Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... D... et Mme A... F... ont, chacun pour ce qui le concerne, demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 25 avril 2022 par lesquels la préfète de la Drôme a refusé de renouveler leur autorisation provisoire de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement nos 2206146 - 2206147 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2023, M. D... et Mme F..., représentés par Me Cadoux, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de renvoyer les affaires devant le tribunal administratif de Grenoble ;
3°) à défaut, d'annuler les arrêtés du 25 avril 2022 ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de leur situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, en leur délivrant dans l'attente, sous sept jours, une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif de Grenoble a omis de répondre au moyen, soulevé à l'encontre des refus de séjour, tiré du défaut d'examen de leur situation particulière et au moyen, invoqué à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
- les décisions de refus de titre de séjour sont entachées d'un vice de procédure et d'une erreur de droit en raison d'un défaut d'examen particulier de leurs dossiers ;
- ces décisions méconnaissent l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. D... et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Laval, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme F..., ressortissants géorgiens, nés respectivement les 26 novembre 1988 et 10 octobre 1993, sont entrés en France le 24 décembre 2018, accompagnés de leur fils mineur, né en 2011. A la suite du rejet de leurs demandes d'asile, ils ont sollicité un titre de séjour en tant qu'accompagnant de leur fils, qui souffre d'un handicap psychomoteur. Par un jugement du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon, après avoir joint les deux affaires, a annulé les refus de titre de séjour opposés par le préfet de l'Ardèche à leurs demandes et a enjoint la délivrance d'autorisations provisoires de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable. M. D... et Mme F... ont sollicité, le 20 décembre 2021, le renouvellement de ces autorisations provisoires de séjour. Par deux arrêtés du 25 avril 2022, la préfète de la Drôme a refusé de faire droit à leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... et Mme F... relèvent appel du jugement du 24 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif de Grenoble a répondu au moyen, soulevé par M. D... et Mme F... à l'encontre des décisions de refus de séjour, tiré du défaut d'examen particulier de leur dossier au point 3 du jugement contesté. Il a également répondu au moyen, soulevé à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'erreur manifeste commise par la préfète de la Drôme dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur leur situation personnelle, au point 13 de ce même jugement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne les décisions de refus d'autorisation provisoire de séjour :
3. En premier lieu, les décisions contestées font état de la nature de la demande de M. D... et Mme F... et indiquent que l'état de santé de leur fils ne leur permet pas de prétendre, au vu de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er avril 2022, dont il précise la teneur, à une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnants d'un enfant étranger malade. Dans ces conditions, il ressort des termes mêmes de ces décisions que la préfète de la Drôme, qui n'était pas tenue de faire état de la délivrance antérieure d'autorisations provisoires de séjour d'une durée de six mois, intervenue sur injonction du tribunal administratif de Lyon, a procédé à un examen particulier de la situation des requérants avant de les édicter. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. "
5. Pour refuser de faire droit à la demande des requérants, la préfète de la Drôme s'est appropriée les termes de l'avis du 1er avril 2022 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, consulté dans le cadre de l'instruction de leur demande, estimant que, si l'état de santé de l'enfant nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester ce refus de l'autorité préfectorale, M. D... et Mme F... soutiennent que l'état de santé de leur fils C..., qui est atteint d'une encéphalopathie déficitaire avec quadriplégie spastique et absence de langage syndrome, assorti de troubles moteurs et de comportement, nécessite une prise en charge pluridisciplinaire, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, s'ils produisent de nombreux certificats médicaux ainsi que des décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées et un compte-rendu au titre du guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation relatif à l'insertion scolaire de leur enfant, ces documents indiquent seulement que la poursuite de la prise en charge reste indispensable sans mentionner qu'un retour en Géorgie remettrait inéluctablement en cause l'évolution favorable des divers handicaps dont souffre le jeune garçon et ne font pas état de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge. Ils ne sont, dès lors, pas de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, postérieur au jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 septembre 2020, annulant les refus d'autorisation provisoire de séjour dont les requérants avaient fait l'objet le 19 juin 2020. Ces derniers, dans ces conditions, ne peuvent utilement se prévaloir de l'indisponibilité, en Géorgie, des soins appropriés à l'état de santé de leur fils, qui ne constitue pas le motif des décisions de refus en litige. Par suite, M. D... et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que la préfète de la Drôme a méconnu l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. M. D... et Mme F..., qui sont entrés en France le 24 décembre 2018, résident sur le territoire français depuis seulement trois ans et quatre mois à la date des décisions contestées. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le défaut de prise en charge en France de leur fils handicapé, qui bénéficie d'un suivi pluridisciplinaire et d'une scolarisation limitée, ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, de sorte que son état de santé ne nécessite pas son maintien, et celui de ses parents, sur le territoire national. Les requérants n'établissent pas davantage les risques de régression allégués en cas de retour dans leur pays d'origine, en particulier dans l'amélioration des fonctions motrices par kinésithérapie. Si leur fille cadette est née en France, où elle est scolarisée en maternelle, il n'est fait état d'aucun obstacle à la reconstitution de la cellule familiale que forment les requérants avec leurs deux enfants en Géorgie, où ils ont vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre et vingt-neuf ans et où ils n'établissent pas, ni même n'allèguent, être dépourvus d'attaches personnelles et familiales. Enfin, M. D... et Mme F..., en se bornant à faire état de leur insertion récente dans une communauté Emmaüs, pour faciliter les démarches de prise en charge de leur fils, ne justifient d'aucune intégration notable dans la société française. Dans ces conditions, la préfète de la Drôme, en refusant de leur délivrer un titre de séjour, n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale des requérants une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, les décisions contestées ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. D... et Mme F....
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'état de santé du fils de M. D... et Mme F... ne nécessite pas son maintien sur le territoire national et que les refus de séjour en litige n'ont ni pour objet, ni pour effet d'entraîner la séparation des enfants des requérants avec l'un de leurs parents, la cellule familiale pouvant se reconstituer en Géorgie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 ci-dessus, les obligations de quitter le territoire français prises à l'encontre de M. D... et Mme F... ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.
11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 9 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... et Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme A... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,
M Porée, premier conseiller,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.
Le rapporteur,
J-S. Laval
La présidente,
A. Courbon
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01104