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04/04/2024 | FRANCE | N°23LY03394

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 04 avril 2024, 23LY03394


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2305393 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjou

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Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2023, le préfet de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2305393 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2023.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision de refus de séjour contenue dans l'arrêté du 21 juillet 2023 méconnaissait le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- l'arrêté du 21 juillet 2023 a été signé par une autorité compétente ;

- cet arrêté est suffisamment motivé ;

- la décision de refus de séjour ne méconnaît pas le b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien ;

- cette décision ne méconnait ni le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D... ;

- l'obligation de quitter le territoire français, fondée sur un refus de titre de séjour opposé à bon droit à l'intéressée, est légale ;

- la décision désignant le pays de renvoi ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 25 janvier 2024, Mme D..., représentée par Me Coutaz, conclut au rejet de la requête. Elle demande également à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé la décision de refus de titre de séjour en se fondant sur la violation du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ces décisions sont entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de titre de séjour fondé sur l'article 7-b) de l'accord franco-algérien est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, en l'absence d'usage par le préfet de son pouvoir d'appréciation en dépit de l'absence de visa de long séjour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante algérienne née le 14 juin 1974, est entrée en France pour la dernière fois le 7 juillet 2022, selon ses déclarations, sous couvert d'un visa court séjour délivré par les autorités italiennes. Elle a sollicité, le 13 janvier 2023, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ou, à défaut sur le fondement du b) de l'article 7 du même accord. Par un arrêté du 21 juillet 2023, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à Mme D....

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; ".

3. Il ressort des pièces du dossier que si Mme D... a vécu régulièrement en France, sous couvert de différents titres de séjour, du 28 janvier 2003 au 18 mars 2018, elle a regagné l'Algérie en décembre 2018, à la suite du décès de son père, alors qu'elle ne disposait plus de titre de séjour en cours de validité. Si elle a demandé, en février 2019, la délivrance d'un visa auprès des autorités consulaires française en Algérie, qui lui a été refusé, elle est demeurée dans son pays d'origine jusqu'en juillet 2022, sans justifier d'autres démarches pour tenter de revenir en France, en dépit de la pandémie de covid-19. Elle réside sur le territoire national depuis seulement un an à la date de la décision de refus de séjour du 21 juillet 2023, et ne dispose, en France, d'aucune attache familiale, ni d'attaches personnelles suffisamment anciennes, stables et intenses. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme D..., et alors même qu'elle travaille sous couvert d'un contrat à durée indéterminée depuis mars 2023, la décision de refus de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc, par suite, pas méconnu le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a, motif pris de la violation de ces stipulations, annulé cette décision et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français sous trente jours prise sur son fondement, ainsi que la décision désignant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif et en appel.

5. Par un arrêté du 26 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, le préfet de l'Isère a donné délégation à M. E... A..., directeur de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer " les arrêtés d'obligation de quitter le territoire français avec refus de séjour et fixant le pays de destination " des ressortissants étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 21 juillet 2023 doit être écarté.

6. Aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française. ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) / Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis, alinéa 4 (lettres c et d), et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. / Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titre mentionnés à l'alinéa précédent ".

7. Pour refuser à Mme D... la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien, le préfet de l'Isère lui a opposé le double motif tiré, d'une part, de l'absence de présentation d'un contrat de travail régulièrement visé, d'autre part, de l'absence de visa de long séjour. Chacun de ces motifs, dont aucun n'est contesté, suffit à fonder légalement le refus qui lui a été opposé.

8. Mme D..., eu égard à sa situation telle que décrite au point 3 ci-dessus, n'est pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant, en dépit de l'absence de visa de long séjour, de lui délivrer un titre de séjour au titre de son pouvoir de régularisation, le préfet de l'Isère a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 ci-dessus, les moyens tirés de ce que les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de Mme D..., doivent être écartés.

10. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, Mme D... n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application, ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, Mme D... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 21 juillet 2023.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais liés au litige exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2305393 du tribunal administratif de Grenoble du 12 octobre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme D... présentée devant le tribunal administratif, ainsi que ses conclusions d'appel, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

M. Laval, premier conseiller,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

La présidente-rapporteure,

A. Courbon

L'assesseur le plus ancien,

(dans l'ordre du tableau)

J.-S. Laval

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY03394


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03394
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ly03394 ?
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