Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite née le 11 août 2019 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté sa déclaration de libre établissement pour l'exercice de l'activité de moniteur de ski alpin et refusé de lui délivrer une carte professionnelle, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer cette carte et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 105 000 euros en réparation de son préjudice financier.
Par un jugement n° 1906801 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à verser au requérant une indemnité de 1 000 euros ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre des frais de procès et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, M. B..., représenté par Me Planes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 mars 2022 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il ne fait pas droit à ses demandes d'annulation du refus de délivrance de la carte professionnelle et d'injonction de délivrance de cette carte ;
2°) d'annuler la décision implicite du 13 août 2019 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté sa déclaration de libre établissement de moniteur de ski alpin et sa demande de délivrance de carte professionnelle ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer sans délai la carte professionnelle d'éducateur sportif, au besoin sous astreinte ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que sa demande d'annulation de la décision préfectorale implicite de refus de délivrance de la carte professionnelle n'était pas tardive car, résidant à l'étranger, il bénéficiait d'un délai supplémentaire de deux mois prévu par le troisième alinéa de l'article R. 421-7 du code de justice administrative.
La ministre chargée des sports, régulièrement mise en cause, n'a pas produit de défense.
La clôture d'instruction a été fixée au 12 janvier 2024 par une ordonnance du 4 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique publié au journal officiel de l'Union européenne C-384-I du 12 novembre 2019 ;
- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013) ;
- le code du sport ;
- l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées ;
- le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l'Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l'exercice des professions d'éducateur sportif et d'agent sportif ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2024 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Planes, représentant M. B....
Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 19 mars 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité britannique, né en 1953, a adressé au préfet de l'Isère une déclaration de libre établissement en vue d'exercer en France la profession de moniteur de ski alpin et a conséquemment sollicité la délivrance de la carte professionnelle correspondante. M. B... relève appel du jugement du 11 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, tout en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 1 000 euros, n'a pas fait droit à ses demandes d'annulation de la décision implicite de refus de délivrance de la carte professionnelle et d'injonction de délivrance de cette carte.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formée contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". L'article R. 421-7 du même code précise que le délai de recours prévu à son article R. 421-1 " est augmenté de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger ".
3. Il ressort des pièces du dossier que par courrier notifié le 4 janvier 2019 à M. B..., à son adresse au Royaume-Uni, en réponse à la déclaration de libre établissement de ce ressortissant britannique qu'il avait reçue le 19 décembre 2018, le préfet de l'Isère lui a rappelé qu'il devait se soumettre à une épreuve d'aptitude, la 1ère partie de l'eurotest. Par courrier daté du 14 janvier 2019, reçu le lendemain par le préfet, M. B... a contesté cette décision de refus de délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif, décision qui mentionnait qu'outre un recours gracieux ou hiérarchique, un recours contentieux pouvait être exercé dans un délai de deux mois à compter de cette notification, via l'application " télérecours citoyens ". Si les dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative imposent à l'administration de faire connaître les délais opposables à tous les requérants que les textes attachent aux actes individuels qu'elle prend, elles ne l'obligent pas, en outre, à indiquer, cas par cas, les prolongations éventuelles et de durée variable dont pourraient bénéficier certains requérants à raison de l'éloignement où se trouverait leur demeure à la date à laquelle ils auraient reçu notification de l'un de ces actes. La décision de refus notifiée le 4 janvier 2019 n'avait donc pas à faire mention du délai de recours contentieux de quatre mois dont bénéficiait M. B... en vertu de la disposition visée ci-dessus de l'article R. 421-7 du code de justice administrative, ceci à l'encontre de cette seule décision initiale. M. B... ayant contesté cette dernière, le préfet a confirmé son refus par une décision notifiée le 31 janvier 2019, mentionnant elle aussi les voies et délais de recours. Pourtant, ce n'est que le 11 octobre 2019, passé le délai de deux mois qui lui était imparti pour ce faire par cette décision de rejet de recours gracieux, que M. B... a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande d'annulation du refus préfectoral de délivrance de la carte professionnelle. Le second recours gracieux que le préfet a reçu le 11 juin 2019, sans y apporter de réponse, n'a pas eu pour effet de rouvrir le délai de recours contentieux, qui était de deux mois courant à compter du 31 janvier 2019. Il s'ensuit, comme l'a jugé le tribunal, que les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet de ce second recours gracieux, en réalité dirigées contre le refus de délivrance de la carte professionnelle, initialement opposé le 4 janvier 2019, ainsi que ses conclusions en injonction, étaient tardives et, par suite, irrecevables.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de son recours gracieux du 14 janvier 2019, M. B... a réclamé au préfet de l'Isère le versement d'une indemnité d'un million d'euros en réparation d'un préjudice économique et d'un préjudice moral. Devant le tribunal, il a ramené ce montant à 105 000 euros pour le premier et 50 000 euros pour le second. Le tribunal lui a accordé une indemnité de 1 000 euros pour réparer son préjudice moral en lien avec l'illégalité du refus de délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif, qui résulterait de ce que le dossier de demande aurait été complet et de ce que le préfet n'aurait pas justifié de la nécessité d'une épreuve d'aptitude sous la forme de l'eurotest. Devant la cour, M. B... se borne à solliciter la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation de ce même préjudice moral, sans y consacrer aucune argumentation. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que M. B... aurait rempli les conditions pour la délivrance du titre demandé, telles qu'elles résultent du 2° de l'article R. 212-90 du code du sport, faute de justifier avoir exercé cette activité à temps plein pendant une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente au cours des dix années précédentes, ceci dans un Etat membre de l'Union européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne réglementant pas l'accès à l'activité ou son exercice. Il résulte ainsi de l'instruction que le préfet aurait refusé la délivrance du titre sollicité alors même qu'il n'aurait pas commis l'illégalité relevée par le tribunal. M. B... n'est dès lors pas fondé à demander la majoration de la somme qui lui a été allouée en première instance et que l'Etat ne conteste pas devant la cour.
Sur les frais liés au litige :
5. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,
M. Gros, premier conseiller,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition par le greffe le 4 avril 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
H. Stillmunkes
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01445