Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à l'indemniser de ses préjudices et d'ordonner un complément d'expertise concernant les préjudices imputables aux infections subies à compter de l'année 2003.
Par un jugement avant-dire droit n° 1608306 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise.
L'expert désigné a remis son rapport le 31 mars 2021 et un rapport complémentaire le 30 mai 2021.
Par un jugement n° 1608306 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juin 2022, M. D... A..., représenté par la SELARL Sandra Bellier et Associés, agissant par Me Bellier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1608306 du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de prononcer l'annulation du rapport d'expertise rendu par le Docteur B..., avec toutes les conséquences légales, et d'ordonner une nouvelle expertise ;
3°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme de 2 216 456,08 euros, à parfaire, en réparation de l'ensemble de ses préjudices ;
4°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens, notamment au paiement des frais d'expertise ;
5°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conditions d'engagement de la solidarité nationale au titre de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique sont réunies au regard des conséquences des diverses infections nosocomiales qu'il a contractées au cours des hospitalisations subies depuis février 2003 ;
- le déficit fonctionnel permanent, imputable à l'endocardite infectieuse contractée en 2010, permet d'atteindre le seuil de gravité prévu par les dispositions du code de la santé publique pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale dès lors que les taux de déficit fonctionnel permanent de 5 % au titre des séquelles psychologiques et de 5 % au titre de la parésie du membre supérieur causée par l'embolie pulmonaire doivent être pris en compte et qu'il en résulte un taux de déficit fonctionnel permanent de 34 % imputable à cette infection nosocomiale ;
- par ailleurs, l'évaluation des préjudices imputables aux infections antérieures à 2010 ne peut se résumer au seul taux de déficit fonctionnel permanent au regard des conséquences de ses infections sur ses conditions d'existence ainsi que des préjudices économiques et professionnels en résultant ;
- en tout état de cause, les préjudices imputables aux différentes infections nosocomiales subies n'ont pas fait l'objet d'une évaluation ;
- sa prédisposition aux infections, du fait de son immunodépression, est sans incidence sur le caractère nosocomial des infections survenues au cours de ses hospitalisations ;
- les conséquences de la prescription à hautes doses de corticoïdes ne peuvent être rattachées à l'évolution normale de sa pathologie rénale ;
- le taux de prévalence de 50 % retenu par l'expert s'agissant de la survenue d'une ostéonécrose du fait de l'administration de corticoïdes est contestable au regard des taux résultant d'une étude consacrée aux patients greffés ;
- la partialité et le manque d'objectivité de l'expert, qui a refusé de qualifier de nosocomiales les infections subies et qui n'a pas procédé à l'évaluation des préjudices résultant de ces infections, justifient qu'une nouvelle expertise avant-dire droit soit ordonnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Saumon, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'expertise sollicitée par M. A... est dépourvue d'utilité ;
- les infections présentées par M. A... ne peuvent être qualifiées d'infections nosocomiales ;
- en tout état de cause, le dommage subi par M. A..., qu'il impute aux infections contractées durant ses prises en charge hospitalières, n'atteint pas le seuil de gravité ouvrant droit à indemnisation par la solidarité nationale ;
- les préjudices dont M. A... sollicite l'indemnisation sont imputables à l'évolution prévisible de son état antérieur et non à un accident médical ;
- en tout état de cause, les dommages ne sauraient être qualifiés d'anormaux au regard de l'état de santé du patient et de son évolution prévisible dès lors qu'ils ne peuvent être regardés comme étant plus graves que ceux auxquels pouvait conduire l'évolution de la maladie en l'absence de traitement ;
Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée le 6 octobre 2023 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., né le 26 février 1978, présente, depuis l'âge de 3 ans, un syndrome néphrotique ayant nécessité un traitement à base de corticoïdes à forte dose, une hémodialyse dès l'âge de 15 ans, une greffe rénale en 1995 puis un traitement immunosuppresseur par ciclosporine. A compter de février 2003, M. A... a été traité pour un lymphome de Burkitt dans le service d'hématologie des hospices civils de Lyon. En mars 2003, il a présenté une méningite bactérienne à streptocoque bovis, puis en mai 2003, il a contracté une endocardite infectieuse sur valve aortique à streptocoque G et candida nécessitant, en urgence, la pose d'une prothèse valvulaire. En octobre 2003, une infection articulaire à staphylocoque epidermis s'est déclarée au genou droit. En mars 2006, une ostéonécrose aseptique bilatérale des hanches a été diagnostiquée. En janvier 2007, M. A... a déclaré une pneumonie infiltrative, pathologie qui sera qualifiée de chronique avec un diagnostic de sarcoïdose en septembre 2010. En mai 2010, une endocardite à staphylocoque doré sensible à la méticilline, avec atteinte mitrale et aortique sur prothèse avec abcès péri-prothétique, a été diagnostiquée. Elle a nécessité l'instauration d'une antibiothérapie puis la réalisation d'une thoracotomie pour nettoyage d'abcès et remplacement valvulaire, intervention au cours de laquelle est survenue une embolie gazeuse. Par une ordonnance du 4 décembre 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise à la demande de M. A.... Au vu de l'expertise réalisée le 26 juin 2013 par le professeur C..., M. A... a présenté une demande d'indemnisation à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales qui a rejeté cette demande par une décision du 29 septembre 2016. Par un jugement avant-dire droit du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon, après avoir rejeté les conclusions tendant à une indemnisation par la solidarité nationale des préjudices consécutifs à l'embolie gazeuse, a prescrit une expertise visant, notamment, à préciser l'éventuel caractère nosocomial des infections dont M. A... a été victime ainsi que des éléments relatifs aux probabilités de développement de l'ostéonécrose et de l'endocardite infectieuse au regard de ses traitements et prises en charge. Le docteur B..., expert missionné, a déposé son rapport le 31 mars 2021 et un rapport complémentaire le 30 mai 2021. Par un jugement du 5 avril 2022, dont M. A... interjette appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 et de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique.
Sur la régularité de l'expertise :
2. Si M. A... met en cause l'impartialité et le manque d'objectivité de l'expert désigné, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que celui-ci aurait entretenu des relations directes ou indirectes avec une des parties à l'instance. Les seules critiques des conclusions de cet expert, s'agissant de l'exclusion du caractère nosocomial des infections, de l'insuffisante évaluation des préjudices en résultant ou du taux de prévalence retenu pour la survenue d'une ostéonécrose du fait de l'administration de corticoïdes, ne sont pas de nature à caractériser un défaut d'impartialité, ni à entacher d'irrégularité le rapport d'expertise, dont le caractère contradictoire n'est au demeurant pas contesté. Par suite, les conclusions tendant à faire constater la nullité du rapport d'expertise doivent être écartées.
Sur la demande d'indemnisation au titre de la solidarité nationale :
3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : / 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; / 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. "
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique.
5. La condition d'anormalité du dommage, prévue par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.
6. Enfin, pour l'application du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, il incombe au juge administratif, dans le cas où il est demandé à l'ONIAM de réparer, au titre de la solidarité nationale, plusieurs dommages résultant d'un même accident médical, d'une même affection iatrogène ou d'une même infection nosocomiale, de procéder à une appréciation globale des conditions, d'une part, d'anormalité et, d'autre part, de gravité de l'ensemble de ces dommages. Si, en revanche, les dommages résultent de plusieurs accidents médicaux, affections iatrogènes ou infections nosocomiales indépendants, il incombe au juge administratif d'apprécier de façon distincte les conditions d'anormalité et de gravité de chacun d'entre eux.
En ce qui concerne les affections iatrogènes :
S'agissant de l'ostéonécrose :
7. Il résulte des rapports d'expertise que l'ostéonécrose aseptique des têtes fémorales, des condyles et des genoux et l'ostéonécrose de l'astragale dont souffre M. A... résultent de la corticothérapie à haute dose qui lui a été administrée dès l'âge de 3 ans pour le traitement de son syndrome néphrotique, afin d'éviter une insuffisance rénale totale avant l'âge de 15 ans, puis pour le traitement des risques de rejets aigus de greffe du rein à compter de 1995, ainsi qu'en février 2003 pour le traitement du lymphome de Burkitt, qui impliquait une chimiothérapie associée à une corticothérapie massive. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, que de tels traitements médicamenteux présentaient une indication impérative tant pour le traitement du syndrome néphrotique, dont souffre M. A... depuis sa petite enfance, que pour le traitement du lymphome de Burkitt survenu en 2003 qui, en l'absence de tels traitements, auraient entraîné, l'un comme l'autre, des conséquences notablement plus graves compte tenu, d'une part, des risques de décès en l'absence de traitement du syndrome néphrotique comme des risques inhérents à la dialyse ou à la transplantation rénale pour un jeune enfant et, d'autre part, s'agissant du lymphome de Burkitt, du risque de décès à très brève échéance. Par ailleurs, l'expert a estimé les chances de développement d'une telle complication, dans le cadre spécifique d'un usage massif de corticoïdes pendant de nombreuses années, à 50 % en prenant notamment en compte la corrélation, établie par la littérature scientifique, entre la survenue de ces complications et les paramètres de temps et de dose d'administration. Une telle évaluation n'est pas utilement contredite par les probabilités inférieures constatées dans des études portant sur une population plus large, avec 5 à 35 % des cas, ou de 4 % constatées sur une population de personnes greffées seulement partiellement traitées par corticoïdes, dès lors que ces hypothèses ne correspondent pas à la situation de M. A.... Dans ces conditions, les conséquences des traitements administrés à M. A... n'étant pas notablement plus graves que celles induites par une absence de traitement et le risque de survenue d'ostéonécrose ne pouvant être regardé comme faible en l'espèce, les conséquences dommageables induites par l'usage de doses massives et répétées de corticoïdes ne remplissent pas la condition d'anormalité ouvrant droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale.
S'agissant des troubles chochléo-vestibulaires :
8. Il ressort des rapports d'expertise que les troubles chochléo-vestibulaires, associant une surdité, des vertiges et des troubles de l'équilibre, majorés par l'occlusion des yeux, dont M. A... a également été atteint, sont en lien direct avec l'utilisation d'antibiotiques à base d'aminosides pour le traitement de l'endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire mécanique aortique diagnostiquée en mai 2010. L'expertise du 31 mars 2021 précise qu'une telle pathologie est une urgence médicale dont l'absence de traitement entraine une insuffisance cardiaque engageant le pronostic vital. Par ailleurs, il ressort des éléments de littérature scientifique produits à l'appui du rapport complémentaire du 30 mai 2021 que les complications vestibulaires et cochléaires liées au risque toxique d'un tel traitement présentent respectivement une probabilité de survenance de 10 % et 26 %, qui ne peuvent être regardées comme faibles. Dans ces conditions, les conséquences du traitement par antibiotiques à base d'aminosides administrés à M. A... n'étant pas notablement plus graves que celles induites par une absence de traitement et les complications induites par un tel traitement ne présentant pas une probabilité de survenue faible, les troubles chochléo-vestibulaires dont souffre M. A... ne remplissent pas la condition d'anormalité ouvrant droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale
En ce qui concerne l'accident médical :
9. Il résulte de l'instruction, que l'embolie gazeuse per opératoire dont M. A... a été victime dans les suites de l'intervention chirurgicale du 25 juin 2010, pour remplacement valvulaire aortique et de l'aorte ascendante, la réimplantation des coronaires et un remplacement valvulaire mitral, rendue nécessaire par l'évolution de son endocardite infectieuse, est un accident médical rare, connu et de survenue imprévisible dans ce type d'intervention. L'expert précise que cet accident médical est responsable d'une incapacité temporaire totale pendant les périodes d'hospitalisation qui lui sont directement liées, soit du 25 juin au 9 juillet 2010 et d'un déficit fonctionnel temporaire de 5 % en lien avec une parésie modérée d'un membre supérieur. Par ailleurs, il ne résulte pas des expertises que cet accident médical aurait entrainé, par lui-même, un arrêt temporaire d'activité professionnelle, une inaptitude professionnelle ou des troubles particulièrement graves dans les conditions d'existence de M. A.... Par suite, l'embolie gazeuse dont a été victime ce dernier ne présente pas un caractère de gravité permettant une indemnisation au titre de la solidarité nationale.
En ce qui concerne les infections nosocomiales :
10. Selon le deuxième alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) ". Doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial au sens de ces dispositions une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. Il n'y a pas lieu de tenir compte de ce que la cause directe de cette infection a un lien avec une pathologie préexistante ou l'état initial du patient.
11. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que M. A... a été victime d'une méningite bactérienne à streptocoque bovis en mars 2003, d'une endocardite infectieuse sur valve aortique à streptocoque G et candida en mai 2003, lors de sa prise en charge par les Hospices civils de Lyon pour la période comprise entre les mois de janvier et juillet 2003. Si les experts missionnés ont tous deux conclu que ces infections ne présentaient pas de caractère nosocomial, la circonstance que l'état de santé de M. A... ait nécessité, de longue date, un traitement immuno-suppresseur important l'exposant aux complications infectieuses, ne suffit pas à rattacher les infections précitées à une cause étrangère au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dès lors que la condition d'extériorité n'est pas remplie et quand bien même elles étaient très difficile à prévenir.
12. En revanche, si une endocardite infectieuse à staphylocoque doré méti S, justifiant une hospitalisation à compter du 19 mai 2010, a été diagnostiquée suite à des prélèvements d'hémocultures effectués au cours d'une dialyse réalisée le 15 mai 2010, il ne ressort d'aucun élément du dossier que M. A... aurait été hospitalisé avant cette date ou que l'infection aurait été contractée au cours ou du fait de cette dialyse. Au demeurant, il ressort de l'expertise de mars 2021 que M. A... a subi des soins dentaires sans antibioprophylaxie en avril 2010 et pratiquait une automédication à raison de problèmes respiratoires depuis le 10 mai 2010. Dans ces circonstances, l'endocardite infectieuse survenue en 2010 ne peut être qualifiée d'infection nosocomiale.
13. Il résulte de ce qui précède que seules les infections contractées en 2003 revêtent le caractère d'infections nosocomiales.
14. Il résulte du rapport du docteur B..., que M. A... présente des déficits fonctionnels permanents de 50 %, en lien avec les complications osseuses causées par des corticothérapies, de 24 %, en lien avec les troubles vestibulaires et cochléaires provoqués par les traitements antibiotiques à base d'aminosides utilisés pour le traitement de l'endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire diagnostiquée en mai 2010, de 5 %, en lien avec une parésie subséquente à l'embolie pulmonaire survenue au cours de l'intervention chirurgicale de juin 2010 rendue nécessaire par l'aggravation de cette même endocardite infectieuse et de 5 % en lien avec des séquelles psychologiques, complications qui ainsi qu'il a été dit aux points 7 à 9, ne remplissent pas les conditions permettant une indemnisation au titre de la solidarité nationale. Au regard de ces éléments, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de M. A... en lien direct et exclusif avec les infections nosocomiales contractées en 2003 ne saurait être supérieur à 25 %. Les conditions d'engagement de la solidarité nationale au titre de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ne sont dès lors pas réunies s'agissant de ces infections nosocomiales.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
16. En premier lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais et honoraires de l'expertise du 26 juin 2013, taxés et liquidés par une ordonnance du président du tribunal administratif de Lyon du 5 septembre 2014 à la somme totale de 2 817 euros ainsi que les frais et honoraires de l'expertise du 31 mars 2021, taxés et liquidés à la somme de 2 100 euros par une ordonnance du 11 juin 2021 de la présidente du tribunal administratif de Lyon, sont mis à la charge définitive de l'ONIAM.
17. En second lieu, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. A....
DECIDE :
Article 1er : Les frais et honoraires de l'expertise du 26 juin 2013, taxés et liquidés par une ordonnance du président du tribunal administratif de Lyon du 5 septembre 2014 à la somme totale de 2 817 euros ainsi que les frais et honoraires de l'expertise du 31 mars 2021, taxés et liquidés à la somme de 2 100 euros par une ordonnance du 11 juin 2021 de la présidente du tribunal administratif de Lyon, sont mis à la charge définitive de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales..
Article 2 : Le jugement du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Lyon est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Copie en sera adressée au Dr B....
Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY01698