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04/04/2024 | FRANCE | N°23LY01383

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 04 avril 2024, 23LY01383


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



1°) Sous le n° 2301932, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 24 février 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination.



2°) Sous le n° 2302101, M. A... C... a demandé

au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions en date du 24 février 2023 par lesquelles la pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) Sous le n° 2301932, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 24 février 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination.

2°) Sous le n° 2302101, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions en date du 24 février 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2301932-2302101 du 23 mars 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 avril 2023, M. A... C..., représenté par le cabinet d'avocats L2RC agissant par Me Landete, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301932-2302101 du 23 mars 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 24 février 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. C... soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- les motifs du refus de délai de départ volontaire sont infondés dès lors qu'il est incarcéré et qu'il ne peut donc constituer une menace pour l'ordre public ni ne peut se soustraire à la mesure d'éloignement ; le refus de délai de départ volontaire est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne peut exécuter l'éloignement en raison de son incarcération ; l'emprisonnement constitue un motif légitime pour ne pas se soumettre à l'éloignement sur le fondement de l'article L. 824-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'Algérie ne peut être retenue comme pays de renvoi compte tenu de son état de santé, la désignation de ce pays étant dès lors entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaissant l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est privée de base légale compte tenu de l'annulation qui devra être prononcée du refus de délai de départ volontaire ; elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de circonstances humanitaires compte tenu de son état de santé ;

- les décisions méconnaissent l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de procédures correctionnelles pendantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2023, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

La préfète de l'Ain soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par décision du 9 août 2023, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... a été rejetée comme caduque.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 22 novembre 1987, alors incarcéré, a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 24 février 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination. Par le jugement attaqué du 23 mars 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions.

Sur le moyen commun :

2. M. C... fait valoir qu'il était incarcéré en exécution d'un jugement correctionnel et que l'appel demeurait pendant. Cependant, les décisions en litige n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle au bon déroulement de la procédure pénale et il appartient à l'autorité préfectorale, dans l'exécution de ses décisions, de respecter les décisions du juge judiciaire. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

4. M. C... serait entré sur le territoire français dans des conditions non déterminées. Il a déclaré lors d'une audition du 29 novembre 2022 être entré pour la dernière fois en 2015, sans que cette date soit établie, mais le préfet admet une entrée en 2014. Il a fait l'objet de deux mesures d'éloignement, le 10 juin 2016 et le 24 juillet 2017, auxquelles il n'a pas déféré. Le préfet souligne qu'il est en particulier connu pour des faits répétés de vol, de recel et de violences aggravées, ayant donné lieu pour plusieurs d'entre eux à condamnation pénale. En dernier lieu, le 12 septembre 2022 il a été condamné à douze mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse pour des vols en récidive, aggravés par trois circonstances, dès lors qu'ils ont été commis en réunion, dans un local protégé et que les vols se sont accompagnés d'actes de destruction, dégradation ou détérioration. Ce jugement relève que le bulletin n° 1 du casier judiciaire fait mention de vingt autres infractions, le comportement délictuel étant ainsi régulièrement réitéré. La récidive a d'ailleurs été retenue. Eu égard à la gravité et à la répétition de ce comportement, qui caractérise une menace pour l'ordre public, le préfet a pu décider l'éloignement de M. C... sur le fondement du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Eu égard au comportement délictuel de M. C..., qui ne fait valoir aucun élément d'intégration ancré dans la durée sur le territoire français, l'autorité préfectorale, en décidant son éloignement, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la fixation du délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants ; / (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".

7. D'une part, eu égard à ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt sur le comportement délictuel de M. C..., le préfet a pu lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire sur le fondement du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que la circonstance que M. C... est incarcéré puisse être de nature par elle-même à exclure que son comportement soit regardé comme constituant une menace pour l'ordre public.

8. D'autre part et au surplus, M. C... ne conteste pas ne pas disposer de documents d'identité et avoir refusé d'exécuter la décision d'éloignement. Le refus de délai de départ volontaire peut ainsi trouver une base légale supplémentaire dans les dispositions du 3° de l'article L. 612-2 du code précité, combinées aux dispositions des 4° et 8° de l'article L. 612-3 du même code, sans que la circonstance que M. C... soit incarcéré puisse être de nature par elle-même à exclure tout risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement.

9. En deuxième lieu, la circonstance que M. C... était incarcéré ne faisait pas par elle-même obstacle à ce que le préfet décide son éloignement en lui refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire, sous réserve que l'exécution de cet éloignement respecte les décisions de l'autorité judiciaire. Si le préfet ne peut ainsi mettre à exécution ces décisions que dans le respect des décisions du juge judiciaire, l'incarcération de M. C... n'a pas pour effet d'entacher la décision portant refus de délai de départ volontaire d'erreur manifeste d'appréciation, l'éloignement pouvant être immédiat dès que M. C... aura été libéré, la date de cette libération relevant du juge judiciaire.

10. En troisième lieu, M. C... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 824-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui instituent une sanction pénale et n'ont ni pour objet ni pour effet de déterminer les règles applicables à la fixation du délai de départ volontaire.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

11. M. C... fait valoir que son état de santé s'opposerait à son éloignement vers l'Algérie. Il se borne toutefois à produire des ordonnances anciennes et des attestations anciennes non circonstanciées, la plus récente de ces pièces datant de 2016. Ces éléments ne sont pas de nature à établir l'actualité de l'état de santé allégué. Au surplus, les ordonnances portent sur des spécialités pharmaceutiques courantes, les attestations n'évoquent aucune gravité particulière, et il ne ressort en tout état de cause des pièces du dossier, ni qu'un traitement adapté ne serait pas disponible en Algérie, ni que M. C... ne pourrait voyager pour s'y rendre, la cour administrative d'appel de Bordeaux l'ayant d'ailleurs expressément constaté dans son arrêt n° 16BX03973 du 9 mai 2017 devenu définitif qu'évoque le préfet. Dès lors, en retenant comme pays de destination le pays dont M. C... a la nationalité, où il est né et où il a vécu la plus grande partie de son existence et en l'absence de tout élément médical établi y faisant obstacle, la préfète de l'Ain n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni n'a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. En premier lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire, le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délai de départ volontaire.

13. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ".

14. M. C... soutient qu'eu égard à son état de santé, la préfète de l'Ain aurait entaché sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'elle a estimé qu'aucune circonstance humanitaire ne faisait obstacle à cette décision. Toutefois, pour les motifs qui ont été exposés au point 11 du présent arrêt, ce moyen doit être écarté, le requérant n'établissant pas l'existence à la date de la décision d'un état de santé susceptible de faire manifestement obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

Le président-rapporteur,

H. Stillmunkes

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

B. Gros

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01383
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LANDETE PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ly01383 ?
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