rejet de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée sur une charge, la charge ayant été initialement déduite hors taxe sur le résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ;

- la rectification au titre d'une minoration du chiffre d'affaires est infondée, dès lors que le règlement de la facture du 9 novembre 2014, d'un montant de 5 968,23 euros HT a bien été porté dans les déclarations souscrites par la société ; l'administration ne démontre pas que les factures des 14 juin et 21 décembre 2015 se rapporteraient à des prestations achevées au cours de l'exercice 2015 ;

- c'est à tort que l'administration n'a pas admis en déduction des résultats imposables les indemnités kilométriques versées à M. B..., alors qu'elle a relevé qu'au cours de la période vérifiée, celui-ci est intervenu sur de nombreux chantiers, parfois éloignés, en utilisant son véhicule personnel, ce dont il est justifié par les factures réglées par les clients ;

- les sommes regardées par le service comme des dépenses personnelles de B... ainsi que les indemnités kilométriques qui lui ont été versées sont déductibles, dès lors qu'elles ne portent pas la rémunération de ce dernier à un niveau excessif ; elle est fondée à se prévaloir, sur ce point, de la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHG-40-40-30 n° 1 et BOI-BIC-CHG-40-40-10 n° 120 ;

- la pénalité de 40 % n'est pas justifiée, spécialement pour la rectification relative au taux de taxe sur la valeur ajoutée, qui est neutre pour la SAS Isère Rénovation ;

- l'administration n'a pas motivé la pénalité concernant ce chef de rectification.

Par un mémoire, enregistré le 26 janvier 2024, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 21 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé s'agissant des pénalités et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- un dégrèvement de 632 euros a été prononcé le 25 janvier 2024 s'agissant des pénalités ayant assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis la charge de la SAS Isère Rénovation ;

- pour le surplus, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Isère Rénovation, dont M. B... est le président et l'unique associé, exerce une activité de travaux immobiliers de rénovation intérieure. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2014 et 2015, à l'issue de laquelle, après avoir rejeté la comptabilité présentée comme non probante, l'administration a, selon la procédure contradictoire, réintégré dans ses résultats imposables des recettes non comptabilisées, remis en cause le caractère déductible de certaines charges et de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante et rectifié le taux de taxe sur la valeur ajoutée appliquée à des prestations de travaux. La SAS Isère Rénovation a, en conséquence, été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et s'est vu réclamer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, assorties de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. Elle relève appel du jugement du 22 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes et sa réclamation, ayant le même objet, transmise d'office par le directeur départemental des finances publiques de l'Isère, les a rejetées.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 25 janvier 2024, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a prononcé le dégrèvement, à concurrence de 632 euros, des pénalités ayant assorti les droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SAS Isère Rénovation au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. Les conclusions de la SAS Isère Rénovation sont, dans la mesure de ce montant, devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement :

3. Devant le tribunal administratif, la SAS Isère Rénovation soutenait, à l'encontre des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge, qu'elle ne pouvait être imposée à raison d'un profit sur le Trésor au titre de la taxe sur la valeur ajoutée dont le caractère déductible a été rejeté, dès lors que la charge correspondante a été initialement déduite hors taxe du résultat imposable. Le tribunal, en indiquant, au point 9 du jugement attaqué, qu'il ne ressortait pas de la proposition de rectification du 16 mai 2017 " que l'administration a rehaussé l'imposition de la SAS Isère Rénovation à raison d'un profit sur le trésor ", a entendu répondre à ce moyen. S'il s'est mépris en faisant état de l'absence de rectification au titre d'un profit sur le Trésor, cette erreur relève du bien-fondé de sa décision et non de sa régularité. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que la SAS Isère Rénovation n'a pas présenté d'observations en réponse à la proposition de rectification du 16 mai 2017 qui lui a été régulièrement notifiée. Par suite, il lui appartient de démontrer le caractère exagéré des impositions mises à sa charge.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien autres que ceux mentionnés à l'article 278-0 bis A portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans (...) / 3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire (...) à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au 2. (...) Le preneur doit conserver copie de cette attestation, ainsi que les factures ou notes émises par les entreprises ayant réalisé des travaux jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant la réalisation de ces travaux. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'application du taux réduit est soumis à la double condition que le preneur établisse, à la date du fait générateur de la taxe, ou au plus tard à celle de la facturation, une attestation selon laquelle les travaux effectués remplissent les conditions posées par cet article et que la personne qui réalise ces travaux, et qui établit la facturation, conserve cette attestation à l'appui de sa comptabilité.

7. Il résulte de l'instruction que si, dans la proposition de rectification du 16 mai 2017, le vérificateur a remis en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu par ces dispositions au motif que les preneurs étaient des personnes morales, l'administration a fait valoir, dès la décision de rejet de la réclamation préalable du 31 décembre 2019, que la SAS Rénovation n'avait pas produit, lors du contrôle, les attestations des preneurs indiquant que les travaux effectués remplissent les conditions de fond posées par l'article 279-0 bis du code général des impôts. Contrairement à ce que soutient la SAS Isère Rénovation, il ressort des mentions de cette proposition de rectification que ces attestations lui ont été demandées au cours du contrôle et qu'elle s'est abstenue de les produire. Elle ne les présente pas davantage à l'appui de sa requête d'appel. Il s'ensuit, alors même que les travaux facturés n'auraient pas porté, comme elle le soutient, sans au demeurant l'établir, sur un hôtel, qu'elle ne remplit pas les conditions lui permettant de facturer ses prestations de travaux au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée et que c'est, dès lors, à bon droit, que l'administration a remis en cause le taux réduit appliqué aux prestations facturées à la SCI Domaine de Malval et à la SARL LSDP.

8. La SAS Isère Rénovation n'est pas fondée, sur ce point, à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 10 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-LIQ-30-20-90-40 qui précise que le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée est applicable " toutes autres conditions étant remplies, quelle que soit la qualité du preneur des travaux et qu'il soit une personne physique ou une personne morale ", dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, les autres conditions auxquelles sont soumises l'application du taux réduit n'étaient, dans son cas, pas remplies. Elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir du paragraphe 110 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-LIQ-30-20-90-10, qui prévoit que le taux réduit est applicable aux travaux portant sur " les établissements dont l'objet exclusif ou prépondérant est l'hébergement de personnes physiques ", notamment " les établissements à vocation touristique lorsqu'ils ne font pas l'objet d'une exploitation à titre commercial et sont exonérés de TVA ", en l'absence de démonstration de ce que les travaux en litige auraient porté sur de tels établissements.

9. En second lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ".

10. Il résulte de l'instruction que l'administration a refusé d'admettre en déduction la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des charges, à savoir des dépenses alimentaires, l'achat d'un appareil de type " coyote ", la location d'un téléviseur et l'achat de vêtements, qu'elle a regardées comme non engagées dans l'intérêt de la SAS Isère Rénovation, au motif qu'elles correspondaient, par leur nature, à des dépenses personnelles de son dirigeant, M. B....

11. Si la SAS Isère Rénovation fait valoir que les dépenses alimentaires ont été utilisées pour assurer la confection de repas lors des déplacements de son dirigeant et du salarié de la société sur des chantiers éloignés, elle n'apporte aucun élément de nature à l'établir. S'agissant des frais de location d'un téléviseur, la SAS Rénovation, qui se borne à indiquer qu'ils correspondent à une prestation supplémentaire lors de la location d'un chalet dans un camping, ne justifie pas davantage de leur lien avec son activité, quand bien même la location du chalet n'aurait pas été remise en cause par le service. Il en va de même de l'achat d'un détecteur de radars, dont il n'est aucunement établi qu'il serait utilisé pour les besoins de déplacement de son personnel, et non à titre personnel par M. B..., au nom duquel la facture a été établie, et des achats de vêtements, pour lesquels elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'ils étaient destinés à l'habillement de son personnel, alors, au demeurant, qu'elle n'a employé, au cours des exercices contrôlés, qu'un salarié sur la période du 19 mai au 18 juillet 2015 et que les achats ont été effectués dans des enseignes qui ne proposent pas de vêtements destinés aux professionnels du bâtiment. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre en déduction la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

12. En premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, les rectifications opérées par le service en matière de taxe sur la valeur ajoutée sont fondées et contrairement à ce que soutient la SAS Isère Rénovation, la remise en cause du caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé une charge non admise en déduction des résultats imposables génère une dette de taxe sur la valeur ajoutée à l'égard du Trésor, correspondant à la taxe indûment déduite, que l'administration est en droit de réintégrer dans ses résultats imposables.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. (...) / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. ".

14. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les résultats imposables de la SAS Isère Rénovation des factures de travaux immobiliers non enregistrées en comptabilité, dont les paiements correspondants ont été encaissés, pour un montant de 6 568 euros hors taxe au titre de l'exercice clos en 2014 et, en dernier lieu, de 12 304 euros au titre de l'exercice clos en 2015.

15. Si la SAS Isère Rénovation soutient que le règlement correspondant à la facture F00009 émise le 9 novembre 2014 à destination de la société Vizilloise, d'un montant de 5 968,23 euros, a été porté dans ses déclarations, elle ne l'établit pas. S'agissant de la facture FA00027, d'un montant de 250 euros, émise le 14 juin 2015 au nom de cette même société et de la facture FA00050, d'un montant de 7 054 euros, adressée le 21 décembre 2015 à la SARL A2C, la SAS Isère Rénovation ne démontre pas, ainsi qu'il lui incombe, que les prestations correspondantes, pour lesquelles les factures ont été établies en 2015, n'auraient pas été achevées au cours de l'exercice 2015 et qu'elles ne seraient pas imposables au titre de cet exercice en application des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré ces factures dans le résultat imposable de cet exercice.

16. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre (...). / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. / Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. ".

17. Ainsi qu'il a été dit au point 11 ci-dessus, la SAS Isère Rénovation n'apporte aucun justificatif de nature à établir que les dépenses correspondant à la location d'un téléviseur et à l'achat de denrées alimentaires, d'un détecteur de radar et de vêtements, qu'elle a comptabilisées en charges et que l'administration a regardées, eu égard à leur nature, comme des dépenses personnelles de son dirigeant, ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a réintégré ces charges dans ses bénéfices imposables.

18. Il résulte de l'instruction que la SAS Isère Rénovation a déduit en charges 14 529 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et 17 105 euros au titre de l'exercice clos en 2015 correspondant à des indemnités de déplacement versées à M. B..., son dirigeant, charges dont le vérificateur a remis en cause le caractère déductible en l'absence de tout justificatif de leur caractère professionnel produit au cours du contrôle. Si la SAS Isère Rénovation fait valoir que son dirigeant est contraint d'utiliser son véhicule personnel pour se rendre sur les chantiers lorsque le véhicule de la société est indisponible, elle ne produit aucun justificatif de nature à l'établir. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les charges ainsi déduites à tort dans les résultats imposables de la SAS Isère Rénovation.

19. Contrairement à ce que soutient la SAS Isère Rénovation, les sommes mentionnées aux points 17 et 18 ci-dessus, qui n'ont d'ailleurs pas été comptabilisées comme telles, ne constituent pas des éléments de rémunération indirecte de son dirigeant, susceptibles d'être admises en déduction de ses résultats imposables des deux exercices, mais des dépenses personnelles de M. B.... Par suite, le moyen tiré de ce que ces sommes seraient déductibles dès lors qu'elles ne portent pas le niveau de rémunération du dirigeant de la SAS Isère Rénovation à un niveau excessif ne peut qu'être écarté.

20. La SAS Isère Rénovation n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 1 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHG-40-40-30, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui lui a été appliquée. Elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir du paragraphe 120 de la documentation référencée BOI-BIC-CHG-40-40-10 relative aux critères d'appréciation du caractère normal des rémunérations du personnel d'une entreprise, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la rectification est fondée sur l'absence de caractère professionnel des charges en litige.

Sur les pénalités :

21. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

22. Pour justifier de l'application de la pénalité pour manquement délibéré prévue par ces dispositions aux suppléments d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux recettes non comptabilisées et aux charges non engagées dans l'intérêt de l'exploitation, l'administration fait valoir, d'une part, que la SAS Isère Rénovation n'a pas comptabilisé, a minima, six factures qu'elle a émises et qui ont été réglées par ses clients et que ces minorations de recettes ont été assorties de manquements graves et répétés dans la tenue de la comptabilité présentée, et, d'autre part, qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle prenait en charge ou procédait aux remboursements de dépenses dont le caractère professionnel n'était pas justifié au titre des deux exercices sous revue. Ce faisant, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe en application de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention délibérée de la SAS Isère Rénovation d'éluder l'impôt.

23. Il résulte de ce qui précède, sous réserve du dégrèvement prononcé en cours d'instance, que la SAS Isère Rénovation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au remboursement des sommes versées assorties des intérêts moratoires doivent également, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

24. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme au titre des frais liés au litige exposés par la SAS Isère Rénovation.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 632 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la SAS Isère Rénovation relatives aux pénalités ayant assorti les droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Isère Rénovation est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Isère Rénovation et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

M. Laval, premier conseiller,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, 13 mai 2024.

La présidente-rapporteure,

A. Courbon

L'assesseur le plus ancien,

(dans l'ordre du tableau)

J.-S. Laval

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02746


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02746
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;22ly02746 ?
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