Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler :
- la décision, intervenue implicitement le 13 mai 2022, par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour portant la mention " passeport talent chercheur " ;
- la décision, intervenue implicitement le 22 septembre 2022, par laquelle ce préfet a refusé de renouveler son récépissé de demande de titre de séjour ;
- l'arrêté du 29 septembre 2022 par lequel ce même préfet lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " passeport talent-chercheur ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n°s 2201284, 2202543, 2202889 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision, intervenue implicitement le 13 mai 2022, par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a refusé de délivrer un récépissé de demande de titre de séjour à M. A... ainsi que l'arrêté du 29 septembre 2022 lui refusant un titre de séjour, et enjoint au préfet de la Côte-d'Or de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée 20 avril 2023, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Rannou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2023 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il était en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour demandé " passeport-talent " ;
- M. A... ne justifiait ni d'un visa de long séjour ni de l'impossibilité d'en obtenir un ;
- M. A... devait effectuer sa demande de carte de séjour par téléprocédure à partir du site internet de l'agence nationale des étrangers en France conformément à l'arrêté du 27 avril 2021, qui exige un numéro de visa de long séjour ;
- les autres moyens invoqués par M. A... doivent être écartés.
La requête du préfet de la Côte-d'Or a été communiquée à M. A..., qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., né en 1988 et de nationalité marocaine, a déposé une demande de titre de séjour portant la mention " passeport talent-chercheur " le 27 décembre 2021 complétée le 26 janvier 2022. Par messages électroniques des 5 avril, 28 avril et 12 mai 2022, son conseil a, en vain, sollicité auprès de la préfecture de la Côte-d'Or la remise d'un récépissé de demande de titre de séjour. Par une ordonnance du 2 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a suspendu la décision du préfet de la Côte-d'Or du 13 mai 2022 refusant d'enregistrer la demande de titre de séjour de M. A... et fait injonction à cette autorité, dans le délai de huit jours, d'une part, de procéder à cet enregistrement, d'autre part, de délivrer à l'intéressé un récépissé valant autorisation provisoire de séjour. A la suite de cette ordonnance, le requérant s'est vu remettre un premier récépissé de demande de titre de séjour portant la mention " autorise son titulaire à travailler ", régulièrement renouvelé jusqu'au 22 septembre 2022. Par un arrêté du 29 septembre 2022, le préfet de la Côte-d'Or lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " passeport talent-chercheur ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Le préfet de la Côte-d'Or interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision, intervenue implicitement le 13 mai 2022, par laquelle il a refusé de délivrer un récépissé de demande de titre de séjour à M. A... ainsi que l'arrêté du 29 septembre 2022, et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 421-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire d'un diplôme équivalent au grade de master qui mène des travaux de recherche ou dispense un enseignement de niveau universitaire, dans le cadre d'une convention d'accueil signée avec un organisme public ou privé ayant une mission de recherche ou d'enseignement supérieur préalablement agréé se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " talent-chercheur " d'une durée maximale de quatre ans. Lorsque la convention d'accueil fait état de l'appartenance à un programme de mobilité, la carte de séjour porte la mention " talent-chercheur-programme de mobilité ". / Cette carte permet l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans le cadre de la convention d'accueil ayant justifié la délivrance du titre de séjour. ". Aux termes de l'article de l'article R. 421-11 du même code : " Lorsque l'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent ", " passeport talent-carte bleue européenne ", " passeport talent-chercheur ", " passeport talent-chercheur-programme de mobilité " ou " passeport talent (famille) " prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11, L. 421-13 à L. 421-21, L. 421-22 et L. 421-23 réside hors de France, la décision de délivrance du titre de séjour sollicitée est prise par l'autorité diplomatique et consulaire. / La carte de séjour est remise à l'étranger par le préfet du département où l'étranger a établi sa résidence en France ou, à Paris, par le préfet de police, sur présentation de son passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " passeport talent ". / Dans l'attente de la délivrance du titre, le préfet délivre une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. / Lorsque l'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée au premier alinéa est déjà admis au séjour sur le territoire français, la décision de délivrance est prise par le préfet de son lieu de résidence ou, à Paris, par le préfet de police. ".
3. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle dont il justifierait.
4. Pour refuser de délivrer à M. A..., entré sur le territoire français muni d'un visa de type C, le titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a retenu que l'intéressé était dépourvu d'un visa de long séjour, et qu'il n'avait pas été précédemment admis au séjour par l'autorité compétente pour délivrer la carte de séjour pluriannuelle " passeport talent-chercheur ", qui est par principe l'autorité diplomatique et consulaire. Il a ensuite seulement examiné l'atteinte aux stipulations des articles 8 et 3 de la convention européenne des droits de l'homme auxquelles sa décision était susceptible de porter. Toutefois, s'il résulte des dispositions citées au point 2 que l'autorité compétente pour délivrer à un étranger qui ne réside pas déjà en France sous couvert d'un visa de long séjour ou d'un titre de séjour, la carte de séjour " passeport talent-chercheur " est l'autorité diplomatique ou consulaire, et si le préfet de la Côte-d'Or pouvait, pour ces motifs et sans erreur de droit, refuser la délivrance du titre sollicité, il est constant qu'ainsi que le préfet le rappelle lui-même sans ses écritures et qu'il ressort du courrier adressé par le conseil de M. A... le 26 janvier 2022, ce dernier a formé une demande tendant à ce que le préfet mette en œuvre son pouvoir de régularisation, lequel existe par ailleurs sans fondement textuel et sans que les dispositions précitées y fassent obstacle. Il ressort en outre notamment des termes de la décision attaquée que le requérant était, à la date de ses diverses demandes, titulaire d'une convention d'accueil qui avait été prolongée jusqu'au 30 juin 2022 afin de dispenser des cours aux étudiants de l'école spéciale des travaux publics du bâtiment et de l'industrie de Paris. Dans ces conditions, en estimant qu'il était tenu de refuser le titre sollicité, ainsi qu'il le soutient en première instance et en appel, le préfet de la Côte-d'Or a ignoré, en méconnaissant l'étendue de sa compétence, la faculté de régularisation qu'il détient.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision implicite de refus de délivrer un récépissé de demande de titre de séjour à M. A... ainsi que son arrêté du 29 septembre 2022 par lequel il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " passeport talent-chercheur ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le préfet de la Côte-d'Or.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Côte-d'Or, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01355