La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°23LY03221

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 04 avril 2024, 23LY03221


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juin 2023 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la préfète de la Drôme l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2303775 du 19 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juin 2023 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la préfète de la Drôme l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2303775 du 19 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français durant un an, assignation à résidence, et, d'autre part, renvoyé sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal.

Par un jugement n° 2303775 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2023, M. C..., représenté par Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 septembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 7 juin 2023 par laquelle la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour selon les mêmes modalités ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'un vice de procédure, d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et d'une erreur de droit, en l'absence d'instruction de la demande d'autorisation de travail ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplit les conditions de régularisation prévues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Un mémoire présenté par le préfet de la Drôme a été enregistré le 12 mars 2024, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité turque, né le 10 janvier 1968, est entré sur le territoire français pour la dernière fois le 14 mars 2017, selon ses déclarations. Il a demandé, le 25 juin 2020, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 22 décembre 2020, dont la légalité a été confirmée par un jugement, devenu définitif, du tribunal administratif de Grenoble du 29 avril 2021, le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... a demandé, le 6 avril 2023, la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des articles L. 421-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 7 juin 2023, la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 19 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence, et a renvoyé ses conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal. M. C... relève appel du jugement du 14 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 5221-1 du code du travail : " I. - Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; (...) II - La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-17 de ce code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur (...), ainsi qu'à l'étranger. ".

4. Si M. C... soutient avoir déposé une demande d'autorisation de travail, pour le compte d'un employeur, à l'appui de sa demande de titre de séjour déposée le 6 avril 2023, ce qui est contredit par les mentions de la décision en litige, il n'apporte aucun justificatif de nature à l'établir, alors que les formulaires d'autorisations de travail qu'il produit au dossier, l'un établi par la société ABC Rénovation le 26 juillet 2019 et l'autre, non daté, par la société ML Maçonnerie pour une date prévisible d'embauche au 1er novembre 2022, ne sont revêtus d'aucun accusé de réception. Par suite, les moyens tirés d'un vice de procédure, d'un défaut d'examen particulier de son dossier et de l'erreur de droit, qui résulteraient de l'absence de suite donnée, par la préfète, à sa demande d'autorisation de travail, doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du relevé de carrière de M. C..., que s'il a été présent sur le territoire français et y a travaillé au cours des années 1988 et 1989 et du 1er janvier au 1er août 1990, il ne justifie avoir séjourné en France, par la suite, que de manière épisodique entre 2001 et 2007, puis à partir de l'année 2018. S'il se prévaut de la présence, en France, de sa sœur et de deux frères, il ne justifie pas de la régularité de leur séjour et n'est pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où vivent son épouse, ses trois enfants majeurs et ses parents. Les circonstances qu'il travaille à temps plein, en tant que manœuvre dans le bâtiment depuis le 29 septembre 2021 et qu'il dispose d'un logement ne suffisent pas, à elles seules, à lui ouvrir un droit au séjour. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision ne méconnaît ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

8. D'une part, en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de cet article, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

9. Les éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de M. C..., décrits au point 6 ci-dessus, ne constituent pas des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste que la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer, à titre exceptionnel, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par ailleurs, s'il ressort des termes de la décision contestée que l'intéressé a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un contrat de travail et des bulletins de salaires en qualité d'ouvrier du bâtiment depuis septembre 2021, cette seule circonstance ne saurait être regardée, au regard de l'ensemble de sa situation, comme un motif exceptionnel ouvrant droit à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", alors que M. C... ne justifie d'aucun diplôme ni d'aucune qualification particulière. Par suite, et alors même qu'il justifie d'une expérience dans son domaine d'activité, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer, à titre exceptionnel, un titre de séjour portant la mention " salarié ".

10. D'autre part, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, M. C... ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.

11. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont exposés aux points 6 et 9 ci-dessus, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision de refus de titre de séjour sur la situation personnelle de M. C... doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

M. Laval, premier conseiller,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

La présidente,

A. Courbon

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03221


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03221
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ly03221 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award