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30/04/2024 | FRANCE | N°23LY01461

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 30 avril 2024, 23LY01461


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SAS GJ Holding a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017, ainsi que des intérêts de retard correspondants.



Par un jugement n° 2103092 du 28 février 2023, le tribunal administratif de

Dijon a réduit la base de l'impôt sur les sociétés de la SAS GJ Holding au titre de l'exercice clos en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS GJ Holding a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 2103092 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Dijon a réduit la base de l'impôt sur les sociétés de la SAS GJ Holding au titre de l'exercice clos en 2015 d'une somme de 200 000 euros (article 1er), prononcé la décharge correspondante (article 2) et rejeté le surplus de sa demande (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2023, la SAS GJ Holding, représentée par Me Faraut-Parlanti, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et intérêts de retard maintenus à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant des provisions relatives aux créances détenues sur la société Cemip Sro, le résultat comptable de cette société était négatif de 2012 à 2014, le bénéfice dégagé de 38 651 euros au titre de l'exercice clos en 2015 n'ayant servi qu'à compenser la situation financière négative antérieure, et les résultats des exercices clos en 2016 et 2017 sont négatifs à concurrence, respectivement, de 16 494 euros et de 192 547 euros ; il résulte de l'attestation du responsable de la comptabilité de la société Cemip Sro que les créances ne pouvaient pas être réglées au titre des exercices concernés ; elle n'a pas tenté de recouvrer ses créances auprès de cette société, dès lors qu'elle est l'une de ses trois clientes et que la préservation de bonnes relations entre les deux sociétés est primordiale ;

- s'agissant des provisions afférentes aux créances détenues sur la société Julien Kalip Makine (JKM), le résultat de celle-ci était négatif à partir de l'exercice clos en 2015, ainsi qu'au titre des exercices clos en 2016 et 2017 ; les capitaux propres de cette société ont été impactés au cours des exercices clos en 2015, 2016 et 2017 par ces mauvais résultats ; un cabinet turc d'expertise et de contrôle comptable atteste de différentes procédures de recouvrement engagées contre la société JKM par des banques, des fournisseurs et autres créanciers, qui ont conduit à la saisie de biens constituant son patrimoine ; cette société était en complète cessation de production et n'était ainsi plus en mesure de procéder au règlement des créances ; cette société ne pouvait pas faire l'objet d'une procédure de cessation de paiements et de liquidation judiciaire suite aux mesures prises par la Turquie en conséquence de la tentative de coup d'Etat ayant eu lieu dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016 ; ses créances ne lui ont pas été réglées dès lors que la société JKM a été liquidée ;

- elle se prévaut des paragraphes 10 et 20 de la documentation de base référencée BOI-BIC-PROV-20-10-30 et du paragraphe 210 de la documentation de base référencée BOI-BIC-PROV-40-20.

Par un mémoire, enregistré le 27 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS GJ Holding, qui a pour activité la prise et la gestion de participations, est la société holding du groupe familial Julien, spécialisé dans la fabrication de moules à destination des équipementiers automobiles. Elle détient 100 % des parts de la société de droit slovaque Cemip Sro, 51 % des parts de la société de droit turc Julien Kalip Makine (JKM) et 99,6 % des parts de la SA Julien, qui elle-même détient 98,8 % du capital de la société Julien Do Brasil Ltda. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, au terme de laquelle la vérificatrice a remis en cause, selon la procédure de rectification contradictoire, des provisions pour dépréciations de créances clients détenues sur ses deux filiales, ainsi qu'une provision pour dépréciation de créance rattachée à la participation qu'elle détient dans la société Julien Do Brasil Ltda. Elle a, en conséquence, été assujettie à une cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2015 et à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2016 et 2017, assorties d'intérêts de retard. Par un jugement du 28 février 2023, le tribunal administratif de Dijon, après avoir prononcé la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés afférente à l'exercice clos en 2015 et des intérêts de retard correspondants, à concurrence d'une réduction en base de 200 000 euros, a rejeté le surplus des conclusions de la SAS GJ Holding tendant à la décharge de ces impositions. L'intéressée relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. En outre, il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des provisions qu'il entend déduire du bénéfice net que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré au résultat imposable de la SAS GJ Holding de l'exercice clos en 2015 une provision d'un montant total de 545 550 euros, constituée à hauteur de 462 816 euros au cours d'exercices antérieurs et qui a fait l'objet, en 2015, d'une dotation complémentaire de 87 819 euros, comptabilisée à raison du caractère irrécouvrable de créances commerciales détenues sur la société Cemip Sro. Elle a également réintégré, dans ses résultats imposables des exercices 2016 et 2017, des dotations complémentaires de, respectivement, 91 803 euros et de 94 009 euros.

5. Pour justifier de ces provisions, qui correspondent à la totalité des créances détenues sur sa filiale au titre de prestations de mise à disposition de personnel, de location de locaux à usage autre qu'habitation et de location de matériels industriels avec option d'achat, la SAS GJ Holding fait état de la situation financière dégradée de la société Cemip Sro et de la nécessité de préserver, pour la pérennité du groupe, les relations qu'elle entretient avec celle-ci, qui ont fait obstacle à toute démarche en vue du recouvrement. Il résulte toutefois de l'instruction que le chiffre d'affaires de la société Cemip Sro a régulièrement augmenté entre les exercices clos en 2013 et 2015, passant de 796 509 euros à 1 092 734 euros, avant de diminuer légèrement pour s'établir à 1 010 309 euros et 987 340 euros au titre, respectivement, des exercices clos en 2016 et 2017. Le résultat comptable de cette société a été positif à hauteur de 38 651 euros en 2015 et faiblement négatif en 2016 (- 16 494 euros). Si le résultat comptable de l'exercice 2017 a été de - 192 547 euros, il s'est amélioré dès l'exercice suivant (- 11 030 euros). Il résulte également de l'instruction que la société Cemip Sro a payé à la SAS GJ Holding, au titre des frais de location de matériel, de bâtiment et de mise à disposition de personnel, les sommes de 51 710,93 euros sur une facture totale de 133 587,01 euros au titre de l'exercice clos en 2015, de 47 361,72 euros sur une facture totale de 141 010,66 euros au titre de l'exercice clos en 2016, et de 83 707,50 euros sur une facture totale de 111 112,83 euros au titre de l'exercice clos en 2017, ce qui démontre que celle-ci disposait de la trésorerie nécessaire pour honorer, au moins en partie, ses dettes commerciales et n'est pas contredit par l'attestation du responsable de la comptabilité de la société Cemip Sro, au demeurant non signée, établie postérieurement au contrôle le 7 novembre 2018, qui mentionne seulement que la situation financière actuelle de cette société ne lui permet pas d'honorer ses dettes, sans se prononcer sur la période antérieure en litige. Il est par ailleurs constant que la SAS GJ Holding n'a pas tenté, y compris à l'amiable, de recouvrer ses créances non honorées auprès de la société Cemip Sro, sans qu'elle puisse utilement se prévaloir de la nécessité de maintenir de bonnes relations avec celle-ci, dont elle détient la totalité du capital. Ainsi, il n'est pas démontré que les pertes de créances alléguées étaient probables à la clôture des exercices 2015, 2016 et 2017. En tout état de cause, les pertes en cause ne peuvent être regardées comme ayant été évaluées avec une approximation suffisante, dès lors que le taux de provision appliqué a été de 100 %, alors même qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la société Cemip Sro a payé à la SAS GJ Holding, au cours de chacun des exercices en litige, une partie des sommes facturées par celle-ci et que le montant des provisions a été systématiquement supérieur, dans des proportions significatives, au montant des capitaux propres négatifs de la société Cemip Sro. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré, dans ses résultats imposables, les provisions en litige.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré au résultat imposable de la SAS GJ Holding une provision de 131 431 euros au titre de l'exercice 2015, une dotation complémentaire de 26 607 euros au titre de l'exercice 2016 et une dotation complémentaire de 94 009 euros, de laquelle a été retranchée une reprise de 14 384 euros, au titre de l'exercice 2017, comptabilisées par la société à raison du caractère irrécouvrable de créances commerciales détenues sur la société de droit turc JKM.

7. Pour justifier de ces provisions, qui correspondent à la totalité des créances détenues sur sa filiale pour les exercices 2015 et 2017, et à 85 % de ces créances pour l'exercice 2016, au titre de prestations de mise à disposition de personnel, de location de locaux à usage autre qu'habitation et de location de matériels industriels avec option d'achat, la SAS GJ Holding fait état de la situation financière dégradée de la société JKM, qui aurait fait l'objet de procédures de recouvrement par divers créanciers, sans pouvoir bénéficier d'une procédure de liquidation judiciaire en conséquence de la tentative de coup d'Etat en Turquie de juillet 2016. Si le chiffre d'affaires de la société JKM a baissé entre les exercices clos en 2014 et en 2017, passant de 11 070 787 à 2 188 635 livres turques et si son résultat a été négatif à concurrence de - 924 088 livres turques, - 154 306 livres turques et - 106 373 livres turques au titre, respectivement, des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, il résulte de l'instruction que les créances commerciales détenues par cette société se sont élevées, pour chacun de ces exercices, à 2 059 968, 5 493 815 et 6 923 247 livres turques, soit des montants bien supérieurs à ceux de ses dettes commerciales et que la valeur de son stock, tout comme celle de ses immobilisations, dépassait également celle de ses dettes commerciales, tandis que ses capitaux propres sont restés positifs pendant les trois exercices concernés. L'attestation, établie postérieurement au contrôle, le 19 octobre 2018, par un cabinet turc d'expertise et de contrôle comptable, selon laquelle la société JKM est en complète cessation de production et dans l'incapacité de payer ses fournisseurs, ne permet pas de démontrer que tel était le cas pendant les exercices 2015 à 2017, alors qu'elle a réalisé, au cours de ces exercices, des chiffres d'affaires, qu'elle disposait, ainsi qu'il vient d'être dit, de créances commerciales, d'un stock et d'immobilisations d'une valeur conséquente, que la reprise sur provision de 14 834 euros effectuée par la SAS GJ Holding en 2017 révèle un paiement de la part de la société JKM et que cette dernière n'a cessé son activité que le 30 avril 2022. Enfin, la SAS GJ Holding, qui se borne à faire état, sans au demeurant l'établir, de l'impossibilité pour la société JKM d'être placée en liquidation judiciaire du fait des mesures prises par le gouvernement turc dans le cadre de l'état d'urgence décrété en juillet 2016, ne justifie pas de démarches de recouvrement, y compris amiables, entreprises à l'encontre de sa débitrice au cours des exercices 2015 à 2017. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré, dans ses résultats imposables, les provisions en litige.

8. En troisième et dernier lieu, la SAS GJ Holding n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures, des paragraphes 10 et 20 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-PROV-20-10-30 et du paragraphe 210 de la documentation référencée BOI-BIC-PROV-40-20, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui lui a été appliquée.

9. Il résulte de ce qui précède que la SAS GJ Holding n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS GJ Holding est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS GJ Holding et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

M. Laval, premier conseiller,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

La présidente,

A. Courbon

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01461


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01461
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Provisions.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : FIDUCIAL SOFIRAL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-30;23ly01461 ?
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