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10/04/2024 | FRANCE | N°22LY02076

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 10 avril 2024, 22LY02076


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2000284 du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la réduction du supplément d'impôt sur le revenu mis à la charge de Mme D... au titre de l

'année 2014 et a rejeté le surplus de sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2000284 du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la réduction du supplément d'impôt sur le revenu mis à la charge de Mme D... au titre de l'année 2014 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2022, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 11 décembre 2023, Mme D..., représentée par Me Palomares, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités correspondantes auxquelles elle demeure assujettie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration ne lui a pas communiqué les éléments obtenus dans le cadre du droit de communication mis en œuvre au cours des opérations de contrôle de la SARL Avenir Carrelage en ce qui concerne un compte bancaire non recensé et la facture considérée comme fictive établie par l'entreprise Chauff'Alex, en violation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- les impositions ont été établies en méconnaissance du principe de l'annualité de l'impôt, l'administration s'étant fondée sur les dates de clôture des exercices de la SARL Avenir Carrelage et non sur les dates réelles des distributions ;

- la méthode de reconstitution des recettes non comptabilisées de la SARL Avenir Carrelage est excessivement sommaire et radicalement viciée ;

- les charges non admises en déduction des résultats de la SARL Avenir Carrelage ont été engagées dans son intérêt.

Par un mémoire, enregistré le 19 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles Mme D... a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, au rejet du surplus des conclusions de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement et au rétablissement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu afférente à l'année 2014, à hauteur de 342 euros en droits et pénalités.

Il soutient que :

- il est accordé un dégrèvement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles Mme D... a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 à hauteur de 5 209 euros ;

- pour le surplus, les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- le tribunal administratif a commis une erreur en prononçant la décharge partielle du supplément d'impôt sur le revenu réclamé à Mme D... au titre de l'année 2014, la facture émise au nom de Mme C..., réintégrée dans le résultat imposable de la SARL Avenir Carrelage de l'exercice clos le 28 février 2013, n'ayant pas été imposée comme revenu distribué entre les mains de l'intéressée au titre de l'année 2014.

Par ordonnance du 22 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Avenir carrelage, placée en redressement judiciaire le 24 février 2015, dont Mme D... est l'associée à hauteur de 50 % et la gérante, exerce une activité de travaux de revêtement des sols et murs. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mars 2013 au 28 février 2016, à l'issue de laquelle le vérificateur a rejeté sa comptabilité comme non probante et réintégré dans ses résultats des recettes non déclarées et des charges non admises en déduction. Ces omissions de recettes et charges rejetées ayant été regardées comme des revenus distribués à Mme D... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, l'intéressée a été assujettie, selon la procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et à des contributions sociales au titre des années 2014 à 2016, assorties, selon la nature des revenus distribués, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts ou de la majoration de 80 %, prévue au c. du même article. Par un jugement du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé Mme D... du supplément d'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2014 à concurrence d'une réduction en base correspondant à une facture du 10 juillet 2013 émise par la SARL Avenir Carrelage au nom de Mme C... et rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes. Mme D... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande. Par la voie de l'appel incident, le ministre demande la réformation de ce jugement en tant qu'il a accueilli la demande de Mme D... et que la somme de 342 euros, dégrevée en exécution de ce jugement, soit remise à sa charge au titre de l'année 2014.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 24 janvier 2023, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles Mme D... a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 à concurrence de 5 209 euros. Les conclusions de la requête, sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur l'appel de Mme D... :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. "

4. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

5. Il résulte de l'instruction que les rectifications en matière de revenus distribués notifiées à Mme D... par les propositions de rectification qui lui ont été adressées les 2 août et 8 septembre 2017, auxquelles était jointe la proposition de rectification adressée le 24 juillet 2017 à la SARL Avenir Carrelage, sont motivées par référence à cette proposition de rectification. A l'occasion de ses observations en réponse aux propositions de rectifications qui lui ont été personnellement adressées, Mme D... a demandé à l'administration de lui communiquer la copie de l'ensemble des documents sur lesquels elle s'est fondée pour procéder au redressement de cette société. A l'appui de la réponse aux observations du contribuable du 23 octobre 2017, l'administration a transmis à Mme D... la copie des chèques établis par la SARL Avenir Carrelage en paiement de factures émises par les entreprises Antoine Carrelage et Chauff'Alex, obtenus dans le cadre du droit de communication exercée auprès de la banque Delubac, établissement dans lequel la SARL Avenir Carrelage dispose d'un compte bancaire.

6. Il est constant que l'administration n'a pas communiqué à Mme D... les relevés du compte bancaire ouvert en 2012 par la SARL Avenir Carrelage auprès de la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes et clôturé le 4 janvier 2014, qu'elle a obtenus à la suite du droit de communication exercé auprès de cet établissement. Toutefois, contrairement à ce que soutient Mme D..., l'administration ne s'est pas fondée, pour rectifier les résultats de la SARL Avenir Carrelage à raison de produits non comptabilisés, ensuite imposés entre ses mains comme revenus distribués, sur les relevés de ce compte bancaire, la reconstitution des recettes ayant été opérée en appliquant aux achats revendus un coefficient multiplicateur de 3,33 déterminé à partir de ses déclarations, en qualité de gérante, selon lesquelles les achats auprès des fournisseurs représentaient 30 % du montant des prestations facturées aux clients. S'il résulte de l'instruction que l'existence de ce compte bancaire non recensé constitue l'un des motifs sur lesquels le service s'est fondé pour rejeter la comptabilité de la SARL Avenir Carrelage, l'absence de communication des relevés de ce compte n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition, dès lors que les autres motifs retenus par le service, à savoir les anomalies dans l'enregistrement des charges, la méconnaissance du principe d'intangibilité du bilan d'ouverture, les anomalies affectant les factures de vente et l'existence de factures fictives suffisaient à écarter la comptabilité présentée comme non probante.

7. Mme D... soutient, par ailleurs, que l'administration ne lui a pas communiqué l'intégralité des documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour l'imposer au titre de la distribution correspondant à la réintégration, dans le résultat imposable de la SARL Avenir Carrelage, de la charge correspondant à la facture émise par l'entreprise Chauff'Alex le 22 septembre 2014, d'un montant de 1 550 euros. Il résulte de l'instruction que le service a remis en cause le caractère déductible de plusieurs factures, correspondant à des travaux de sous-traitance, considérés comme n'ayant pas été réalisés, à hauteur de 5 009 euros au titre de l'exercice clos le 28 février 2015 et de 5 950 euros au titre de l'exercice clos le 28 février 2016. S'agissant de la facture Chauff'Alex, le service vérificateur, après avoir constaté qu'elle était différente, dans sa forme, des autres factures présentées lors du contrôle émanant du même fournisseur, a exercé son droit de communication auprès de ce dernier et obtenu les factures établies par l'entreprise Chauff'Alex au nom de la SARL Avenir Carrelage, parmi lesquelles la facture en litige du 22 septembre 2014 ne figurait pas. Elle a également obtenu de la banque Delubac la copie du chèque de paiement de cette facture établi par la SARL Avenir Carrelage, ce qui lui a permis de constater qu'il avait été encaissé par l'entreprise Chauff'Alex. Il est constant que l'administration, en réponse à la demande de Mme D..., lui a communiqué la copie de ce chèque. Toutefois, il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification adressée à la SARL Avenir Carrelage que le service, pour établir le caractère fictif de la facture en cause, s'est prévalu, pour conforter les constats opérés au vu des pièces justificatives produites par la SARL Avenir Carrelage, de l'absence de cette facture parmi celles transmises par l'entreprise Chauff'Alex, si bien que ces dernières, qui ne lui ont pas été communiquées, doivent être regardées comme ayant servi à établir l'imposition. Dans ces conditions, Mme D... est fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et à obtenir, en conséquence, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015, ainsi que de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses dont ce chef de rectification a été assorti, à concurrence d'une réduction de ses bases imposables de 1 550 euros.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

8. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est réputée apporter la preuve que des distributions occultes ont été appréhendées par la personne qui est, dans la société dont les revenus ont été regardés comme distribués, le maître de l'affaire.

9. Il résulte de l'instruction que les impositions mises à la charge de Mme D..., sur le fondement de ces dispositions, résultent de la réintégration, dans ses revenus des années 2014 à 2016, de revenus réputés distribués par la SARL Avenir Carrelage, correspondant aux rehaussements des résultats de cette société, au titre de ses exercices clos de 2014 à 2016, à raison de recettes non comptabilisées et de charges non admises en déduction, constituées par des dépenses non engagées dans l'intérêt de l'entreprise, des charges non justifiées et des factures fictives, et à la taxe sur la valeur ajoutée y afférente.

S'agissant de l'existence et du montant des distributions :

10. Il résulte de l'instruction que l'administration, après avoir rejeté la comptabilité de la SARL Avenir Carrelage comme non probante, a constaté que des achats de matériaux enregistrés en comptabilité n'avaient pas leur pendant dans les refacturations aux clients. Pour reconstituer les recettes correspondantes, elle a appliqué aux achats un coefficient de 3,33, déterminé à partir des déclarations de Mme D..., gérante, selon lesquelles les achats représentent 30 % du montant de la prestation facturée, la commande de fournitures intervenant après le paiement d'un acompte de 30 % par le client, ce qui évite à la société de faire l'avance du montant des fournitures. L'administration a opéré de la même manière lorsqu'elle a constaté que les facturations ne correspondaient pas à ce ratio de marge, mais présentaient soit un prix inférieur, soit un prix correspondant au seul coût des matériaux.

11. Mme D... fait valoir que cette reconstitution de recettes est excessivement sommaire, voire radicalement viciée, en ce qu'elle ne tient pas compte du fonctionnement de l'entreprise et qu'elle ne résulte d'aucune étude sur sa marge réelle. Toutefois, outre que cette méthode repose, contrairement à ce qu'elle soutient, sur les conditions d'exploitation de l'entreprise, qu'elle a elle-même décrites au cours du contrôle, l'administration fait valoir, sans être contredite sur ce point, qu'une étude de marge était impossible en raison du caractère sommaire des factures adressées à ses clients, simplement libellées " réfection ". Dans ces conditions, et alors que la requérante, qui ne présente aucune méthode alternative de reconstitution des recettes de la SARL Avenir Carrelage, se borne à faire valoir que le taux d'acompte de 30 %, usuel dans le secteur, ne correspond pas au prix des matériaux, sans apporter aucun justificatif à l'appui de cette affirmation, l'administration doit être regardée comme démontrant le bien-fondé de la méthode de reconstitution qu'elle a utilisée et des rectifications qui en résultent.

12. S'agissant des charges afférentes à la location et l'entretien d'un local à usage d'entrepôt-remise situé à Grenoble et à l'entretien et la réparation d'un véhicule, l'administration a remis en cause un caractère déductible des résultats de la SARL Avenir Carrelage, au motif qu'elles n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'exploitation, dès lors que le bail de l'entrepôt a été conclu par M. F..., associé de la société et que le véhicule concerné appartenait à Mme D.... En se bornant à indiquer que le local à usage d'entrepôt a été visité au cours du contrôle par la vérificatrice, et que tant ce local que le véhicule sont utilisés pour les besoins de l'exploitation de la SARL Avenir Carrelage, Mme D... n'apporte aucun élément permettant de relier les charges en litige, qui sont afférentes à des biens dont la société n'est ni locataire, ni propriétaire, avec l'activité de celle-ci. Dans ces conditions, l'administration établit que ces charges n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la SARL Avenir Carrelage.

13. Il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme justifiant de l'existence et du montant des minorations de résultats de la SARL Avenir Carrelage correspondant aux revenus distribués par cette société.

S'agissant de l'appréhension des revenus distribués :

14. L'administration a fait valoir, dans les propositions de rectification des 2 août et 8 septembre 2017, que Mme D..., qui détenait 50 % des parts de la SARL Avenir Carrelage et en était la gérante, était la seule responsable de la société vis à vis des tiers et assurait la gestion de ses comptes bancaires, dont elle détenait la signature. Par ces éléments, non contestés, elle établit que Mme D... disposait seule des pouvoirs les plus étendus au sein de la société et qu'elle en était le seul maître de l'affaire. Par suite, elle est présumée avoir appréhendé les distributions effectuées par la SARL Avenir carrelage, imposées entre ses mains sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts.

S'agissant des années d'imposition :

15. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. ".

16. Mme D... fait valoir que les revenus distribués mis à sa charge ne sont imposables, s'agissant des recettes omises, qu'au titre de l'année au cours de laquelle elles ont été encaissées par la SARL Avenir Carrelage, à savoir en même temps que la comptabilisation de la facture d'achat de matériaux correspondante et, s'agissant des charges non admises en déduction, au titre de l'année au cours de laquelle elles ont été payées par cette société.

17. Toutefois, les revenus imposés sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, lorsqu'ils résultent, comme en l'espèce, de la reconstitution de recettes omises et de charges non admises en déduction des résultats imposables d'une société, sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si le contribuable ou l'administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date.

18. S'agissant des charges correspondant à des factures fictives, réintégrées dans les résultats imposables de la SARL Avenir Carrelage des exercices clos le 28 février 2015 et le 28 février 2016, à hauteur de respectivement 5 009 euros et 5 950 euros et imposées entre les mains de Mme D... au titre des années 2015 et 2016, l'examen des chèques de paiement établis par la SARL Avenir Carrelage transmis par la banque Delubac a révélé, ainsi que l'indique le ministre dans ses écritures, qu'ils avaient été libellés au nom de Mme D... et encaissés par elle à hauteur de seulement 4 400 euros en 2015 et de 1 550 euros en 2016. En conséquence, l'administration a admis que les sommes de 609 euros et 4 800 euros n'étaient pas imposables entre ses mains au titre, respectivement, des années 2015 et 2016 et prononcé le dégrèvement correspondant mentionné au point 2 du présent arrêt.

19. S'agissant des autres revenus considérés comme distribués au titre des recettes non comptabilisées, des charges non justifiées et des charges non engagées dans l'intérêt de la SARL Avenir Carrelage, Mme D... n'apporte aucun élément de nature à établir la date à laquelle les distributions ont, en fait, été effectuées. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé entre ses mains ces revenus distribués au titre de l'année correspondant à la date de clôture des exercices 2014 à 2016 de la SARL Avenir Carrelage.

Sur l'appel incident du ministre :

20. Par le jugement du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé Mme D... du supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 2014 en conséquence du rehaussement de la SARL Avenir carrelage à raison d'un produit non comptabilisé de 1 583 euros correspondant à la facture, datée du 10 juillet 2013, émise au nom de Mme C..., obtenue par le vérificateur à la suite d'une demande d'information adressée à cette cliente le 2 avril 2017, au motif qu'en s'abstenant, en dépit de sa demande, de communiquer cette facture à Mme D..., l'administration a privé l'intéressée de la garantie prévue par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

21. Il résulte toutefois des termes de la proposition de rectification adressée à la SARL Avenir Carrelage, ainsi que le relève le ministre, d'une part que la facture adressée à Mme C... est d'un montant de seulement 600 euros, la somme de 1 583 euros correspondant à la réintégration de cette facture et d'une recette reconstituée de 983 euros en provenance d'un autre client et, d'autre part, que cette facture, datée du 10 juillet 2013, a été réintégrée, par erreur, par le vérificateur, dans le résultat de la SARL Avenir Carrelage de l'exercice clos le 28 février 2013, de telle sorte qu'elle n'a, en tout état de cause, pas été imposée entre les mains de Mme D... au titre de l'année 2014. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a prononcé une réduction des bases imposables de Mme D... à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014 à concurrence du montant de cette facture et prononcé la décharge partielle correspondante.

22. Il résulte de ce qui précède que, sous réserve du dégrèvement prononcé en cours d'instance, Mme D... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande en décharge, en tant qu'elle porte sur la réintégration, dans ses bases imposables à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de l'année 2015, de la facture Chauff'Alex d'un montant de 1 550 euros et que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé Mme D... la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 à concurrence de la réduction de ses bases imposables du montant de la facture du 10 juillet 2013 adressée à Mme C....

Sur les frais liés au litige :

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme D... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme D... tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, à concurrence du dégrèvement de 5 209 euros prononcé en cours d'instance.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 2000284 du tribunal administratif de Grenoble du 16 mai 2022 est annulé.

Article 3 : La fraction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle Mme D... a été assujettie au titre de l'année 2014 et les majorations correspondantes, dont le tribunal administratif a prononcé la décharge, est rétablie.

Article 4 : La base imposable de Mme D... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de l'année 2015 est réduite de la somme de 1 550 euros.

Article 5 : Mme D... est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités y afférentes, à concurrence de la réduction en base énoncée à l'article 4.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 mai 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

M. Porée, premier conseiller,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 avril 2024.

Le rapporteur,

J-S. Laval

La présidente,

A. Courbon

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02076
Date de la décision : 10/04/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : PALOMARES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-10;22ly02076 ?
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