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04/04/2024 | FRANCE | N°23LY01421

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 04 avril 2024, 23LY01421


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 9 décembre 2022 par lesquelles la préfète de la Loire a retiré le certificat de résidence algérien dont il disposait, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour u

ne durée de six mois.



Par un jugement n° 2209504 du 31 mars 2023, le tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 9 décembre 2022 par lesquelles la préfète de la Loire a retiré le certificat de résidence algérien dont il disposait, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2209504 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 avril 2023, M. A... B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2209504 du 31 mars 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 9 décembre 2022 par lesquelles la préfète de la Loire a retiré le certificat de résidence algérien dont il disposait, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui restituer son certificat de résidence portant la mention " salarié ", ou de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le jugement est irrégulier en tant que, pour confirmer la décision de retrait, le tribunal a procédé à une substitution de base légale sans en avoir informé les parties ;

- la fraude n'est pas établie ; en tout état de cause, les informations sur la situation familiale sont sans lien avec le titre de séjour portant la mention " salarié " qui a été retiré ; le titre retiré avait par ailleurs été délivré en toute connaissance de cause et n'a donc pas été délivré en raison d'une fraude ; le retrait méconnait le principe de sécurité juridique ; il est entaché d'erreur de droit en tant qu'il se fonde sur les articles R. 432-4, 4° et R. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens ; il méconnait le délai de retrait prévu par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ; il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il méconnait le 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ; il méconnait l'article 7, b) de l'accord franco-algérien, qui est la base légale du titre retiré ;

- le refus de délivrance d'un titre de séjour est entaché de vice de procédure en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ; il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il méconnait le 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il méconnait le 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du retrait d'un titre de séjour et du refus de délivrance d'un titre de séjour ; elle est illégale compte tenu du droit au séjour dont il bénéficie sur le fondement du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnait le 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la fixation du délai de départ volontaire est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de séjour ;

- la fixation du pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de séjour ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de séjour ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnait les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elle n'a pas été prise après examen de tous les critères précisés par ce dernier article et en tant qu'elle est disproportionnée.

Le préfet de la Loire, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président ;

- et les observations de Me Guillaume représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 21 mai 1973, a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 9 décembre 2022 par lesquelles la préfète de la Loire a retiré le certificat de résidence algérien dont il disposait, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Par le jugement attaqué du 31 mars 2023, le tribunal a rejeté cette demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".

3. M. B... soutient être entré en France le 23 décembre 2011 et produit un passeport confirmant cette date d'entrée et la détention d'un visa. Pour l'année 2012, il produit en particulier une admission à l'aide médicale d'Etat en mai et un document de l'assurance maladie détaillant des remboursements pour de nombreux actes réalisés durant les mois de janvier, février, et juillet à décembre, ainsi qu'une prescription médicale de juillet. Pour l'année 2013, il produit en particulier des documents du service " chèque emploi service universel (CESU) " de l'URSSAF, qui font état de façon précise de périodes d'emploi continues de juillet à décembre. Il bénéficiait par ailleurs d'un récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation provisoire de séjour établi en avril et valable jusqu'en août et il produit une carte Vitale émise en juillet, une inscription à la caisse d'allocations familiales (CAF) de mai ainsi que des certificats médicaux de janvier et de juin. Pour l'année 2014, il produit des documents du service CESU de l'URSSAF faisant état de périodes d'emploi continues de janvier à décembre. Il produit en outre une attestation d'une infirmière de juin faisant état de sa présence auprès de ses parents, dont l'état de santé était dégradé, cette situation d'aide familiale n'étant pas contestée par le préfet, ainsi que l'attestation d'un pharmacien de janvier faisant état de la même implication. Pour les années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, il produit des documents du service CESU de l'URSSAF faisant état, pour chacune de ces années, de périodes d'emploi continues de janvier à décembre, en dehors du seul mois de juin 2018, outre un avis d'imposition pour chaque année et divers documents médicaux, d'assurance maladie et bancaires. Un certificat de résidence algérien lui a par ailleurs été délivré en août 2018 et renouvelé en mai 2020 et en janvier 2022. Enfin, pour les années 2020, 2021 et 2022, il produit, outre des documents du service CESU de l'URSSAF faisant état de périodes d'emploi continues de janvier à décembre pour chacune de ces années, des bulletins de paie d'une entreprise de boucherie pour les mêmes périodes continues, ainsi qu'une attestation récente du responsable de l'entreprise sur son embauche et son activité, et des avis d'imposition. Eu égard à leur contenu, à leur caractère probant, à leur nombre, à leur diversité et à leur continuité, ces éléments sont de nature à établir que M. B... résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. La seule circonstance qu'il se serait rendu ponctuellement en Algérie en 2014 pour s'y marier n'est pas de nature à remettre en cause le caractère habituel de sa résidence en France. Il est, en conséquence, fondé à soutenir que la préfète de la Loire a méconnu les stipulations précitées du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement. Le refus de séjour ainsi opposé doit, par suite, être annulé, ainsi que, par voie de conséquence, les mesures d'éloignement prises sur son fondement. Par ailleurs, eu égard aux garanties offertes par un titre portant la mention " vue privée et familiale " dont le droit à délivrance est ici reconnu, les conclusions de M. B... dirigées contre le retrait du titre qui lui avait été délivré en qualité de salarié sont sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 9 décembre 2022 par lesquelles la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif qui fonde l'annulation prononcée par le présent arrêt, et alors qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que M. B... n'a pas mis fin à sa résidence habituelle en France à la date du présent arrêt, cette annulation implique nécessairement que le préfet de la Loire délivre à M. B... un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre à ce préfet d'y procéder dans le délai de trois mois, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2209504 du 31 mars 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les décisions du 9 décembre 2022 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois, sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... dirigées contre les décisions du 9 décembre 2022 par lesquelles la préfète de la Loire a retiré le certificat de résidence algérien dont il disposait en qualité de salarié.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

Le président-rapporteur,

H. Stillmunkes

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

B. Gros

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01421


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01421
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ly01421 ?
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