La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2024 | FRANCE | N°23LY02208

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 30 avril 2024, 23LY02208


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. D... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 12 octobre 2022 de la commission des recours préalables obligatoires rejetant leur recours dirigé contre la décision du 9 septembre 2022 de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de l'Ardèche refusant de les autoriser à instruire leur fils en famille au titre des années scolaires 2022-2023 et 2023-2024.



Par une ordonnance n° 2208894 du 6 février 2023, la présidente de la 3ème chambre du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 12 octobre 2022 de la commission des recours préalables obligatoires rejetant leur recours dirigé contre la décision du 9 septembre 2022 de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de l'Ardèche refusant de les autoriser à instruire leur fils en famille au titre des années scolaires 2022-2023 et 2023-2024.

Par une ordonnance n° 2208894 du 6 février 2023, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2023 M. D... et Mme A... C..., représentés par Me Bouhalassa, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2208894 du 6 février 2023 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision du 12 octobre 2022 de la commission des recours préalables obligatoires rejetant leur recours dirigé contre la décision du 9 septembre 2022 de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de l'Ardèche refusant de les autoriser à instruire leur fils en famille au titre des années scolaires 2022-2023 et 2023-2024 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- en retenant que leur demande ne répondait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, la magistrate statuant en première instance a entaché sa décision d'irrégularité ;

- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure et d'une erreur de droit dès lors que la convocation pour le contrôle des connaissances prévu le 18 mai 2022 a été adressée à la famille le 17 mai 2022, en méconnaissance des dispositions de la circulaire n° 2017-056 du 14 avril 2017 ; que les intéressés ont immédiatement fait connaitre leur indisponibilité ; que le contrôle n'a pas été fixé au domicile des parents ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle a été prise par une autorité incompétente.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2024, la rectrice de l'académie de Grenoble conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la décision contestée, prise par une autorité compétente, est suffisamment motivée ;

- le motif du refus du contrôle du 18 mai 2022, qui n'a pas été assorti de pièces justificatives, ne pouvait être regardé comme un motif légitime ;

- le non-respect du délai prescrit à l'article R. 131-16-2 du code de l'éducation est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que les dispositions des articles R. 131-11-8 et R. 131-16-3 prévoient la possibilité de contrôles inopinés ;

- c'est à bon droit que le lieu du contrôle a été fixé dans un lieu extérieur au domicile des requérants ;

- le fils des requérants bénéficie d'une scolarité aménagée depuis le 14 novembre 2022 conformément à leur demande ;

- ils ont fait l'objet d'une mise en demeure de scolariser leur second fils suite au constat de carence de l'instruction en famille.

M. D... et Mme A... C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2023.

Par ordonnance du 4 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 mars 2024 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le fils de M. D... et de Mme A... C..., né le 21 octobre 2009, a régulièrement été instruit en famille au titre de l'année scolaire 2021-2022. Par une décision du 9 septembre 2022, l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale de l'Ardèche leur a refusé l'autorisation d'instruire leur enfant en famille au titre des années 2022-2023 et 2023-2024 et a indiqué aux intéressés que leur fils devrait être scolarisé dans un établissement d'enseignement public ou privé au titre de l'année scolaire 2022-2023. Par une décision du 12 octobre 2022, la commission de l'académie de Grenoble a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par M. D... et Mme A... C... à l'encontre de la décision du 9 septembre 2022. Par une ordonnance du 6 février 2023, dont M. D... et Mme A... C... interjettent appel, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande, tendant à l'annulation de cette décision du 12 octobre 2022.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ". Aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. "

3. Par l'ordonnance attaquée, prise sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté comme irrecevable la demande présentée par M. D... et Mme A... C... au motif que cette demande ne faisait état d'aucun moyen et qu'elle n'avait pas été régularisée dans le délai de recours contentieux. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la demande présentée par M. D... et Mme A... C..., tendant à l'annulation de la décision du 12 octobre 2022 de la commission académique de Grenoble, précisait que l'autorisation prévue à l'article L. 131-5 du code de l'éducation est accordée de plein droit pour les années scolaire 2022-2023 et 2023-2024 aux enfants instruits en famille au cours de l'année scolaire 2021-2022 pour lesquels les résultats du contrôle organisé en application de l'article L. 131-10 du même code ont été jugés satisfaisants et faisait valoir que l'administration n'avait pas respecté le délai de prévenance d'un mois, prévu pour l'organisation du contrôle de connaissances de leur fils instruit à domicile, ni pris en compte le motif tenant à leur indisponibilité et à l'impossibilité pour leur famille de se rendre à la convocation prévue le 18 mai 2022. Cette demande comportait ainsi l'exposé de moyens. Par suite, c'est à tort que la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande comme étant manifestement irrecevable. L'ordonnance attaquée doit en conséquence être annulée.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. D... et Mme A... C....

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 131-5 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille. / (...) / La présente obligation s'applique à compter de la rentrée scolaire de l'année civile où l'enfant atteint l'âge de trois ans. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant : (...) ". Cependant le IV de l'article 49 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a prévu que, par dérogation, l'autorisation d'instruction dans la famille serait accordée de plein droit, pour les années scolaires 20222023 et 20232024, aux enfants régulièrement instruits dans la famille au cours de l'année scolaire 2021-2022 et pour lesquels les résultats du contrôle organisé en application du troisième alinéa de l'article L. 131-10 du code de l'éducation ont été jugés satisfaisants.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 131-10 du code de l'éducation dans sa version applicable aux décisions contestées : " (...) L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation doit au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d'instruction par les personnes responsables de l'enfant prévue au premier alinéa de l'article L. 131-5, faire vérifier, d'une part, que l'instruction dispensée au même domicile l'est pour les enfants d'une seule famille et, d'autre part, que l'enseignement assuré est conforme au droit de l'enfant à l'instruction tel que défini à l'article L. 131-1-1. A cet effet, ce contrôle permet de s'assurer de l'acquisition progressive par l'enfant de chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire. Il est adapté à l'âge de l'enfant et, lorsqu'il présente un handicap ou un trouble de santé invalidant, à ses besoins particuliers. Le contrôle est prescrit par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation selon des modalités qu'elle détermine. Il est organisé en principe au domicile où l'enfant est instruit. / (...) / Les résultats du contrôle sont notifiés aux personnes responsables de l'enfant. Lorsque ces résultats sont jugés insuffisants, les personnes responsables de l'enfant sont informées du délai au terme duquel un second contrôle est prévu et des insuffisances de l'enseignement dispensé auxquelles il convient de remédier. Elles sont également avisées des sanctions dont elles peuvent faire l'objet, au terme de la procédure, en application du premier alinéa de l'article 227-17-1 du code pénal. Si les résultats du second contrôle sont jugés insuffisants, l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation met en demeure les personnes responsables de l'enfant de l'inscrire, dans les quinze jours suivant la notification de cette mise en demeure, dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, l'école ou l'établissement qu'elles auront choisi. Les personnes responsables ainsi mises en demeure sont tenues de scolariser l'enfant dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire suivant celle au cours de laquelle la mise en demeure leur a été notifiée. Lorsque les personnes responsables de l'enfant ont refusé, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle annuel prévu au troisième alinéa du présent article, elles sont informées qu'en cas de second refus, sans motif légitime, l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation est en droit de les mettre en demeure d'inscrire leur enfant dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé dans les conditions et selon les modalités prévues au septième alinéa. Elles sont également avisées des sanctions dont elles peuvent faire l'objet, au terme de la procédure, en application du premier alinéa de l'article 227-17-1 du code pénal. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. ". L'article R. 131-16-1 du même code prévoit un second contrôle dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois lorsque les résultats du premier contrôle ont été jugés insuffisants et aux termes de l'article R. 131-16-2 de ce code : " Lorsque les personnes responsables de l'enfant ont été avisées, dans un délai ne pouvant être inférieur à un mois, de la date et du lieu du contrôle et qu'elles estiment qu'un motif légitime fait obstacle à son déroulement, elles en informent sans délai le directeur académique des services de l'éducation nationale qui apprécie le bien-fondé du motif invoqué. Lorsque le motif opposé est légitime, le directeur académique des services de l'éducation nationale en informe les personnes responsables de l'enfant et organise à nouveau le contrôle dans un délai qui ne peut être inférieur à une semaine. Lorsque le motif opposé n'est pas légitime, il informe les personnes responsables de l'enfant du maintien du contrôle. "

7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. En l'espèce, il est constant que le fils de M. D... et Mme A... C... bénéficiait d'une instruction en famille au titre de l'année scolaire 2021-2022 et entrait, par suite, dans le champs d'application du IV de l'article 49 de la loi du 24 août 2021 prévoyant, à titre dérogatoire, une autorisation d'instruction en famille de plein droit pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024 sous réserve que les résultats du contrôle organisé en application des dispositions précitées de l'article L. 131-10 du code de l'éducation soient jugés satisfaisants. Or, il ressort des pièces du dossier que M. D... et Mme A... C... ont reçu la convocation datée du 13 mai 2022 pour contrôle pédagogique de l'instruction en famille de leur fils E... par un mail du 17 mai 2022, cette convocation prévoyant que le contrôle, qui ne saurait être regardé comme un contrôle inopiné, se déroulerait le lendemain, 18 mai 2022, au collège Bernard de Ventadour à Privas, situé à une heure de route de leur domicile, et non à leur domicile même. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. D... et Mme A... C... ont immédiatement informé l'administration, par mail du 17 mai 2022, de l'impossibilité pour eux de se rendre à cette convocation en l'absence de disponibilité et de véhicule. A supposer même que, dans ces conditions, l'administration puisse être regardée comme établissant une carence au premier contrôle au sens de l'article R. 131-16-4, elle était en tout état de cause tenue, en application des articles R. 131-16-1, 2° et R. 131-16-2, de mettre en place un nouveau contrôle selon les modalités spécifiques prévues par ces dispositions. Or il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'une nouvelle convocation ait été adressée aux intéressés. Dans ces circonstances, M. D... et Mme A... C... ayant été privés des garanties prévues par les dispositions des articles R. 131-16-1, 2° R. 131-16-2 du code de l'éducation, ils sont fondés à soutenir que la décision contestée du 12 octobre 2022 est entachée d'illégalité.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande et de la requête, que la décision du 12 octobre 2022 de la commission académique de Grenoble doit être annulée.

Sur les frais d'instance :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 6 février 2023 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 2 : La décision du 12 octobre 2022 de la commission académique de Grenoble est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., à Mme B... A... C... et au recteur de l'académie de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président-assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02208


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02208
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-01-03 Enseignement et recherche. - Questions générales. - Questions générales concernant les élèves.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BOUHALASSA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-30;23ly02208 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award