La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°23LY01885

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 04 avril 2024, 23LY01885


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 12 septembre 2022 par lesquelles la préfète de la Drôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de l

a notification du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 12 septembre 2022 par lesquelles la préfète de la Drôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de 15 jours.

Par un jugement n° 2206577 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2023, Mme A... B..., représentée par Me Albertin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206577 du 2 mars 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions du 12 septembre 2022 par lesquelles la préfète de la Drôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de 15 jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- cette décision est entachée d'irrégularité faute pour la préfète d'avoir saisi la commission du titre de séjour préalablement à l'édiction de sa décision ;

- elle méconnait les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- elle est contraire aux dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 1er mai 1992, est entrée en France le 11 septembre 2018 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa court séjour. Le 8 juin 2020, elle a obtenu la délivrance d'un certificat de résidence algérien valable douze mois qui a été renouvelé pour une durée de neuf mois, jusqu'au 19 avril 2022, sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 12 septembre 2022 la préfète de la Drôme a opposé un refus à sa seconde demande de renouvellement de titre de séjour, assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite. Par un jugement du 2 mars 2023, dont Mme B... interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et des éventuelles mesures d'instruction qu'il peut toujours ordonner.

4. En l'espèce, pour refuser de délivrer à Mme B... le renouvellement de son titre de séjour, la préfète de la Drôme s'est notamment appuyée sur l'avis du collège de médecins de l'OFII en date du 31 août 2022, dont elle s'est approprié la teneur après avoir procédé à l'examen approfondi de la situation de l'intéressée. Cet avis mentionne que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut cependant bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays et que son état de santé lui permet de voyager sans risque pour s'y rendre. Pour contester cet avis Mme B... fait valoir qu'elle souffre de connectivité mixte (syndrome de Lupus Sharp), avec une atteinte cutanéo-articulaire compliquée d'un syndrome d'activation macrophagique, que son traitement médicamenteux par corticoïdes à haute dose a eu pour effet de générer une ostéonécrose qui a imposé, notamment, la pose d'une prothèse de hanche. Si elle soutient que son traitement actuel, par anti CD20 (Rituximab) en perfusion semestrielle, et par administration d'Aclasta, n'est pas disponible en Algérie, les attestations produites à l'appui de sa requête ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait se voir utilement prescrire un autre médicament distribué dans ce pays, notamment sous forme générique et comportant les mêmes molécules, ou tout autre médicament de nature à ralentir l'évolution de sa maladie et à en soulager les symptômes, dont le collège de médecins de l'OFII, par son avis précité, a constaté la disponibilité en Algérie. Ni les certificats médicaux produits, qui indiquent que son état de santé nécessite une suivi médical régulier et une consultation semestrielle, ni les bulletins d'hospitalisation ne sont de nature à établir qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement et d'un suivi approprié à son état de santé en Algérie ou qu'elle ne pouvait pas voyager sans risque à la date de la décision contestée. Si Mme B... fait valoir que le collège de médecins de l'OFII avait estimé, par des avis des 21 avril 2020 puis 20 juillet 2021, que son état de santé nécessitait une prise en charge dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pouvait pas effectivement bénéficier de ces soins dans son pays d'origine, ces avis, qui ont été émis au vu de l'état de santé de l'intéressée antérieur aux dates auxquelles ils ont été émis, précisent que les soins doivent être poursuivis, à compter de ces mêmes dates, pendant des durées respectivement de 12 et 9 mois, périodes durant lesquelles Mme B... a effectivement bénéficié de titres de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

5. En deuxième lieu, Mme B... ne remplissant pas les conditions posées par l'article 6, 7° de l'accord franco-algérien dont elle s'est prévalue, la préfète de la Drôme n'a pas entaché sa décision d'un vice de procédure en ne consultant pas la commission du titre de séjour.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

7. Mme B..., entrée en France en septembre 2018, fait valoir qu'elle résidait en France depuis 4 ans à la date de la décision contestée avec ses enfants, nés respectivement en septembre 2016 à Oran et en décembre 2018 à Valence, tous deux scolarisés en France et que son mari l'a rejointe, le 30 décembre 2021, sous couvert d'un visa Schengen délivré par les autorités espagnoles. Toutefois, le titre de séjour qui lui a été délivré initialement en juin 2020 pour une durée d'un an, puis a été renouvelé pour une durée de neuf mois jusqu'au 19 avril 2022 afin de lui permettre de bénéficier en France de soins médicaux, au titre des périodes mentionnées dans les avis du collège de médecins de l'OFII des 21 avril 2020 et 20 juillet 2021, ne lui donne pas vocation à se maintenir sur le territoire français avec sa famille au-delà de leur durée respective. Par ailleurs, elle n'établit pas que son époux résidait régulièrement en France à la date de la décision contestée. En outre, elle ne justifie d'aucun élément s'opposant à la reconstitution de sa cellule familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans, ni s'opposant, compte tenu de leur âge, à la poursuite de la scolarité de ses enfants dans ce pays. Enfin, la circonstance qu'elle se soit engagée, depuis octobre 2019, en qualité de bénévole au sein de l'Association Solidarité et langage pour donner des cours de mathématique à des collégiens, à raison d'une à deux heures par semaine, n'est pas de nature à établir l'existence d'une intégration particulière et durable en France. Dans ces conditions, la préfète de la Drôme n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

8. En quatrième lieu, au regard de ce qui a été exposé aux points 4 et 7 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la préfète eu égard aux conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle doit également être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, compte-tenu de ce qui a été précédemment exposé, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour au soutien de ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en violation de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Enfin, en l'absence d'autres arguments, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation invoqués à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés aux points 7 et 8 du présent arrêt.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

H. Stillmunkes

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01885
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ly01885 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award