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04/04/2024 | FRANCE | N°23LY01522

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 04 avril 2024, 23LY01522


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 mai 2023 et 15 novembre 2023, les sociétés Tourmaline Real Estate et Jeremy, représentées par Me Le Fouler, demandent à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 7 octobre 2022 par lequel le maire de la commune de Valserhône a délivré à la SARL PNM Invest un permis de construire en vue de la construction d'un ensemble commercial situé 27 avenue du stade ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'amé

nagement commercial (CNAC) de réexaminer leur recours dans un délai de deux mois à co...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 mai 2023 et 15 novembre 2023, les sociétés Tourmaline Real Estate et Jeremy, représentées par Me Le Fouler, demandent à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 7 octobre 2022 par lequel le maire de la commune de Valserhône a délivré à la SARL PNM Invest un permis de construire en vue de la construction d'un ensemble commercial situé 27 avenue du stade ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) de réexaminer leur recours dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles disposent d'un intérêt à agir et leur requête est recevable ;

- l'avis de la CNAC a été rendu dans des conditions irrégulières ; elles ont été privées de la possibilité de demander une audition pour présenter leurs observations en méconnaissance des dispositions des articles R. 752-34 et R. 752-36 du code de commerce ; cette irrégularité a eu une influence sur le sens de l'avis rendu ;

- elles présentent un intérêt pour agir et leur recours devant la CNAC était recevable dès lors que le projet litigieux affecte de façon directe et certaine leurs activités de bailleurs.

Par deux mémoires, enregistrés les 11 juillet 2023 et 12 décembre 2023 (non communiqué), la commune de Valserhône, représentée par Me Thiry, conclut :

- à l'irrecevabilité de la requête ;

- au rejet de la requête ;

- et à la mise à la charge des requérantes de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'avis rendu par la CNAC est un acte préparatoire insusceptible de recours ;

- le recours exercé par les requérantes devant la CNAC était tardif ;

- les requérantes n'ont pas justifié avoir régulièrement notifié au pétitionnaire leur recours devant la CNAC ;

- les moyens soulevés à l'encontre de l'avis de la CNAC ne sont pas fondés.

Par deux mémoires, enregistrés les 17 juillet 2023 et 14 décembre 2023 (non communiqué), la société PNM Invest, représentée par Me Bolleau, conclut :

- à l'irrecevabilité de la requête ;

- au rejet de la requête ;

- à la mise à la charge des requérantes de la somme de 5 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le recours exercé par les requérantes devant la CNAC était tardif ;

- les moyens soulevés à l'encontre de l'avis de la CNAC ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 14 novembre 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 15 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Le Fouler pour les sociétés Tourmaline Real Estate et Jeremy, de Me Thiry pour la commune de Valserhône et de Me Bolleau pour la société PNM Invest.

Vu la note en délibéré présentée pour les sociétés Tourmaline Real Estate et Jeremy le 22 mars 2024.

Vu la note en délibéré présentée pour la société PNM Invest le 25 mars 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 mars 2022, la société PNM Invest a déposé auprès de la mairie de Valserhône une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale portant sur la construction d'un ensemble commercial sur des parcelles sises 27 avenue du stade. Le projet comprend la création de deux bâtiments de 5 cellules commerciales, de loisirs et restauration d'une surface de plancher de 9 285 m² et d'une surface de vente de 5 386 m² avec un parc de stationnement de 220 places. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Ain a rendu un avis favorable au projet, le 11 juillet 2022. Par un arrêté du 7 octobre 2022, le maire de Valserhône a délivré au pétitionnaire le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour le projet considéré. Le 21 novembre 2022, les sociétés Tourmaline Real Estate et Jeremy ont saisi la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) du recours administratif préalable obligatoire visé à l'article L. 752-17 du code de commerce à l'encontre de l'avis rendu par la CDAC. Par un avis rendu le 23 février 2023, la CNAC a rejeté ce recours. Les sociétés Tourmaline Real Estate et Jeremy, propriétaires de parcelles voisines du terrain d'assiette du projet, demandent l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2022 en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la recevabilité du recours des sociétés Tourmaline Real Estate et Jeremy devant la Commission nationale d'aménagement commercial :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-30 du code de commerce : " Le délai de recours contre une décision ou un avis de la commission départementale est d'un mois. Il court : / 1° Pour le demandeur, à compter de la notification de la décision ou de l'avis ; / 2° Pour le préfet et les membres de la commission départementale, à compter de la réunion de la commission ou, en cas de décision ou d'avis tacite, à compter de la date à laquelle l'autorisation est réputée accordée ; / 3° Pour toute autre personne mentionnée à l'article L. 752-17, à compter de la plus tardive des mesures de publicité prévues aux troisième et cinquième alinéas de l'article R. 752-19. / Le respect du délai de recours est apprécié à la date d'envoi du recours. " L'article R. 752-19 du code de commerce prévoit : " Dans les dix jours suivant la réunion de la commission ou la date de l'autorisation tacite, la décision ou l'avis de la commission est : (...) 2° Publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. / (...) / En cas de décision ou avis favorable, le préfet fait publier, dans les dix jours suivant la réunion de la commission ou la date de l'autorisation tacite, aux frais du demandeur, un extrait de cette décision ou de cet avis dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. (...) ".

3. L'avis de la CDAC de l'Ain du 11 juillet 2022 favorable au projet de la SARL PNM Invest a fait l'objet d'une publication le 8 juillet 2022 au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Ain et les 14 juillet et 15 juillet 2022 dans les journaux locaux " l'écho de l'Ain " et " la voix de l'Ain ". Ces publications qui mentionnaient précisément le sens de l'avis rendu, le nom du bénéficiaire, la nature du projet, sa surface et sa situation dans la commune de Valserhône, ont permis de délivrer une information suffisante aux tiers contrairement à ce que font valoir les requérantes. Par suite, le délai de recours devant la CNAC a couru jusqu'au 15 août 2022. Il s'en suit que le recours administratif préalable obligatoire exercé par les sociétés requérantes auprès de la CNAC le 21 novembre 2022 était tardif et ainsi irrecevable. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du permis de construire du 7 octobre 2022 en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ne peuvent dès lors qu'être rejetées comme irrecevables pour ce premier motif.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-32 du code de commerce : " A peine d'irrecevabilité de son recours, dans les cinq jours suivant sa présentation à la commission nationale, le requérant, s'il est distinct du demandeur de l'autorisation d'exploitation commerciale, communique son recours à ce dernier soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit par tout moyen sécurisé. "

5. Il résulte de ces dispositions que, lorsque la commission départementale d'aménagement commercial a rendu un avis favorable à un projet, cet avis peut, dans le délai d'un mois, faire l'objet d'un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial par les personnes qu'elles mentionnent. L'article R. 752-30 du code de commerce fixe les modalités de calcul du délai de recours d'un mois. L'article R. 752-31 du même code dispose que le recours doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé et accompagné de la justification de la qualité et de l'intérêt donnant qualité pour agir du requérant. Enfin, comme il a été dit, l'article R. 752-32 impose au requérant, à peine d'irrecevabilité, de communiquer son recours au bénéficiaire de l'avis favorable, dans les cinq jours suivant sa présentation à la Commission nationale d'aménagement commercial.

6. La recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale est notamment soumise à la double condition, d'une part que le requérant soit au nombre des personnes, mentionnées au I de l'article L. 752-17 du code de commerce, qui ont qualité pour contester le permis dans cette mesure et, d'autre part, que le requérant ait préalablement exercé, si le projet a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial, un recours contre cet avis, régulièrement déposé devant la Commission nationale.

7. Dès lors, il appartient à la cour administrative d'appel saisie d'une requête dirigée contre un permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale de s'assurer, le cas échéant d'office, au vu des pièces du dossier qui lui est soumis et indépendamment de la position préalablement adoptée par la Commission nationale d'aménagement commercial, d'une part, que le requérant est au nombre de ceux qui ont intérêt pour agir devant le juge administratif, d'autre part, si le projet a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial, que le requérant a, préalablement à l'introduction de sa requête, déposé contre cet avis un recours devant la Commission nationale qui respecte les conditions de recevabilité rappelées au point 5.

8. En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier que, ainsi que le fait valoir la commune de Valserhône, les sociétés requérantes ne justifient pas avoir notifié, dans le délai visé à l'article R. 752-32 du code de commerce et prescrit à peine d'irrecevabilité du recours préalable, au pétitionnaire, bénéficiaire de l'avis favorable de la CDAC, leur recours préalable devant la CNAC. Par suite, le recours administratif préalable obligatoire exercé par les sociétés requérantes auprès de la CNAC était irrecevable. Il s'en suit que, pour ce motif également, les conclusions de la requête tendant à l'annulation du permis de construire du 7 octobre 2022 en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale doivent être rejetées comme irrecevables.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. (...) ". Ni la qualité de propriétaire bailleur de locaux commerciaux, ni la qualité de propriétaires de terrains situés à proximité immédiate du projet ne suffisent, à elles seules, à conférer un intérêt personnel, direct et certain à contester une autorisation d'exploitation commerciale.

10. En l'espèce, les sociétés requérantes se prévalent de leur qualité de propriétaires de locaux commerciaux situés sur des parcelles voisines du terrain d'assiette du projet. Toutefois, cette seule qualité ne saurait leur conférer un intérêt direct et certain pour contester le permis délivré le 7 octobre 2022 à la SARL PNM Invest en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale dès lors qu'elles n'établissent pas l'impact allégué de l'activité générée par le projet litigieux sur leurs chiffres d'affaires respectifs. Elles se bornent à évoquer, pour la SC Tourmaline Real Estate, de ce qu'elle réalise 13% de son chiffre d'affaires grâce aux loyers perçus sur les baux commerciaux dont elle est bailleresse et, pour la SCI Jeremy, de ce qu'elle réalise 100% de son chiffre d'affaires grâce aux loyers perçus sur les baux commerciaux dont elle est bailleresse. Cependant, elles n'établissent pas la réalité de ces chiffres. En outre, il ressort des pièces du dossier que les produits qui seront commercialisés par les cellules commerciales du projet litigieux ne seront que très partiellement en concurrence avec ceux vendus par les sociétés locataires des requérantes qui exploitent les enseignes situées sur les parcelles leur appartenant. Dans ces conditions, dès lors que les requérantes ne démontrent pas que le projet est susceptible d'affecter leur activité de bailleurs, c'est à bon droit que la CNAC a estimé que les sociétés Tourmaline Real Estate et Jeremy ne présentaient pas d'intérêt pour agir et que leur recours était irrecevable.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par les sociétés requérantes tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 7 octobre 2022 à la SARL PNM Invest en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande les requérantes au titre des frais exposés à l'occasion de cette instance.

13. Les sociétés Tourmaline Real Estate et Jeremy verseront chacune la somme de 1 200 euros à la commune de Valserhône et la somme de 1 200 euros à la SARL PNM Invest en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la SC Tourmaline Real Estate et la SCI Jeremy est rejetée.

Article 2 : La SC Tourmaline Real Estate et la SCI Jeremy verseront chacune à la commune de Valserhône une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SC Tourmaline Real Estate et la SCI Jeremy verseront chacune à la SARL PNM Invest une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SC Tourmaline Real Estate, à la SCI Jeremy, à la commune de Valserhône, à la SARL PNM Invest et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente ;

Mme Mauclair, première conseillère ;

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-Néris

La présidente,

P. Dèche

La greffière,

C. Driguzzi

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°23LY01522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01522
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SCP BLT DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ly01522 ?
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