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04/04/2024 | FRANCE | N°22LY02014

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 04 avril 2024, 22LY02014


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. A... C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017.



Par un jugement n° 2008410 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 30 juin 2022,

M. et Mme C..., représentés par Me Cerveau, demandent à la cour :



1°) d'annuler ce jugement et leur accorde...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2008410 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Cerveau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et leur accorder la décharge sollicitée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition suivie à l'égard de l'EURL du Rond-Point est entachée d'irrégularité dès lors que cette société a été privée d'un débat oral et contradictoire et a été dans l'impossibilité de répondre aux demandes du service ;

- l'administration ne justifie pas de l'imposition des sommes en tant que revenus distribués sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts dès lors qu'elle ne démontre ni un enrichissement des contribuables ni un désinvestissement de la part de la société ;

- l'administration aurait dû considérer que les charges d'un montant de 8 024 euros et de 34 067 euros étaient justifiées ; à titre subsidiaire, elle aurait dû admettre un montant de 235 809 euros de charges pour l'exercice clos le 30 juin 2016, ramenant le bénéfice distribué à 36 973 euros ;

- l'administration ne pouvait imposer au titre des revenus distribués les charges dont elle rejette la déductibilité uniquement pour des motifs de forme ou s'agissant de dépenses qui auraient dû être immobilisées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 4 septembre 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 5 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) L'Atelier du Rond-Point a été créée le 24 mars 2015 et avait une activité de boulangerie à Genas. Elle était détenue par la société à responsabilité limitée (SARL) Hed Conseil, elle-même détenue à hauteur de 95% par M. A... C... et de 5% par son épouse, Mme D... C.... L'EURL L'Atelier du Rond-Point n'a pas souscrit de déclaration de résultat pour les exercices clos les 30 juin 2016 et 30 juin 2017. Après un contrôle sur pièce, l'administration l'a taxée d'office à l'impôt sur les sociétés. M. C..., également gérant de l'EURL L'Atelier du Rond-Point, ayant la même activité, située également à Genas, et son épouse se sont vu notifier des rectifications en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2016 et 2017 à raison des revenus distribués par l'EURL L'Atelier du Rond-Point, par une proposition de rectification du 17 octobre 2018. Saisie d'un recours hiérarchique par la société, l'administration a, au vu des documents comptables et des pièces justificatives présentés, réduit le montant des bénéfices imposables au titre des exercices clos les 30 juin 2016 et 2017 et, en conséquence, a modifié les rectifications notifiées à M. et Mme C..., par courrier du 4 septembre 2019. Ces derniers relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en résultant.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. D'une part, le principe d'indépendance des procédures d'imposition voulant que les moyens contestant la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux sont inopérants au regard des impositions mises à la charge de l'un de ses associés ou gérants, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de l'irrégularité de la procédure d'imposition suivie par l'administration avec l'EURL L'Atelier du Rond-Point à l'appui de leur contestation des impositions mises à leur charge en conséquence du contrôle sur pièces opéré à l'encontre de cette société. En outre, le principe d'indépendance des procédures d'imposition n'interdit pas que les constatations effectuées dans le cadre du contrôle sur pièces de l'EURL L'Atelier du Rond-Point puissent fonder les rectifications litigieuses, prises à l'encontre du gérant de cette société.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse à ses observations, consécutive à un autre contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.

4. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification adressée à M. et Mme C... le 17 octobre 2018 que l'administration y a indiqué que l'EURL Atelier du Rond-Point n'ayant pas souscrit de déclaration de résultat au titre des exercices en litige, le service a déterminé son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 30 juin 2016, 2017 et 2018. Le service a renvoyé, s'agissant du détail des éléments qu'il a retenus pour déterminer le bénéfice imposable à la proposition de rectification du 17 octobre 2018 adressée à l'EURL L'Atelier du Rond-Point laquelle était jointe à celle adressée aux requérants. La vérificatrice a également indiqué qu'à défaut d'avoir été mis en réserve ou incorporés au capital, les bénéfices d'un montant de 176 655 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2016 et de 146 075 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2017 constituent des revenus distribués au sens du 1°) de l'article 109-1 du code général des impôts. Elle a ajouté que M. C..., qui contrôle indirectement la société, en est le gérant de droit et a mis en place un monnayeur pour les versements en espèce auquel il a seul accès, doit être regardé comme le maître de l'affaire. La vérificatrice en a conclu que les sommes litigieuses étaient imposables entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, pour un montant de 220 818,75 euros au titre de l'année 2016 et de 182 594 euros au titre de l'année 2017. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ".

En ce qui concerne l'existence des distributions :

6. Il ressort de la proposition de rectification adressée aux requérants et n'est pas contesté que les bénéfices réalisés par l'EURL L'Atelier du Rond-Point au titre des exercices clos les 30 juin 2016 et 30 juin 2017 n'ont fait l'objet d'aucune décision de mise en réserve ou d'incorporation au capital. A ce titre, l'administration indique, sans être contestée, que l'EURL L'Atelier du Rond-Point n'a convoqué aucune assemblée générale et n'a pas déposé de liasse fiscale pour l'exercice clos le 30 juin 2018. Par suite, aucune décision d'affectation des bénéfices réalisés n'a été prise. Ces bénéfices doivent, dès lors, être regardés comme des revenus distribués.

En ce qui concerne le montant des distributions :

7. Il ressort de la proposition de rectification adressée à l'EURL L'Atelier du Rond-Point le 17 octobre 2018 que l'administration avait évalué le chiffre d'affaires de l'EURL L'Atelier du Rond-Point à partir des encaissements tels qu'ils figuraient sur les relevés bancaires des comptes ouverts au nom de la société auprès de la Lyonnaise de Banque et de la Banque Fiducial pour l'exercice clos le 30 juin 2016 et, dès lors qu'elles faisaient apparaître un montant supérieur, à partir des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour les exercices clos les 30 juin 2017 et 2018. L'administration a ensuite, par souci de réalisme économique et pour tenir compte de la création de l'activité en 2015 et des difficultés rencontrées par celle-ci avant sa liquidation judiciaire, retenu un taux de charge de 61,42%, par référence au taux de charge moyen constaté pour l'activité de boulangerie-pâtisserie pour l'exercice clos le 30 juin 2016 et de 46,42% pour les exercices clos les 30 juin 2017 et 2018. Enfin, l'EURL L'Atelier du Rond-Point ayant, au stade du recours hiérarchique, transmis des pièces justificatives et des documents comptables, l'administration a modifié les bénéfices précédemment déterminés et le montant des charges admises en déduction de ces résultats.

8. Les requérants réitèrent en appel leur contestation des factures des 29 avril 2015, 29 mai 2015, de la facture de loyer " Chomette " du 10 juillet 2015 et des factures des 4 et 8 septembre 2015 relatives à un déplacement du gérant à Oloron-Sainte-Marie en estimant que ces dépenses constituent des charges déductibles du résultat de la société. Toutefois, ils n'apportent aucun élément nouveau de fait ou de droit en appel à l'appui de leur contestation ni ne critiquent les motifs du jugement attaqué. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents et circonstanciés par lesquels le tribunal y a répondu aux points 8 à 13 de son jugement.

9. M. et Mme C... ne démontrent pas que les autres dépenses dont ils font état, qu'ils ne listent pas précisément, dont des factures libellées au nom de la SARL Hed Conseil, auraient effectivement concerné l'activité de l'EURL L'Atelier du Rond-Point alors qu'aucune refacturation n'a été opérée par la SARL Hed Conseil. Si les requérants ont pu soutenir que la SARL Hed Conseil avait pris en charge leur règlement compte-tenu de la " conjoncture difficile " et qu'aucune refacturation à l'EURL L'Atelier du Rond-Point n'avait été opérée, ces dépenses ne sont ainsi pas déductibles des résultats de l'EURL L'Atelier du Rond-Point.

10. Ils soutiennent également que l'administration, qui se borne à refuser la déductibilité de charges pour des motifs de forme ou lorsque les dépenses en cause constituent des biens qui auraient dû être immobilisés, ne peut estimer que celles-ci sont constitutives de produits ou bénéfices non mis en réserve ni même de sommes ou valeurs mises à disposition des associés. Toutefois, une telle argumentation, à laquelle le tribunal n'était pas tenu de répondre dès lors qu'elle se rattache au moyen tiré de ce que les bénéfices reconstitués ne peuvent être regardés comme des revenus distribués, est sans incidence sur le bien-fondé des impositions litigieuses dès lors que seuls les bénéfices évalués après prise en charge des charges déductibles sont constitutifs de revenus distribués et non les charges elles-mêmes.

11. L'administration établit ainsi que les sommes litigieuses ont été désinvesties et ont constitué des revenus réputés distribués, ce que ne contredisent pas utilement les requérants en se bornant à faire valoir que l'EURL L'Atelier du Rond-Point a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, au demeurant postérieure aux années en litige, et que M. C... y disposait d'un compte-courant créditeur de plus de 60 000 euros.

12. Les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de la réponse à M. B..., député, du 7 janvier 1954, qui se borne à rappeler que des revenus de capitaux mobiliers ne peuvent être imposés que s'ils ne sont pas demeurés investis, ce qui est le cas en l'espèce.

En ce qui concerne l'appréhension des distributions :

13. Pour estimer que M. C... devait être regardé comme le seul maître de l'affaire, l'administration a relevé que la SARL Hed Conseil, associé unique de l'EURL L'Atelier du Rond-Point, était détenue à 95% par M. C..., que l'intéressé était le gérant de droit de l'EURL L'Atelier du Rond-Point et qu'il avait seul accès au monnayeur mis en place pour le paiement en espèce alors que le contrôle avait révélé que tous les paiements en espèce ne faisaient pas l'objet de virements sur les comptes bancaires de la société. De ces éléments, qui ne sont pas contestés par l'intéressé, l'administration a pu légalement déduire que M. C... avait la qualité de seul maître de l'affaire et qu'il devait être regardé comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués par l'EURL L'Atelier du Rond-Point en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse aux requérants la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... , à Mme D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente ;

Mme Mauclair, première conseillère ;

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLa présidente,

P. Dèche

La greffière,

C. Driguzzi

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02014


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02014
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : DEBROSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;22ly02014 ?
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