Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
MM. G... et B... H... et Mme A... H..., en leur nom propre et en qualité d'ayants droit de Mme I... H... et de M. K... H..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme de 315 949,50 euros, sur le fondement de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, en qualité d'ayants droit de leur mère, la somme de 75 000 euros en qualité d'ayants droit de leur père, décédé en cours d'instance, et de verser la somme de 115 000 euros à M. G... H..., au titre de ses préjudices propre.
Par un jugement n° 2005609 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à MM. G... et B... H... et Mme A... H... la somme de 84 587,30 euros en qualité d'ayants droit de Mme I... H..., la somme de 30 000 euros en qualité d'ayants droit de M. K... H..., ainsi qu'à verser une somme de 10 840 euros à M. G... H... et a mis les frais d'expertise à la charge définitive de l'ONIAM.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 mai 2022, MM. G... et B... H... et Mme A... H..., représentés par Me Pontille, demandent à la cour, en leur nom propre et en qualité d'ayants droit de Mme I... H... et de M. K... H... :
1°) de réformer le jugement n° 2005609 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner l'ONIAM à leur verser la somme de 315 949,50 euros en leur qualité d'ayants droit de Mme I... H..., la somme de 75 000 euros en leur qualité d'ayants droit de M. K... H..., de verser la somme de 100 000 euros à M. G... H... et la somme de 30 000 euros chacun à M. B... H... et Mme A... H..., au titre de leurs préjudices personnels ;
3°) de condamner l'ONIAM à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens de l'instance.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a écarté l'indemnisation du reste à charge des 235 journées d'hospitalisation de Mme I... H..., sur la base d'un forfait journalier de 18 euros ;
- la demande indemnitaire de 2 440 euros au titre du remboursement des frais divers est justifiée ;
- le taux horaire pris en compte pour le calcul de l'indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne ne saurait être inférieur à 20 euros et le tribunal administratif a sous-évalué ce poste de préjudice ;
- le montant accordé au titre du déficit fonctionnel temporaire de Mme H... résulte d'une appréciation erronée et ils sont fondés à solliciter une somme de 14 879,50 euros à ce titre ;
- le montant alloué au titre des souffrances physiques et psychiques de Mme H... résultant de l'aggravation de son état de santé ne saurait être inférieur à 50 000 euros et le montant alloué au titre de son préjudice esthétique ne saurait être inférieur à 20 000 euros ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de reconnaitre le préjudice spécifique de contamination et le préjudice spécifique résultant de la réduction de l'espérance de vie de Mme H... et les demandes d'indemnisation à hauteur de 85 000 euros pour le premier et 35 000 euros pour le second sont fondées ;
- ils sont fondés à solliciter une somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'affection subi respectivement par M. K... H... et M. G... H... du fait de l'aggravation de l'état de santé de leur épouse et mère entre 2010 et 2017 ;
- ils sont fondés à solliciter une somme de 15 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence subis entre 2010 et 2017 respectivement par M. K... H... et M. G... H... du fait de l'aggravation de l'état de santé de leur épouse et mère ;
- ils sont fondés à solliciter une somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement subi respectivement par M. K... H... et M. G... H... ;
- MM. G... et B... H... et Mme A... H... sont fondés à solliciter une somme de 30 000 euros chacun au titre de leur préjudice d'affection, ainsi, en leur qualité d'ayants droit, qu'une somme de 30 000 euros au titre du préjudice d'affection de leur père du fait du décès de Mme H... ;
- M. G... H... justifie d'un préjudice professionnel qui devra être évalué à 40 000 euros du fait de la perte de postes de travail et de l'interruption d'une formation résultant de la nécessité d'être auprès de sa mère lors de l'aggravation de son état de santé.
Par un courrier enregistré le 6 décembre 2022, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône à déclarer de pas intervenir dans l'instance.
Par un mémoire, enregistré le 9 décembre 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par la SCP UGGC Avocats agissant par Me Welsch, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre incident, à ce que l'indemnisation des préjudices résultant de l'aggravation de l'état de santé de Mme H... soit réduite à de plus justes proportions.
Il soutient que :
- la demande présentée au titre du reste à charge des 235 journées d'hospitalisation de Mme H... devra être écartée ;
- le besoin d'assistance par tierce personne doit être évalué sur une base horaire de 13 euros, déduction faite des montants versés à ce titre en exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 juin 2011 et le total ne saurait excéder la somme de 36 678,36 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent a déjà été indemnisé en exécution du jugement du 7 juin 2011, sur la base d'un taux de 55 % qui tient compte de l'état séquellaire et des troubles pour l'avenir ; en toute état de cause, les sommes déjà versées à ce titre devront être déduite du montant alloué au titre d'une aggravation ;
- l'aggravation des souffrances endurées ne saurait être évalué à un montant supérieur à 10 000 euros ;
- le préjudice esthétique ne saurait être évalué à un montant supérieur à 1 500 euros ;
- le préjudice spécifique de contamination ne peut être retenu du fait du décès de Mme H... et le préjudice de réduction d'espérance de vie n'est pas distinct des préjudices résultant des souffrances endurées et du déficit fonctionnel ;
- le préjudice résultant pour M. K... H... des troubles dans les conditions d'existence a déjà été indemnisé à hauteur de 3 000 euros par le jugement du tribunal de grande instance de Lyon ; son préjudice d'affection en lien avec l'accompagnement, l'aggravation de l'état de santé et le décès de son épouse ne saurait être évalué à un montant supérieur à 30 000 euros ;
- le préjudice d'affection de M. G... H..., en lien avec l'accompagnement, l'aggravation de l'état de santé et le décès de sa mère, ne saurait être évalué à un montant supérieur à 10 000 euros ;
- le préjudice professionnel dont se prévaut M. G... H... n'est pas justifié.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Laareg, substituant Me Pontille, représentant les consorts H....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêt du 30 juin 2005, la cour d'appel de Lyon a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 1er décembre 2003 reconnaissant l'Etablissement français du sang responsable de la contamination par le virus de l'hépatite C dont Mme I... H... a été victime à la suite d'une transfusion sanguine effectuée en avril 1977, et condamnant solidairement cet organisme et son assureur à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis. Par un jugement du 7 juin 2011, le tribunal administratif de Lyon a condamné, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à indemniser Mme H... des conséquences dommageables de l'aggravation des préjudices résultant de cette contamination par le versement d'une somme de 118 525 euros et l'allocation d'une rente trimestrielle au titre du besoin d'assistance par tierce personne. A la suite du décès de Mme H..., le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise aux fins d'évaluation de l'aggravation des préjudices de Mme H... pour la période du 23 octobre 2008, date de la précédente expertise, au 7 janvier 2017, date de son décès. Par un jugement du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à messieurs G... et B... H... et Mme A... H..., la somme de 84 587,30 euros en qualité d'ayants droit de Mme I... H..., la somme de 30 000 euros, en qualité d'ayants droit de M. K... H... décédé en cours d'instance, ainsi qu'à verser une somme de 10 840 euros à M. G... H... au titre de ses préjudices propres et a mis les frais d'expertise à la charge définitive de l'ONIAM.
2. MM. G... et B... H... et Mme A... H..., agissant en leur nom propre et en qualité d'ayants droit de Mme I... H... et de M. K... H... interjettent appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, l'ONIAM demande à ce que l'indemnisation des préjudices résultant de l'aggravation de l'état de santé de Mme H... soit réduite à de plus justes proportions.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C (...) causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa. " Il n'est pas contesté, au vu des faits rappelés au point 1 du présent arrêt que messieurs G... et B... H... et Mme A... H..., en leur nom propre et en qualité d'ayants droit de Mme I... H... et M. K... H..., sont fondés à obtenir l'indemnisation par l'ONIAM des conséquences dommageables découlant de la contamination par le virus de l'hépatite C imputable aux transfusions dont a bénéficié Mme I... H... en avril 1977.
4. D'autre part, il est constant que depuis la date à laquelle le tribunal administratif de Lyon a statué la première fois, le 7 juin 2011, l'état de santé de Mme H..., qui, compte tenu du caractère évolutif de la maladie, ne pouvait être regardé comme consolidé mais a simplement été stabilisé par périodes, s'est considérablement dégradé entre la date de l'expertise effectuée le 23 octobre 2008 et le 7 janvier 2017, date de son décès. Par ailleurs, aux termes du rapport d'expertise du professeur D... en date du 15 mars 2019, le décès de Mme H..., survenu du fait d'une défaillance multiviscérale à point de départ hémorragique dans un contexte de carcinome hépatocellulaire sur cirrhose évolutive, est directement et intégralement imputable aux conséquences de l'infection par le virus de l'hépatite C. Seule est en litige dans le cadre de la présente instance d'appel l'évaluation des préjudices tenant à la dernière aggravation de l'état de Mme H... puis à son décès.
En ce qui concerne les préjudices de Mme I... H... :
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
Quant aux dépenses de santé :
5. Les ayants droit de Mme H... demandent le remboursement des frais de forfait journalier restés à la charge de cette dernière au titre de ses différentes périodes d'hospitalisation depuis le 23 octobre 2008. Ils produisent un mandat d'huissier du 22 avril 2016 pour une dette d'un montant de 372,79 euros à recouvrer par le Trésor Public à raison de frais d'hospitalisation pour les périodes du 19 novembre 2015 au 1er décembre 2015 et du 21 au 24 décembre 2015, une note de frais du 10 septembre 2016 d'un montant de 108 euros relative à une hospitalisation entre le 5 et le 10 septembre 2016 à l'hôpital de la Croix-Rousse et un avis de sommes à payer relatif à un titre de perception d'un montant de 216 euros pour une hospitalisation du 15 au 27 septembre 2016 dans le même centre hospitalier. En revanche, s'ils produisent un courrier de la direction générale des finances publiques en date du 18 juin 2018 faisant état de factures hospitalières non réglées pour un montant de 886,20 euros et un avis à tiers détenteur pour le recouvrement d'une créance non chiffrée de l'Hôpital de Cannes, aucun élément du dossier ne permet de rattacher ces dettes aux périodes d'hospitalisation de Mme H.... Par ailleurs, s'ils demandent l'indemnisation du reste à charge des 235 journées d'hospitalisation de cette dernière entre le 23 octobre 2008 et la date de son décès, sur la base d'un forfait journalier de 18 euros, ils ne produisent aucun justificatif de nature à établir la réalité d'un tel préjudice. Dans ces circonstances et au regard des justificatifs produits, il y a seulement lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 696,79 euros au titre des frais d'hospitalisation de Mme H....
Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :
6. Lorsque le juge administratif indemnise, dans le chef de la victime d'un dommage corporel, la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.
7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 15 mars 2019, que l'état de Mme H... a nécessité une assistance par une tierce personne à raison de 6 heures par semaine du 23 octobre 2008 au 31 octobre 2014, puis de 5 heures par jour du 1er novembre 2014 au 5 février 2016 et de 6 heures par jour jusqu'à son décès, le 7 janvier 2017. Par un jugement du 7 juin 2011, devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à Mme H... une indemnisation au titre d'une assistance par tierce personne de 3 heures par semaine pour la période de novembre 2007 à la date du jugement puis une rente trimestrielle viagère couvrant le coût d'une assistance par une tierce personne à hauteur de 21 heures par semaine, soit 3 heures par jour, à compter de la date du jugement. Par suite, le besoin d'assistance par tierce personne en lien avec l'aggravation de l'état de santé de Mme H... qui s'est manifesté dans son ampleur postérieurement à la date de ce jugement et qui est seul en cause dans la présente instance, doit ainsi être évalué à 2 heures par jour du 1er novembre 2014 au 5 février 2016 puis à 3 heures par jour du 6 février 2016 jusqu'à son décès, le 7 janvier 2017. Après déduction des périodes d'hospitalisation de Mme H..., le volume horaire indemnisable au titre de l'aggravation de son état de santé s'élève à 1 477 heures. Il sera fait application d'un taux horaire moyen de 15 euros pour toute la période, correspondant à la moyenne du salaire minimum de croissance pour la même période, augmenté des cotisations sociales patronales, en calculant l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours pour tenir compte des dimanches, jours fériés et congés payés. Il en résulte qu'une somme de 22 155 euros doit être mise à la charge de l'ONIAM au titre de ce chef de préjudice.
Quant aux frais divers :
8. Si les consorts H... soutiennent avoir versé des sommes à l'expert désigné par le tribunal, de telles sommes, versées à titre d'allocations provisionnelles, relèvent toutefois des dépens de l'instance et ne sauraient être indemnisées au titre des frais exposés.
9. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, notamment du récépissé établi par le docteur E... le 5 février 2019, que les frais d'assistance par un médecin conseil lors de l'expertise du 5 février 2019 ont été réglés par M. G... H.... Le remboursement de ces frais doit donc être pris en compte au titre des préjudices personnels de ce dernier.
S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
10. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du docteur D..., que Mme H... a subi un déficit fonctionnel temporaire total pendant ses périodes d'hospitalisation pour une durée totale de 231 jours pour la période du 23 octobre 2008 à la date de son décès, qu'en dehors de ces périodes d'hospitalisation elle a subi un déficit fonctionnel temporaire de 65 % jusqu'au 5 février 2016, et, à compter de cette date et jusqu'à son décès, un déficit fonctionnel temporaire de 80 %.
11. Par le jugement du 7 juin 2011 devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon lui a alloué une indemnisation sur la base d'un déficit fonctionnel de 55 % à compter du 23 octobre 2008. En conséquence, et compte tenu de l'aggravation de son déficit fonctionnel temporaire au regard de celui déjà indemnisé, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant du déficit fonctionnel partiel lié à l'aggravation de l'état de santé de Mme H... depuis la date de ce jugement jusqu'à son décès en l'évaluant à un montant de 6 900 euros.
Quant aux souffrances endurées :
12. Les souffrances physique et psychologiques endurées par Mme H... du fait de l'aggravation de son état de santé ont été évaluées par l'expert à 6 sur une échelle de 7. Compte tenu des indemnisations qui lui ont été allouées à ce titre par le jugement du tribunal de grande instance en date du 1er décembre 2003 puis par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 juin 2011 et de la durée écoulée entre cette dernière date et la date de son décès, il sera fait une juste appréciation de l'aggravation de son préjudice en l'évaluant à une somme de 15 000 euros.
Quant au préjudice esthétique :
13. Il résulte de l'instruction que les chirurgies et l'altération de l'image corporelle à la suite d'une ascite caractérisent pour Mme H... un préjudice esthétique évalué par l'expert à 4 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à un montant de 6 000 euros.
Quant au préjudice résultant de la contamination :
14. Le préjudice spécifique de contamination, lié aux inquiétudes légitimes nées de la contamination et des conséquences graves pouvant en résulter pour la personne contaminée par le virus de l'hépatite C, est distinct de celui correspondant aux souffrances physiques et morales endurées et est susceptible d'être indemnisé par le juge administratif. Il n'est pas contesté que, de la date de la révélation de sa contamination par le virus de l'hépatite C, en 1995, jusqu'à son décès des suites de cette contamination, le 7 janvier 2017, Mme H... a pu légitimement éprouver de l'anxiété en raison même de sa contamination, de l'évolution péjorative de sa maladie et de la dégradation de son état de santé. Ce chef de préjudice, qui n'a pas précédemment été indemnisé, doit être regardé comme ayant été réservé par le jugement du 7 juin 2011 devenu définitif. Il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à une somme de 25 000 euros.
Quant au préjudice résultant de la conscience d'une espérance de vie réduite :
15. Il résulte en outre de l'instruction que l'aggravation de l'état de santé de Mme H... depuis la date du jugement du 7 juin 2011 est à l'origine d'une perte de chance sérieuse de survie évaluée par l'expert à un durée de 12 à 18 ans. Mme H... ayant eu conscience de cette espérance de vie réduite, il en est résulté pour elle un préjudice moral spécifique, ouvrant droit à indemnisation. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, qui est distinct du préjudice de contamination, de celui correspondant aux souffrances physiques et morales endurées et de celui correspondant au déficit fonctionnel déjà indemnisés, en l'évaluant en l'espèce à 15 000 euros.
16. Il résulte de ce qui précède que la somme que l'ONIAM doit être condamné à verser aux ayants droit de Mme H... en réparation de l'aggravation de ses préjudices en lien avec la contamination par le virus de l'hépatite C dont elle a été victime est portée à 90 751,79 euros.
En ce qui concerne les préjudices de M. K... H... :
17. Le préjudice d'accompagnement vise à réparer les bouleversements sur leur mode de vie au quotidien, dont sont victimes les proches de la victime directe jusqu'au décès de celle-ci. Compte tenu de l'aggravation continuel de l'état de santé de Mme H... depuis la date du jugement du 7 juin 2011 et des répercussions que cette aggravation à nécessairement eu sur la vie de M. K... H... jusqu'à la date du décès de son épouse en janvier 2017, il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'accompagnement en l'évaluant à 25 000 euros.
18. Le préjudice d'affection de M. K... H... résultant de l'aggravation de l'état de santé puis du décès de son épouse sera évalué à 25 000 euros.
19. Il résulte de ce qui précède que la somme que l'ONIAM doit être condamné à verser aux ayants droit de M. H... en réparation de ses préjudices personnels est portée à 50 000 euros.
En ce qui concerne les préjudices de M. G... H... :
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
20. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, que M. H... a exposé des frais de conseil médical à hauteur de 840 euros lors des opérations d'expertises ordonnées par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon le 27 novembre 2018 relatives à l'évaluation de l'aggravation de l'état de santé de Mme H.... Ainsi, il y a lieu de condamner l'ONIAM à lui rembourser cette somme.
21. M. G... H... soutient avoir subi un préjudice professionnel tenant à la perte de postes de travail, à Cannes et au Canada, et à l'interruption d'une formation du fait de la nécessité d'être auprès de sa mère au regard de l'aggravation de son état de santé et de l'impossibilité pour son père d'assumer seul cette charge. Cependant, la nécessité de la présence spécifique de M. G... H... auprès de sa mère et l'abandon de ses emplois ou formation pour ce motif ne ressortent d'aucun des éléments du dossier. Par suite, la demande présentée à ce titre doit être écartée.
S'agissant des préjudices extra patrimoniaux :
22. Il résulte de l'instruction que, compte tenu de l'aggravation continuelle de l'état de santé de Mme H... depuis la date du jugement du 7 juin 2011 et de la situation de handicap de son père, M. G... H... a assuré un accompagnement et une présence soutenue auprès de sa mère jusqu'à la date de son décès. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'accompagnement en l'évaluant à 30 000 euros.
23. Par ailleurs, le préjudice d'affection de M. G... H... résultant de l'aggravation de l'état de santé puis du décès de sa mère sera évalué à 15 000 euros.
24. Il résulte de ce qui précède que la somme que l'ONIAM doit être condamné à verser à M. G... H... en réparation de ses préjudices personnels est portée à 45 840 euros.
En ce qui concerne le préjudice d'affection de M. B... H... et de Mme A... H... :
25. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection de M. B... H... et de Mme A... H..., enfants majeurs hors foyer, du fait du décès de leur mère, en leur allouant à ce titre une somme de 7 000 euros chacun.
Sur les frais liés à l'instance :
26. D'une part, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 600 euros sont laissés à la charge définitive de l'ONIAM.
27. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'ONIAM, qui est tenu aux dépens, à verser à messieurs G... et B... H... et à Mme A... H... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné à verser à messieurs G... et B... H... et à Mme A... H..., en leur qualité d'ayants droit de Mme I... H..., la somme de 90 751,79 euros.
Article 2 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné à verser à messieurs G... et B... H... et à Mme A... H..., en leur qualité d'ayants droit de M. K... H..., la somme de 50 000 euros.
Article 3 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné à verser à M. G... H... une somme de 45 840 euros et à M. B... H... et à Mme A... H..., une somme de 7 000 euros chacun au titre de leurs préjudices personnels.
Article 4 : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 2005609 du tribunal administratif de Lyon du 8 mars 2022 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire avec le présent arrêt.
Article 5 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 600 euros sont laissés à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Article 6 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à messieurs G... et B... H... et à Mme A... H... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions incidentes de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sont rejetés.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... H..., à M. B... H..., à Mme A... H..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Copie en sera adressée au Dr D....
Délibéré après l'audience du 18 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,
M. Gros, premier conseiller,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.
La rapporteure,
E. VergnaudLe président,
H. Stillmunkes
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N°22LY01347 2