Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 19 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office et d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2300522 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2023, Mme B... C..., représentée par Me Schurmann, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300522 du 23 mai 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du 19 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnait les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnait en outre les stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien ;
- elle justifie de circonstances exceptionnelles permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par suite le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de son pouvoir de régularisation
Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
Par une décision du 23 août 2023 Mme B... C... épouse A... s'est vu refuser le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 22 juin 1976, est entrée sur le territoire français le 12 août 2017, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour valable jusqu'au 15 septembre 2017. Elle a disposé d'un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français pour la période du 20 décembre 2017 au 19 décembre 2018. Par un arrêté du 23 juillet 2019, le préfet de l'Isère lui a refusé le renouvellement de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. La légalité de cet arrêté a été confirmée par le tribunal administratif de Grenoble le 22 octobre 2020 puis par la cour administrative d'appel de Lyon le 30 mars 2022. Le 14 juin 2022 elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 19 décembre 2022 le préfet de l'Isère lui a opposé un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office. Par le jugement attaqué du 23 mai 2023, dont Mme C... interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Mme C..., entrée régulièrement sur le territoire français le 12 août 2017, se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis 5 ans à la date de la décision contestée, de la présence en France de sa fille unique et de son intégration professionnelle en qualité d'aide à domicile et d'assistante de vie. Il résulte cependant des pièces du dossier que, si elle a disposé d'un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français pour la période du 20 décembre 2017 au 19 décembre 2018, elle s'est séparée de son époux en juillet 2018 et que le divorce a été prononcé par un jugement du 2 mai 2022. Il en résulte également que par un arrêté du 23 juillet 2019, le préfet de l'Isère lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français devenue définitive qu'elle ne conteste pas ne pas avoir exécutée. La circonstance qu'elle ait occupé des emplois d'aide à domicile et d'assistante de vie à temps partiel jusqu'au 3 janvier 2020 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, puis auprès de particuliers, à raison de quelques heures par semaine depuis février 2021, n'est pas de nature à établir l'existence d'une insertion professionnelle sur le territoire français. Par ailleurs, les circonstances que sa fille, mère d'une enfant née le 1er mars 2023, réside en France sous couvert d'un certificat de résidence de dix ans en qualité de conjointe d'un ressortissant français et que son fils soit décédé en Algérie le 10 novembre 2019 ne sont pas de nature à établir qu'elle serait isolée en Algérie dès lors qu'elle y dispose d'attaches familiales, notamment sa mère et ses huit frères et sœurs, et qu'elle a résidé dans ce pays jusqu'à l'âge de 41 ans où elle a été employée en qualité d'agent principal de l'administration territoriale, en dernier lieu de 2009 à 2017. Dans ces conditions, et eu égard aux conditions du séjour de Mme C... en France, le préfet de l'Isère n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle n'a pas présenté de demande sur ce fondement. Au surplus, elle ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces mêmes stipulations dès lors qu'elle ne justifie être en possession ni du visa long séjour exigées par l'article 9 du même accord pour la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 7 b), ni d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi et valant autorisation de travail.
5. En troisième lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme C..., ressortissante algérienne, n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne lui sont pas applicables.
7. Par ailleurs, eu égard à la situation personnelle de Mme C..., telle qu'elle a été exposée au point 3 du présent arrêt, le préfet de l'Isère, dont l'arrêté mentionne les activités professionnelles de l'intéressée, n'a entaché sa décision d'aucun défaut d'examen ni d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président-assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02083