Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
1°) Sous le n° 2207283, Mme C... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 21 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.
2°) Sous le n° 2207288, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 21 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2207283-2207288 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
I°) Par une requête enregistrée le 27 mars 2023 sous le n° 23LY01072, M. A... B..., représenté par Me Samba Sambeligue, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2207283-2207288 du 23 février 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 21 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation sous couvert d'un récépissé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- le jugement n'est pas motivé sur la possibilité de changer de statut ;
- il prend acte de ce que les décisions ne sont pas entachées d'incompétence compte tenu de la délégation de signature régulière produite par le préfet de l'Isère ;
- les décisions ne sont pas motivées ;
- le refus de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il méconnait le 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ; il méconnait le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été édictée sans respecter son droit d'être entendu ; elle méconnait le 2° et le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a été adoptée sans prendre en considération son activité professionnelle ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnait le 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée pour les mêmes motifs que la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
II°) Par une requête enregistrée le 27 mars 2023 sous le n° 23LY01125, Mme C... D... épouse B..., représentée par Me Samba Sambeligue, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2207283-2207288 du 23 février 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 21 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation sous couvert d'un récépissé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... soutient que :
- le jugement n'est pas motivé sur la possibilité de changer de statut ;
- elle prend acte de ce que les décisions ne sont pas entachées d'incompétence compte tenu de la délégation de signature régulière produite par le préfet de l'Isère ;
- les décisions ne sont pas motivées ;
- le refus de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il méconnait le 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ; il méconnait le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été édictée sans respecter son droit d'être entendue ; elle méconnait le 2° et le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a été adoptée sans prendre en considération son insertion et l'activité professionnelle de son époux ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnait le 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée pour les mêmes motifs que la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
La demande d'aide juridictionnelle présentée pour M. et Mme B... a été déclarée caduque par une décision du 24 avril 2024 du bureau d'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants algériens nés respectivement le 5 janvier 1977 et le 14 octobre 1988, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, chacun en ce qui le concerne, l'annulation des décisions du 21 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué du 23 février 2023, le tribunal a rejeté leurs demandes. Il y a lieu de joindre les requêtes d'appel de M. et Mme B..., qui présentent à juger des questions communes.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal, après avoir régulièrement visé les conclusions et moyens des demandes, a exposé les textes sur lesquels le jugement se fonde ainsi que ses motifs de fait. Le jugement est dès lors régulièrement motivé. Contrairement à ce qu'allèguent les requérants, ni le préfet ni le tribunal ne se sont fondés sur ce qu'un changement de statut serait légalement impossible et le tribunal n'avait dès lors pas à motiver son jugement sur ce point.
Sur la légalité des refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des demandes de délivrance de titres de séjour signées par les requérants et produites en défense en première instance qu'ils ont chacun demandé la délivrance d'un titre de séjour en invoquant leur situation privée et familiale. Au regard de ces demandes, qui ne faisaient valoir aucun motif professionnel, le préfet a exposé les motifs de droit et de fait de ses décisions portant refus de séjour, qui sont ainsi régulièrement motivées et procèdent de l'examen effectif de la situation des intéressés. Ainsi qu'il a été dit, le préfet ne s'est pas fondé sur l'impossibilité de solliciter un changement de statut, mais uniquement sur ce que les conditions de délivrance du titre sollicité ne sont pas réunies.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... sont tous les deux nés en Algérie, respectivement le 5 janvier 1977 et le 14 octobre 1988, qu'ils s'y sont mariés et ils indiquent que leurs trois premiers enfants y sont nés. M. B... avait la qualité d'imam et il est entré en France le 24 janvier 2015 dans le cadre d'un détachement temporaire auprès de la grande mosquée de Paris. A l'issue de ce détachement, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et il expose, sans fournir de justificatifs, qu'il aurait exercé une activité professionnelle en évoquant sans autre précision une activité de livreur Uber puis de commerçant. Le préfet a pour sa part établi en première instance que M. B... a tenté d'obtenir une embauche à durée déterminée comme préparateur de commande en présentant un titre de séjour italien frauduleux. Enfin M. B... a déclaré dans sa demande de séjour ne pas exercer d'activité professionnelle. Mme B... avait rejoint son mari le 7 août 2016, ainsi que le relève le préfet, et elle n'établit pas une entrée antérieure. M. et Mme B... ne font valoir aucune attache familiale en France et ils ne produisent aucun élément établissant une insertion particulière ni aucun élément sur la situation de leurs enfants. Ainsi qu'ils l'ont indiqué dans leurs demandes de séjour, leurs parents et tous leurs frères et sœurs demeurent dans leur pays d'origine où ils ont eux-mêmes vécu l'essentiel de leur existence. S'ils évoquent, pour la première fois en appel, l'état de santé de l'un de leurs enfants, ils ne produisent aucun élément probant ni aucune explication circonstanciée. Eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour, qui avait vocation à se limiter à la durée d'un détachement temporaire, le préfet n'a pas, en leur refusant la délivrance de titres de séjour, porté une atteinte excessive à leur droit au respect de leur vie privée et familiale au regard des buts que ces décisions poursuivent. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé doivent en conséquence être écartés. Compte tenu des éléments qui viennent d'être exposés, le préfet n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur des enfants du couple au sens du 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. Enfin, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de M. et Mme B....
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, les décisions, qui exposent leurs motifs de droit et de fait, sont régulièrement motivées.
6. En deuxième lieu, le préfet a statué au vu des demandes de délivrance de titres de séjour présentées par M. B... et Mme B..., qui ont ainsi été pleinement en mesure d'exposer leurs situations et il leur était en outre loisible d'apporter tout complément qu'ils auraient estimé utile. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti comme principe du droit de l'Union, doit dès lors être écarté comme manquant en fait.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ". Ainsi qu'il a été exposé, le préfet a refusé à M. et Mme B... la délivrance de titres de séjour. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français qu'il a prises à leur encontre se fondent sur ces décisions portant refus de séjour et elles ont ainsi été régulièrement édictées sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 précité. Les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance du 2° du même article, sur les dispositions duquel les décisions d'éloignement en litige ne se fondent pas.
8. En quatrième lieu, en l'absence d'autre argument, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs qui ont été exposés au point 5 du présent arrêt.
Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire :
9. Les décisions, qui exposent leurs motifs de droit et de fait, sont régulièrement motivées.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
10. En premier lieu, les décisions, qui exposent leurs motifs de droit et de fait, sont régulièrement motivées.
11. En second lieu, les requérants se bornent, sans autre indication, à renvoyer aux moyens soulevés à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Alors que le préfet a désigné comme pays de renvoi le pays dont les requérants ont la nationalité ou tout autre pays où ils établiraient être admissibles, les moyens tirés de la méconnaissance du droit d'être entendu, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs qui ont été exposés aux points 7 et 9 du présent arrêt. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit pour sa part être écarté comme inopérant.
12. Il résulte de tout ce qui précède que ni M. B... ni Mme B... ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. A... B... et de Mme C... D... épouse B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme C... D... épouse B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président-assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY01072 - 23LY01125