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04/04/2024 | FRANCE | N°23LY01944

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 04 avril 2024, 23LY01944


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 février 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.



Par jugement n° 2301651 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour





Par une requête, enregistrée le 7 juin 2023, Mme C..., représentée par Me Paquet, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 février 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par jugement n° 2301651 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2023, Mme C..., représentée par Me Paquet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2023 ainsi que les décisions susvisées ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours sous la même astreinte ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que les éléments qu'elle a communiqués le 20 avril 2023 n'ont pas été transmis au préfet ni examinés par le tribunal ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen complet et sérieux de sa situation ;

- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'examen des conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle ;

- la préfète du Rhône aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;

- et les observations de Me Paquet pour Mme C....

Vu la note en délibéré présentée pour Mme C... le 21 mars 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante albanaise née le 8 avril 2001, est entrée sur le territoire français à la date déclarée du 5 janvier 2022. Le 28 janvier 2022, elle a sollicité l'asile. Par décision du 15 février 2023, la Cour nationale du droit d'asile a définitivement rejeté sa demande. Le 12 juillet 2022, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès des services préfectoraux du Rhône sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 2 février 2023, la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. En l'espèce, à la suite de l'enregistrement de la requête le 1er mars 2023, par une ordonnance du 10 mars 2023, le tribunal administratif a fixé la clôture de l'instruction au 4 avril 2023 et inscrit l'affaire au rôle de l'audience du 26 avril 2023. Toutefois, la préfète du Rhône ayant présenté un premier mémoire en défense le 17 avril 2023, le tribunal a décidé de le communiquer le même jour à la requérante en l'invitant à présenter des observations dans les meilleurs délais. Cette communication après clôture de l'instruction a eu pour effet de rouvrir automatiquement l'instruction de l'affaire qui, en l'absence de nouvelle ordonnance de clôture d'instruction, a été close à nouveau trois jours francs avant l'audience du 26 avril 2023 en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative. Si Mme C... soutient que les éléments justifiant la réalité de sa relation avec M. A..., bénéficiaire d'une carte de résident, ont été transmis en urgence au tribunal le 20 avril 2023 alors que la préfète du Rhône contestait dans son mémoire en défense la réalité de cette vie commune, il ressort du mémoire et des pièces communiquées au tribunal le 20 avril 2023 que les pièces produites soit étaient postérieures à la date de l'arrêté attaqué à la date duquel s'apprécie sa légalité soit constituaient des éléments antérieurs qui ne présentaient pas le caractère d'éléments nouveaux et qui auraient pu être produits à l'appui de la requête introductive d'instance. Par suite, le tribunal, en s'abstenant de communiquer ce mémoire et ces pièces, qui ne contenaient pas d'éléments nouveaux, n'a pas méconnu le principe du contradictoire. Le jugement attaqué n'est pas, par suite et à ce titre, entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, il ressort de l'arrêté en litige que la préfète du Rhône a visé notamment les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'agissant du refus de séjour édicté, objet de la demande de titre de séjour, et du 3°) de l'article L. 611-1 du même code concernant la décision portant obligation de quitter le territoire. Elle a également visé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. La préfète a fait état des motifs de fait justifiant l'édiction du refus de séjour en mentionnant les éléments afférents à la situation administrative et personnelle particulière de Mme C..., en mentionnant la naissance de son enfant en juin 2022, la présence en France de son concubin et ses conditions d'entrée et de séjour en France. La décision portant refus de séjour en litige est ainsi suffisamment motivée. En vertu de l'article L. 613-1 du code précité, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dès lors que, comme en l'espèce, cette décision a été prise sur le fondement du 3°) de l'article L. 611-1 du code précité. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées doit être écarté.

5. En deuxième lieu, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français font état, ainsi qu'il a été rappelé, de la situation administrative, personnelle et familiale de l'intéressée telle qu'elle ressort des éléments qu'elle a mentionnés dans sa demande de titre de séjour et qui seuls étaient donc connus de la préfète du Rhône à la date d'édiction de son arrêté. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté.

6. En troisième lieu, si la préfète du Rhône a mentionné dans son arrêté que Mme C... avait déclaré lors du dépôt de sa demande de titre de séjour avoir pour projet de se marier avec son concubin qui réside régulièrement en France et qu'ainsi, " si ce projet a abouti, ce dont elle n'a pas informé [les] services, elle pourra être autorisée à résider en France après aboutissement d'une demande de regroupement familial qu'il appartiendra à son époux de déposer ", cette incise ne révèle ni une erreur de fait ni une erreur de droit commise par la préfète du Rhône.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...). " Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Si Mme C..., entrée en France depuis environ un an à la date de l'arrêté en litige, se prévaut de la relation qu'elle entretient depuis 2015 avec M. A..., ressortissant albanais titulaire d'un titre de séjour à cette date, et de la naissance en France de leur enfant né le 17 juin 2022, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ancienneté et la stabilité de cette relation et de la vie commune des intéressés est établie. Mme C... se borne à ce titre à produire une attestation de la caisse d'allocations familiales du 19 avril 2023 mentionnant selon les déclarations des intéressés une vie martiale depuis le 11 janvier 2022 et une attestation d'hébergement de son compagnon attestant d'une vie commune uniquement à compter de cette même date. Mme C... n'est pas dépourvue d'attaches privées ou familiales dans son pays d'origine où résident encore ses parents et son frère et où elle a vécu l'essentiel de son existence. Elle ne démontre aucune intégration socioprofessionnelle en France. En outre, l'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme C... de son fils alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait des obstacles à ce que la vie familiale de l'intéressée se poursuive en Albanie. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige à laquelle s'apprécie sa légalité, le père de l'enfant, M. A..., participait effectivement à l'éducation et à l'entretien de son enfant. Les attestations produites récemment par la requérante n'en justifient pas et les relevés bancaires versés au dossier attestent de versements mensuels de 15 euros sur le compte bancaire ouvert au nom de l'enfant à compter uniquement du mois de septembre 2023 soit postérieurement à l'arrêté en litige. Compte tenu de ces éléments, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

9. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, la préfète du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de Mme C....

10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la préfète du Rhône dans l'exercice de son pouvoir de régularisation doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente ;

Mme Mauclair, première conseillère ;

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLa présidente,

P. Dèche

La greffière,

C. Driguzzi

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01944


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01944
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ly01944 ?
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