Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2303092 du 11 juillet 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté (article 1er) et a enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours (article 2).
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 1er août 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision de refus de séjour méconnaissait l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le signataire de l'arrêté est compétent ;
- les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français sont motivées ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision de refus de renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étudiant ; en tout état de cause, cette décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté ne fixe pas de pays de destination ; en tout état de cause, il n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2023, M. C... B..., représenté par Me Miran, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est entaché d'insuffisance de motivation ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., ressortissant gabonais né le 4 février 2000, est entré régulièrement sur le territoire français le 5 septembre 2018 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa long séjour valable du 31 août 2018 au 31 août 2019, puis il s'est vu délivrer des cartes de séjour temporaire mention " étudiant - élève " valables du 1er septembre 2019 au 31 août 2022. M. B... a demandé le 2 août 2022, auprès de la préfecture de l'Isère, le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 19 avril 2023, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 11 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours.
2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, d'apprécier notamment, à partir de l'ensemble du dossier et sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies.
3. M. B... a validé en 2019 la deuxième année de la licence " sciences, technologies et santé " mention " électronique, énergie électrique, automatique " et a réussi en 2020 le diplôme de licence correspondant à cette spécialité. Si l'intéressé soutient qu'il a dû s'inscrire par défaut en 2020 en formation privée en alternance de " concepteur développeur d'applications " auprès d'Elitech à Paris et en 2021 auprès du Groupe GEMA - ESI Business School à Lyon pour un diplôme de " chef de projet IA " en raison des refus d'admission dans des masters en lien avec sa licence suite à la suppression des épreuves d'examens terminales de cette licence du fait de la crise sanitaire de COVID-19 l'ayant empêché d'améliorer ses résultats, il ne démontre pas en tout état de cause qu'il aurait pu obtenir de meilleurs résultats. Si M. B... fait valoir qu'il n'a pas pu mener à terme sa formation en alternance de " concepteur développeur d'applications " en l'absence d'entreprise acceptant de l'employer, il ne justifie que d'une candidature pour un poste de technicien électronique correspondant à sa licence. S'il soutient également qu'il n'a pas pu réussir la formation " chef de projet IA " pour la même raison, il ressort des pièces du dossier qu'il a reçu le 6 décembre 2021 un courriel de la direction des ressources humaines de la société Engie l'informant qu'un poste d'alternant Datamarketeur Junior était vacant, et il n'apporte aucune précision sur les suites données à ce courriel. M. B... s'est inscrit pour l'année scolaire 2022 / 2023 auprès de l'IUT1 de Grenoble pour une licence professionnelle " sciences, technologies, santé " mention " métiers de l'électronique : microélectronique, optronique, parcours microélectronique " et a conclu dans ce cadre un contrat d'apprentissage avec la société Dolphin Design. Toutefois, il a intégré la troisième année de cette licence professionnelle qui correspond au niveau qu'il a déjà atteint dans le cadre de sa licence obtenue en 2020, et dans une spécialité proche de celle de cette licence, alors qu'il ressort de l'attestation du 5 juin 2023 de l'IUT1 qu'il est souligné l'intérêt de la licence professionnelle par rapport à la licence théorique afin de se réorienter vers le marché du travail plutôt que sur une différence de contenu des programmes entre les deux licences. Si M. B... se prévaut de ce que cette formation à l'IUT1 complète celle suivie jusqu'en 2020 en facilitant l'insertion professionnelle par rapport à une formation plus théorique, il n'en demeure pas moins qu'elle ne correspond pas à une progression dans ses études. Les circonstances qu'il a conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Dolphin Design et que celle-ci a demandé une autorisation de travail sont en tout état de cause sans incidence sur le caractère sérieux des études. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a estimé qu'en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet avait méconnu l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant en première instance qu'en appel.
5. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, quand bien même il n'a pas pris en compte l'ensemble des arguments avancés par M. B... pour expliquer ses échecs scolaires et la nécessité de poursuivre par une formation permettant de mener à terme son projet professionnel.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté attaqué, que le préfet de l'Isère a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B... avant d'édicter cette décision.
7. En troisième lieu, les moyens tirés d'une atteinte au droit à la vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et eu égard à l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle et familiale, sont inopérants pour contester le refus de renouveler un titre de séjour en qualité d'étudiant, qui résulte seulement d'une appréciation de la réalité et du sérieux des études poursuivies.
8. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. M. B... séjourne sur le territoire français depuis un peu plus de quatre ans et demi, alors qu'il a vécu dix-huit années au Gabon où il ne peut être dépourvu de toute attache personnelle. S'il maîtrise la langue française, a obtenu un diplôme de licence en " sciences, technologies et santé " mention " électronique, énergie électrique, automatique " auprès de l'Université Grenoble-Alpes et entretient des relations amicales avec une personne née au Gabon titulaire d'un titre de séjour en France, il ne démontre pas pour autant une insertion particulière dans la société française. La promesse d'embauche de la société Dolphin Design du 24 avril 2023, le contrat de travail à durée indéterminée conclu entre cette société et M. B... au mois d'août 2023 et la demande d'autorisation de travail par cette même société du 5 septembre 2023, sont postérieurs à la décision attaquée. Il résulte du point 3 du présent arrêt que l'intéressé ne justifie pas ses échecs aux diplômes de " concepteur développeur d'applications " et de " chef de projet IA ". Si M. B... soutient qu'il ne peut pas terminer sa licence professionnelle en " sciences, technologies, santé " mention " métiers de l'électronique : microélectronique, optronique, parcours microélectronique ", il a déjà obtenu la licence en " sciences, technologies et santé " mention " électronique, énergie électrique, automatique ", et il ne démontre pas ne pas pouvoir poursuivre une formation à visée plus professionnalisante dans son pays d'origine. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... est en couple depuis environ deux ans avec une ressortissante gabonaise, cette relation est encore récente et la carte de séjour temporaire de sa compagne n'était plus valable à la date de la décision en litige. Si M. B... établit la présence en France de deux oncles et d'une tante de nationalité française, il ne démontre pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 19 avril 2023.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais liés au litige exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2303092 du tribunal administratif de Grenoble du 11 juillet 2023 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B..., présentée devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 19 avril 2023 est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Laval, premier conseiller,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 avril 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02553